Les sukuk permettront de financer les projets d'énergie renouvelable.
« Les sukuk et les nouveaux moyens de financement, qui prend l’initiative ? ». Tel était le thème de la première conférence organisée sur les sukuk en Egypte et tenue le 23 octobre au Caire. Au cours de trois sessions, les participants à cet événement — des représentants de grandes banques d’investissement égyptiennes et étrangères ainsi que des responsables gouvernementaux — ont tous insisté sur l’importance d’avoir recours à cet outil de financement à long terme, à cause de la hausse des coûts de l’endettement. « L’Egypte est l’un des 10 grands pays au niveau mondial qui se caractérisent par la hausse des coûts de l’emprunt. De plus, 90 % du financement en Egypte proviennent du secteur bancaire. Nous avons vraiment besoin d’augmenter le recours à des outils de financement non bancaires », note Mohsen Adel, président de l’Organisme égyptien de surveillance financière. Les sukuk sont des certificats d’investissement conformes à la charia islamique. Ils ne sont pas, comme les obligations conventionnelles, fondés sur une émission de dette. L’investisseur finance un actif tangible, qui va fournir un revenu stable pendant une certaine durée qui ne dépasse pas les 30 ans.
La conférence sur les sukuk intervient au moment où le gouvernement égyptien et le secteur privé entendent trouver de nouveaux moyens pour répondre à leurs besoins de financement suite à la hausse du coût de l’endettement bancaire, qui atteint le plafond de 20 %. Au niveau mondial, les turbulences sur les marchés émergents ont en effet incité les banques opérant en Egypte à réclamer des taux d’intérêt très élevés pour investir dans les titres financiers gouvernementaux. « Malheureusement, il y aura une nouvelle vague de hausse des taux d’intérêt au niveau mondial, qui va entraîner une nouvelle hausse du coût de l’emprunt sur le marché local et international. Le gouvernement devra donc prendre l’initiative pour lancer la première émission de sukuk, afin d’inciter d’autres organismes et institutions à lui emboîter le pas », indique Adel.
Pour sa part, le vice-ministre des Finances, Khaled Abdel-Rahmane, a déclaré que « le gouvernement vise actuellement à diversifier ses moyens de financement. Or, pour émettre des sukuk souverains, qui sont émis par le gouvernement, nous avons besoin d’amender 2 à 3 clauses dans la loi actuelle pour régler la question de la garantie des actifs du pays ».
Bénéfice pour le secteur immobilier
Une question se pose dans ce contexte : quels sont les secteurs qui profiteront de ce nouvel outil de financement ? Le vice-ministre du Logement, Khaled Abbas, a révélé que le secteur immobilier en serait le premier bénéficiaire. « Le secteur du logement est l’un des secteurs qui contribuent le plus au PIB égyptien. C’est pourquoi les sukuk seront l’une des alternatives du ministère du Logement pour financer les projets d’infrastructure dans un avenir proche. Au cours des trois prochaines années, le montant des investissements prévus varie entre 300 et 400 milliards de L.E. », souligne-t-il, en ajoutant que l’Egypte presse le pas pour recourir à cet outil financier dans le domaine de l’immobilier, que ce soit au niveau gouvernemental ou du secteur privé. De même, les méga-projets du secteur de l’énergie constituent un bon exemple en matière de financement par cet outil, qui se caractérise par une longue période de remboursement. « Les projets d’infrastructure et d’énergie renouvelable vont également profiter de cet outil de financement », note Ayman Al-Sawi, PDG de la société Sarwa pour la couverture des émissions.
Pour sa part, Médhat Nafie, président de la Holding pour les industries métallurgiques, a révélé que les sociétés du secteur public des affaires sont actuellement à la recherche de nouveaux moyens de financement. « La société des automobiles Al-Nasr étudie l’émission de sukuk et d’obligations vertes. Autre exemple, la société Aluminuim Misr », indique Nafie, en ajoutant que le montant des émissions de sukuk s’est élevé à 95 milliards de dollars en 2017 au niveau mondial.
Des défis persistent
L’idée d’utiliser les sukuk comme un outil de financement, soit par le gouvernement soit par le secteur privé, n’est pas nouvelle. Elle remonte à l’an 2012, au moment du pouvoir des Frères musulmans, lorsque le parlement avait promulgué une loi réglant ses échanges. Or, certains obstacles avaient entravé la mise en application de cette loi. Pour raviver l’idée, le 13 février dernier, le parlement égyptien avait approuvé 45 amendements de la loi sur le marché financier n°95 de 1992, pour régler l’échange des sukuk en Bourse. « Malgré ces amendements, l’Organisme du marché financier n’a reçu aucune demande d’émission de sukuk de la part des sociétés cotées en Bourse. Celles-ci ont obtenu le financement nécessaire via une augmentation de leur capital, dont le coût est toutefois plus élevé que celui de l’émission de sukuk », indique Mohamed El Sayyad, président adjoint de la Bourse égyptienne pour les affaires de cotation. Quels sont donc les obstacles qui entravent l’émission de ce nouvel outil de financement dans le secteur privé ? Les participants à la conférence ont notamment pointé du doigt le problème du manque de sensibilisation. « Il faut expliquer la différence entre le financement par l’endettement et celui par le capital, non seulement au niveau des entreprises, mais aussi au niveau des particuliers », conclut Amr Hassanein Hassanein, PDG de l’agence de notation Meris.
Les sukuk en ligne
Les sukuk (pluriel de sakk) sont l’équivalent islamique du financement obligataire pour les entreprises et les émetteurs souverains qui souhaitent se conformer aux principes de la charia. Il s’agit de produits financiers adossés à un actif tangible et à échéance fixe. Le sakk confère un droit de propriété sur les actifs de l’émetteur et son porteur reçoit une partie du profit attaché au rendement de l’actif sous-jacent. Les profits versés annuellement correspondent aux gains que ces projets devraient générer. Juridiquement, ils s’apparentent au titre de propriété (quote-part) d’un actif générateur de flux financiers. Ainsi, l’intérêt est remplacé par un profit prévu à l’avance à risque quasi nul. La société émettrice doit repérer les actifs destinés à la vente, afin de les proposer aux investisseurs des sukuk. Ce type d’outil islamique existe notamment en Malaisie, en Indonésie et en Arabie saoudite.
La Grande-Bretagne a été le premier pays occidental à lancer un projet de création de sukuk, il y a plus de 10 ans.
En septembre dernier, l’agence de notation Moody’s a prévu une hausse du montant des émissions de sukuk au niveau mondial, montant qui devrait atteindre 90 à 100 milliards de dollars en 2018.
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