Les réformes économiques mises en oeuvre en Egypte au cours des dernières années et l’avenir de l’investissement ont été parmi les thèmes importants discutés lors de la conférence Euromoney 2018, qui a eu lieu les 4 et 5 septembre au Caire. Il s’agit de la rencontre annuelle la plus importante qui réunit des membres du gouvernement, des figures importantes du secteur privé et des représentants d’institutions internationales comme la Banque Mondiale (BM) et le Fonds Monétaire International (FMI).
De manière générale, si les participants se sont montrés optimistes quant à l’avenir, ils ont aussi plaidé pour l’accélération de l’implémentation de mesures encourageant l’investissement privé et souligné l’importance d’aborder les problèmes structurels de l’économie égyptienne.
« Les mesures de la réforme sont sur la bonne voie, mais nous devons aborder nos problèmes structurels et les défis économiques. Nous avons besoin d’augmenter la productivité, de diversifier davantage notre économie et il faut faire plus pour encourager l’investissement. Mais je veux mentionner que les réformes implémentées aux cours des dernières années ont porté leurs fruits », a déclaré Mohamad Maeit, ministre des Finances. Les membres du gouvernement et les économistes présents ont rappelé que les principaux indicateurs macroéconomiques ont connu une amélioration l’année passée. Ainsi, le Produit Intérieur Brut (PIB) a connu une croissance de 5,3 % en 2017, contre une moyenne de 2,3 % entre 2011 et 2014. Pour cette année, le gouvernement prévoit un taux de croissance entre 5,7 à 6 %, axé sur l’encouragement des investissements et des exportations. Le taux de chômage cette année est le plus bas depuis 2010 et l’excédent budgétaire en 2017-2018 le plus élevé depuis 15 ans. Les réserves de change nettes en juillet 2018 ont atteint 44 milliards de dollars, soit le plus élevé de l’histoire de l’Egypte.
Malgré l’amélioration de ces indicateurs économiques, d’autres mesures restent à entreprendre pour assurer la stabilité. Pour consolider le budget, le gouvernement tente d’augmenter ses revenus fiscaux, qui s’élèvent actuellement à 14 % du PIB. Il compte les porter à 14,7 % pour l’année fiscale en cours et les amener plus tard à la moyenne mondiale de 20 %.
Le ministre des Finances a reconnu que la hausse de la dette publique est un souci que le gouvernement essaye d’adresser par plusieurs moyens. « Il faut bien sûr limiter l’endettement, mais si l’on vise la croissance économique, il faut dépenser soit à travers les revenus du pays, soit en ayant recours à l’endettement », a expliqué le ministre, en soulignant qu’il faut augmenter les revenus étatiques, vu que les dépenses ne peuvent pas être retenues davantage, sans quoi le niveau de croissance sera affecté. « Il faut accroître les revenus à un taux plus important que celui de la hausse des dépenses. Il faut donc stabiliser les politiques fiscales pour attirer les investissements, mais aussi assurer une collecte d’impôts et de taxes efficace », a rappelé le ministre. Selon Hany El-Sonbaty, directeur associé auprès de Sawari Ventures, la baisse de l’endettement public intérieur va pousser les banques à devenir plus créatives et une baisse signifiante de la dette résultera en une hausse des investissements privés.
Stabiliser le régime fiscal
Les participants ont à plusieurs reprises souligné l’importance de stabiliser le système fiscal, afin de créer un environnement des affaires qui attire plus d’investissements. « Il est important de stabiliser les réglementations et il existe une tendance à tout stabiliser, y compris le taux de change. Par une stabilité sur le long terme, le gouvernement envoie des messages positifs », a dit Imad Ghandour, co-fondateur et directeur associé de CedarBridge Partners.
Le ministre des Finances a en outre clarifié que le gouvernement oeuvrait pour unifier et simplifier les procédures de collecte d’impôts et de taxes ainsi que pour automatiser le système de collecte des impôts, annonçant qu’à partir d’octobre, il sera obligatoire de présenter sa déclaration d’impôts électroniquement. « Nous allons travailler pour améliorer la collecte des impôts au cours des 3 années prochaines, tout en assurant la stabilité des politiques fiscales », a annoncé Mohamad Maeit.
Les participants ont par ailleurs discuté des facteurs extérieurs qui peuvent menacer la stabilité économique de l’Egypte, y compris la hausse des cours internationaux du pétrole, qui peut affecter le budget, vu que l’Egypte est un pays importateur net de pétrole et subventionne partiellement les produits pétroliers. « Actuellement, le cours du baril est d’environ 78 dollars, alors que le budget est calculé sur la base d’un baril à 67 dollars en moyenne. C’est pourquoi nous avons demandé le droit d’adopter un programme de couverture des risques liés aux prix du pétrole », a expliqué Mohamad Maeit.
Rester optimiste
Enfin, les participants ont parlé des conséquences, pour l’Egypte, du manque de confiance dans les marchés émergents en général, notamment au vu de la crise actuelle en Argentine. A cet égard, la majorité d’entre eux s’est déclarée optimiste, surtout que le système bancaire en Egypte n’a pas été gravement affecté par la crise financière mondiale de 2008. « Cela car l’Egypte avait déjà pris des mesures pour la réforme du système bancaire avant la crise », a dit le ministre des Finances, soulignant que les réformes entreprises depuis 2016 allaient permettre à l’Egypte de surmonter les effets secondaires de la crise des marchés émergents. « La preuve en est que plusieurs organisations internationales ont amélioré le classement de l’Egypte », a souligné le ministre. « Fiscalement, nous ne sommes pas aussi forts qu’en 2008, mais nous sommes relativement stables. J’espère que la situation sur les marchés émergents ne va pas se détériorer, sinon, nous risquons de voir les effets des réformes et des sacrifices faits au cours des deux dernières années emportés », a commenté, pour sa part, El-Sonbaty.
Reza Baqir, haut représentant résident du FMI, a ajouté que les mesures protectionnistes prises par les Etats-Unis avaient suscité des préoccupations supplémentaires qui affecteront tous les pays. Or, « les pays dont les fondamentaux sont plus solides, comme l’Egypte, seront moins touchés, car ils dépendent moins des financements extérieurs », a souligné l’économiste. Un sondage parmi les participants sur le manque de confiance dans les marchés émergents a montré que 28 % croient que l’Egypte sera affectée négativement, 52 % ne prévoient aucun impact réel et 20 % croient que l’Egypte sera relativement peu touchée .
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