Al-Ahram Hebdo : Citibank gère la grande majorité des investissements étrangers dans les outils de créance gouvernementaux. Pouvez-vous nous donner une idée sur l’appétit des étrangers vis-à-vis de ces outils actuellement ?
Mohamed Abdel-Kader : L’Egypte a adopté son programme de réformes économiques en novembre 2016. Ce programme prévoyait notamment la dévaluation progressive de la monnaie locale et la suppression progressive des subventions, en échange d’un prêt de 12 milliards de dollars signé par l’Egypte avec le Fonds Monétaire International (FMI) en 2016.
Si nous examinons aujourd’hui la situation de l’Egypte, nous constatons que le compte courant et la balance des paiements fonctionnent assez bien. De plus, le déficit budgétaire va dans la bonne direction. Le taux de chômage est également passé de 12,5 à 9,8 % et nous espérons être en deçà des 9 % en 2018-2019.
Ces réformes adoptées par l’Egypte étaient essentielles et critiques, et la présence du FMI dans les réformes a donné à l’Egypte une bonne occasion de gagner la confiance des investisseurs. Cela s’est bien répercuté sur l’appétit des investisseurs vis-à-vis des outils de créance gouvernementaux. Nous avons vu de grandes institutions et de grands investisseurs effectuer de grands achats sur les outils de créance égyptiens.
— Avez-vous senti une différence dans l’appétit des investisseurs quant aux outils de créance avant et après le flottement de la livre égyptienne ?
— Toutes les réformes adoptées par l’Egypte ont conduit à une micro-stabilité et toutes les procédures suivies par le gouvernement pour assurer la durabilité de la croissance future sont correctes. Avant le flottement de la livre égyptienne, la monnaie disposait de deux marchés, le marché officiel et le marché noir. Le dollar était très recherché. La pénurie de dollars a fait que les investisseurs hésitaient à venir sur le marché égyptien. Après le flottement, le marché égyptien est devenu plus attractif pour les investisseurs.
— Quel est exactement le rôle de la banque dans la gestion des outils de créance gouvernementaux ?
— Citibank coopère avec le gouvernement égyptien dans la promotion des investissements, dans les actifs égyptiens et dans la promotion des Eurobonds offerts par l’Egypte sur les marchés internationaux et dans d’autres domaines. La banque a aussi mené de nombreuses campagnes de promotion pour attirer plus d’investisseurs en Egypte, et nous avons réussi à attirer 60 % des 21,5 milliards de dollars investis en Egypte sous forme d’obligations et de bons du Trésor jusqu’en avril dernier. Je dois dire que nous achetons les bons du Trésor avec notre budget et c’est ainsi que nous avons créé un portefeuille local d’achats.
Nous coopérons également avec le gouvernement égyptien dans les offres d’obligations sur les marchés internationaux. Nous étions un gestionnaire-clé des offres d’obligations émises par le gouvernement au cours des quatre dernières années.
L’Egypte a émis des obligations Eurobonds au cours des quatre dernières années pour un montant de 16 milliards de dollars. Citibank, lui seul, a géré l’émission d’environ 15 milliards de dollars d’obligations. La banque n’a pas participé au reste, car le gouvernement a préféré confier la tâche à une banque européenne pour émettre des obligations en euro dans les canaux européens. Nous espérons que Citibank fera partie de l’émission prévue de 5 milliards de dollars d’obligations supplémentaires l’année prochaine, comme le ministère des Finances l’a annoncé plus tôt.
— Nous avons récemment assisté à la sortie de quelques investisseurs étrangers du marché égyptien. Comment interprétez-vous ce fait ?
— C’est à cause de la crise des marchés émergents que les investisseurs ont réduit leur capital. Ils n’ont quitté l’Egypte qu’en dernier recours, car l’Egypte possède un bon taux d’intérêt et une monnaie toujours bon marché. Or, il était évident que les pertes subies par les investisseurs sur les autres marchés émergents les incitent à réduire leur portefeuille d’investissement en Egypte.
— Que peut faire donc le gouvernement égyptien pour maintenir les investisseurs étrangers ?
Le flottement de la livre était nécessaire pour relancer l'investissement. (Photo : Reuters)
— La situation générale en Egypte semble prometteuse, mais il faut en assurer la durabilité. L’économie égyptienne a atteint son apogée entre 2004 et 2011. Ensuite, elle a chuté à partir de 2011 en raison du Printemps arabe et de nombreuses autres raisons, avant de retrouver son lustre à nouveau en 2018. L’Egypte a connu donc de nombreux cycles au cours desquels la situation économique s’est améliorée et s’est de nouveau détériorée pour des raisons comme la crise financière ou le Printemps arabe. Le pays a donc besoin d’une croissance plus durable. La première chose à faire dans ce contexte est d’annuler les subventions à l’énergie. Un pas majeur dans la bonne direction. Annuler les subventions accordées à l’énergie est indispensable pour alléger la pression sur les dépenses du gouvernement et relancer une économie en difficulté depuis le soulèvement de 2011.
De même, l’Egypte doit se transformer en une industrie manufacturière. Parce que le modèle de consommation égyptien a changé à cause du flottement de la livre et des réformes. Il y a à présent un changement de comportement qui permet d’économiser de l’énergie et de réduire la consommation excessive, ce qui fera évidemment une différence. Une troisième chose, le gouvernement doit continuer à développer les infrastructures, notamment les routes et l’énergie. Deux secteurs importants pour les investisseurs et, par conséquent, pour la relance économique du pays.
— Citibank s’est retirée en 2011 du secteur du retail en Egypte. Avez-vous l’intention de retourner à une telle activité sur le marché égyptien ?
— Non, la banque n’a pas l’intention de retourner sur le marché du retail en Egypte et cela ne concerne pas seulement le marché égyptien. Ceci dans le cadre d’un plan de la banque visant à structurer ses actifs au niveau mondial. Nous voulons, par contre, nous concentrer, au cours de la prochaine période, sur l’expansion du portefeuille des entreprises locales en Egypte sur une base sélective, car après la révolution de 2011, notre portefeuille d’entreprises locales a décliné. La coopération avec le gouvernement dans la promotion des obligations en dollars est également une autre activité qui nous intéresse. Finalement, nous visons à aider le gouvernement dans son programme de lancement des entreprises publiques en Bourse, en cours actuellement.
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