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Mohamed Abdel-Kader : Après le flottement, le marché égyptien est devenu plus attractif pour les investisseurs

Névine Kamel, Mardi, 16 octobre 2018

Mohamed Abdel-Kader, directeur des activités à Citibank en Egypte, responsable de la majeure partie des créances gouvernementales, estime que l’économie égyptienne est prometteuse, mais qu’il faut poursuivre les réformes. Entretien.

Mohamed Abdel-Kader

Al-Ahram Hebdo : Citibank gère la grande majorité des investissements étran­gers dans les outils de créance gouvernementaux. Pouvez-vous nous donner une idée sur l’ap­pétit des étrangers vis-à-vis de ces outils actuellement ?

Mohamed Abdel-Kader : L’Egypte a adopté son programme de réformes économiques en novembre 2016. Ce programme prévoyait notamment la dévalua­tion progressive de la monnaie locale et la suppression progres­sive des subventions, en échange d’un prêt de 12 milliards de dol­lars signé par l’Egypte avec le Fonds Monétaire International (FMI) en 2016.

Si nous examinons aujourd’hui la situation de l’Egypte, nous constatons que le compte courant et la balance des paiements fonc­tionnent assez bien. De plus, le déficit budgétaire va dans la bonne direction. Le taux de chô­mage est également passé de 12,5 à 9,8 % et nous espérons être en deçà des 9 % en 2018-2019.

Ces réformes adoptées par l’Egypte étaient essentielles et critiques, et la présence du FMI dans les réformes a donné à l’Egypte une bonne occasion de gagner la confiance des investis­seurs. Cela s’est bien répercuté sur l’appétit des investisseurs vis-à-vis des outils de créance gou­vernementaux. Nous avons vu de grandes institutions et de grands investisseurs effectuer de grands achats sur les outils de créance égyptiens.

— Avez-vous senti une diffé­rence dans l’appétit des inves­tisseurs quant aux outils de créance avant et après le flotte­ment de la livre égyptienne ?

— Toutes les réformes adoptées par l’Egypte ont conduit à une micro-stabilité et toutes les procé­dures suivies par le gouvernement pour assurer la durabilité de la croissance future sont correctes. Avant le flottement de la livre égyptienne, la monnaie disposait de deux marchés, le marché offi­ciel et le marché noir. Le dollar était très recherché. La pénurie de dollars a fait que les investisseurs hésitaient à venir sur le marché égyptien. Après le flottement, le marché égyptien est devenu plus attractif pour les investisseurs.

— Quel est exactement le rôle de la banque dans la gestion des outils de créance gouvernemen­taux ?

Citibank coopère avec le gouvernement égyptien dans la promotion des investissements, dans les actifs égyptiens et dans la promotion des Eurobonds offerts par l’Egypte sur les marchés internationaux et dans d’autres domaines. La banque a aussi mené de nombreuses campagnes de promotion pour attirer plus d’investisseurs en Egypte, et nous avons réussi à attirer 60 % des 21,5 milliards de dollars investis en Egypte sous forme d’obliga­tions et de bons du Trésor jusqu’en avril dernier. Je dois dire que nous achetons les bons du Trésor avec notre budget et c’est ainsi que nous avons créé un por­tefeuille local d’achats.

Nous coopérons également avec le gouvernement égyptien dans les offres d’obligations sur les marchés internationaux. Nous étions un gestionnaire-clé des offres d’obligations émises par le gouvernement au cours des quatre dernières années.

L’Egypte a émis des obligations Eurobonds au cours des quatre dernières années pour un montant de 16 milliards de dollars. Citibank, lui seul, a géré l’émis­sion d’environ 15 milliards de dollars d’obligations. La banque n’a pas participé au reste, car le gouvernement a préféré confier la tâche à une banque européenne pour émettre des obligations en euro dans les canaux européens. Nous espérons que Citibank fera partie de l’émission prévue de 5 milliards de dollars d’obligations supplémentaires l’année pro­chaine, comme le ministère des Finances l’a annoncé plus tôt.

— Nous avons récemment assisté à la sortie de quelques investisseurs étrangers du mar­ché égyptien. Comment inter­prétez-vous ce fait ?

— C’est à cause de la crise des marchés émergents que les inves­tisseurs ont réduit leur capital. Ils n’ont quitté l’Egypte qu’en der­nier recours, car l’Egypte possède un bon taux d’intérêt et une mon­naie toujours bon marché. Or, il était évident que les pertes subies par les investisseurs sur les autres marchés émergents les incitent à réduire leur portefeuille d’inves­tissement en Egypte.

— Que peut faire donc le gou­vernement égyptien pour main­tenir les investisseurs étran­gers ?

Après le flottement, le marché égyptien est devenu plus attractif pour les investisseurs
Le flottement de la livre était nécessaire pour relancer l'investissement. (Photo : Reuters)

— La situation générale en Egypte semble prometteuse, mais il faut en assurer la durabilité. L’économie égyptienne a atteint son apogée entre 2004 et 2011. Ensuite, elle a chuté à partir de 2011 en raison du Printemps arabe et de nombreuses autres raisons, avant de retrouver son lustre à nouveau en 2018. L’Egypte a connu donc de nom­breux cycles au cours desquels la situation économique s’est amé­liorée et s’est de nouveau détério­rée pour des raisons comme la crise financière ou le Printemps arabe. Le pays a donc besoin d’une croissance plus durable. La première chose à faire dans ce contexte est d’annuler les subven­tions à l’énergie. Un pas majeur dans la bonne direction. Annuler les subventions accordées à l’énergie est indispensable pour alléger la pression sur les dépenses du gouvernement et relancer une économie en diffi­culté depuis le soulèvement de 2011.

De même, l’Egypte doit se transformer en une industrie manufacturière. Parce que le modèle de consommation égyp­tien a changé à cause du flotte­ment de la livre et des réformes. Il y a à présent un changement de comportement qui permet d’éco­nomiser de l’énergie et de réduire la consommation excessive, ce qui fera évidemment une différence. Une troisième chose, le gouverne­ment doit continuer à développer les infrastructures, notamment les routes et l’énergie. Deux secteurs importants pour les investisseurs et, par conséquent, pour la relance économique du pays.

Citibank s’est retirée en 2011 du secteur du retail en Egypte. Avez-vous l’intention de retourner à une telle activité sur le marché égyptien ?

— Non, la banque n’a pas l’in­tention de retourner sur le marché du retail en Egypte et cela ne concerne pas seulement le marché égyptien. Ceci dans le cadre d’un plan de la banque visant à structu­rer ses actifs au niveau mondial. Nous voulons, par contre, nous concentrer, au cours de la pro­chaine période, sur l’expansion du portefeuille des entreprises locales en Egypte sur une base sélective, car après la révolution de 2011, notre portefeuille d’entreprises locales a décliné. La coopération avec le gouvernement dans la pro­motion des obligations en dollars est également une autre activité qui nous intéresse. Finalement, nous visons à aider le gouvernement dans son programme de lancement des entreprises publiques en Bourse, en cours actuellement.

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