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La réconciliation pour sécuriser les investissements

Dahlia Réda, Mardi, 11 juin 2013

Le gouvernement vient d'amender la loi sur l'investissement pour permettre des règlements à l'amiable avec les hommes d’affaires de l'ère Moubarak. L'amendement attend l'aval du Conseil consultatif.

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Se réconcilier avec les hommes d’affaires de l’ancien régime c’est pour le gouvernement islamiste récupérer de l’argent pour renflouer les caisses. Le nouveau ministre égyptien de l’Investissement, Yéhia Hamed, a été chargé d’amender la loi sur l’investissement de manière à permettre des règlements à l’amiable avec les hommes d’affaires de l’ancien régime. Pour le gouvernement, il s’agit d’une mesure « constructive » vis-à-vis de ces hommes d’affaires accusés de fraude et de corruption. L’amendement en question a été approuvé par le Conseil des ministres mais attend l’aval des députés du Conseil consultatif.

La première modification concerne les prérogatives du ministère de l’Investissement. Celui-ci reçoit davantage de pouvoirs pour régler les conflits entre les investisseurs et les organismes publics. Des comités chargés de régler les conflits entre les investisseurs locaux et étrangers et le gouvernement seront créés, avec l’objectif de trouver des règlements à l’amiable acceptables pour les deux parties.

La deuxième clause de la loi autorise désormais la réconciliation avec les hommes d’affaires via leur représentant juridique, c’est-à-dire sans leur présence.

Le troisième amendement concerne les enchères et les adjudications. Il donne plus de prérogatives aux organismes économiques pour lancer les surenchères et les adjudications sur le marché, conformément au plan d’investissement déterminé par le ministère de l’Investissement. « Le but est de décentraliser la prise de décision en accordant plus de prérogatives aux organismes concernés », clarifie le communiqué publié cette semaine par le ministère de l’Investissement.

Cette approche de la réconciliation ouvre la porte au règlement d’une série de conflits économiques qui tournent autour de la fraude et le détournement de terrains appartenant à l’Etat. « En vertu de ces règlements, ces hommes d’affaires sont appelés à restituer les terrains ou les actifs qu’ils ont détournés ou à payer l’équivalent de leur valeur. De cette manière, les hommes d’affaires impliqués dans la corruption et traités selon les anciennes clauses en tant que criminels seront sanctionnés uniquement pour les violations commises », a précisé à l’Hebdo le ministre de l’Investissement.

Yéhia Hamed ajoute que la mise en oeuvre de ces deux nouvelles clauses vise à rassurer les milieux d’affaires de l’ancien régime. « Ces modifications constituent un message d’apaisement et un appel aux hommes d’affaires pour résoudre les conflits », déclare le ministre. Le gouvernement égyptien récupérera les prix des terrains détournés par ces hommes d’affaires de l’ère Moubarak.

« Empêcher d’autres abus »

Pour Hamdi Abdel-Azim, expert économique, ces modifications auront un effet positif, puisqu’elles permettront de régler des procès qui traînent depuis presque trois ans dans les tribunaux. « Les règlements à l’amiable avec les hommes d’affaires arabes ou non arabes seront accomplis à travers des transferts vers la Banque Centrale d’Egypte (BCE), pour financer le Trésor public. De plus, le gouvernement exige, pour conclure la réconciliation, que les hommes d’affaires concernés dévoilent leur patrimoine, ce qui permettra d’empêcher d’autres abus », explique-t-il.

Mohamad Al-Masri, homme d’affaires et ex-président de l’Union des Chambres commerciales, critique, lui, l’amendement. Pour lui, il s’agit d’un moyen pour les Frères d’attirer sous leur aile les symboles de l’ancien régime, « afin de recueillir leur soutien aux prochaines élections parlementaires ». Pour lui, le risque d’une telle politique est qu’elle peut encourager des dérives similaires à l’avenir et leur apporter une légitimité.

Un règlement déjà conclu

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Selon ces amendements, une conciliation est prévue avec l'homme d'affaires Hussein Salem.

Sans attendre l’amendement de la loi sur l’investissement, un règlement à l’amiable a eu lieu la semaine dernière avec l’homme d’affaires Hussein Al-Segwany, PDG du prometteur immobilier émirati Damac. Et cela après l’intervention du procureur général suspendant un jugement le condamnant à 5 ans de prison et le retirant de la liste des personnes interdites de voyager. Ce règlement l’oblige à payer 7 milliards de L.E. (équivalent de la différence de prix des terrains attribués sous Moubarak à vil prix et leur prix actuel) dans l’affaire des terrains de Gamsha sur la mer Rouge.

Chez Damac, un responsable qui a requis l’anonymat a déclaré que le règlement avec le gouvernement égyptien « a encouragé la société à régler son différend avec le pays sans hésitation, surtout qu’elle a déjà acquis les terrains pour créer de nouveaux projets immobiliers. Damac planifie maintenant d’investir sur le long terme », note-t-il.

Plusieurs hommes d’affaires de l’ancien régime et des hommes d’affaires arabes sont concernés par de telles réconciliations tels Hussein Salem (gaz, tourisme) et Ahmad Ezz (fer)

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