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Reza Baqir : Nous prévoyons pour l’Egypte un taux de croissance de 5,5 % en 2019

Névine Kamel, Mardi, 07 août 2018

A l’occasion de la rencontre annuelle des gouverneurs des Banques Centrales africaines (African Caucus-World Bank Group) à Charm Al-Cheikh les 4 et 5 août, Reza Baqir, haut représentant résident du Fonds Monétaire International (FMI), s’exprime sur les prévisions macroéconomiques dans la région.

Reza Baqir

Al-Ahram Hebdo : Pouvez-vous nous parler de la rencontre des gouverneurs des Banques Centrales africaines ?

Reza Baqir : Il s’agit de la 41e rencontre de l’Association africaine des Banques Centrales (AACB). Et c’est la première fois que cette rencontre se tient en Egypte depuis la création de l’AACB. Le sujet-clé qui sera débattu au cours de la rencontre est le déclin du rôle de la correspondance bancaire et l’émergence de secteurs financiers souterrains. Ce sujet est d’actualité en Afrique et sur les marchés émergents en général. La fin de la correspondance bancaire affecte la capacité des banques à procurer les crédits et à assurer les transferts des paiements internationaux. Ceci a un impact direct sur la croissance, le commerce et la stabilité interne et externe.

— Quel est le message que vous voulez transmettre à travers votre participation à la conférence ?

— J’ai parlé des perspectives d’avenir pour les pays de l’Afrique du Nord au cours de la séance d’information de la rencontre. Notre focus est la croissance inclusive, un sujet précédemment débattu début 2018 au cours de la conférence du FMI sur les opportunités pour tous qui a eu lieu à Marrakech. Il s’agit de promouvoir la croissance et l’inclusion en Afrique du Nord et la région du Moyen-Orient.

Le message-clé que nous voulons transmettre est que la croissance en Afrique du Nord est encore fragile et insuffisante pour générer les emplois dont la région a besoin. En outre, l’Afrique du Nord est confrontée au défi de l’emploi y compris pour les femmes et les jeunes.

La croissance basée sur le secteur privé est génératrice d’emplois. Ceci impliquerait une amélioration de l’environnement des affaires. Les réformes doivent viser la transparence et la responsabilité des institutions publiques. Il est également primordial, parmi d’autres réformes prônées, d’améliorer l’accès au financement pour les petites et moyennes entreprises. Il faut générer des offres d’emploi par le secteur privé à travers une meilleure éducation et des stages de formation.

— Quelles sont vos prévisions de croissance pour l’Afrique ? Le continent possède-t-il les moyens pour améliorer la croissance ?

— Pour l’Afrique subsaharienne, selon les récentes lectures prévisionnelles du World Economic Outlook (WEO), la croissance reprendra modestement et passera de 3,5 % en 2018 à 3,75 % en 2019. Elle se stabilisera aux alentours de 4 % sur le moyen terme. Ceci permettra que les revenus per capita augmentent dans un certain nombre de pays. Malgré une reprise minime des prix des matières de base, la croissance n’a pas atteint les niveaux requis.

En Afrique du Nord, la plupart des pays, à l’exception de la Libye, passent par des périodes de reprise de croissance. Malgré cette amélioration relative, la croissance reste fragile. Notre vision d’avenir est basée sur l’atténuation de cette vulnérabilité due à la dette, sur le renforcement de la croissance inclusive à travers une amélioration de l’environnement des affaires et d’autres réformes structurelles.

— Comment évaluez-vous les opportunités de croissance dans chaque pays d’Afrique du Nord ? Et qu’en est-il de l’Egypte ?

— Nos projections de croissance pour les pays de l’Afrique du Nord sont publiées régulièrement dans les prévisions sur l’économie mondiale du FMI, ainsi que les prévisions sur le Moyen-Orient, l’Asie centrale et l’Afrique du Nord, Libye exclue. Nous nous attendons à une reprise modeste de la croissance située entre 3,4 % et 4,3 % l’année prochaine. Ces estimations seront réactualisées dans les quelques mois à venir.

En même temps, les perspectives varient considérablement en fonction des pays. Par exemple, le taux de croissance attendu pour l’Egypte est le plus élevé comparé aux autres pays de la région, soit de 5,2 % cette année et de 5,5 % l’année prochaine.

— Quelle est la nature de votre mission en Egypte ? Quelles sont vos responsabilités ?

— En tant que haut représentant résident du FMI en Egypte, j’assume trois rôles essentiels. D’abord, je soutiens les autorités dans leur programme de réforme. Ceci implique un dialogue ininterrompu avec les autorités et un contact avec elles. Mon second rôle est de garantir une meilleure coordination avec l’assistance technique. Nous avons un certain nombre de missions qui visitent Le Caire, outre les missions de révision. Mon rôle est que cet engagement soit effectué d’une manière flexible. Les autorités obtiennent des recommandations dans les domaines dont ils ont besoin à partir des informations et des données qu’elles nous transmettent. Enfin, je suis responsable de la sensibilisation, c’est-à-dire que je transmets nos messages principaux aux autorités concernées dans et hors du gouvernement.

— Après avoir passé environ une année au Caire, comment évaluez-vous la performance de l’économie égyptienne ? Quelles sont vos prévisions pour la croissance égyptienne sur les long et moyen termes ? Comment faire en sorte que la croissance soit ressentie par toutes les classes de la société ?

— L’Egypte s’est lancée dans son programme ambitieux de réforme depuis 2016 et celui-ci est appliqué avec réussite. Comme vous le savez, ceci était en contrepartie d’un prêt alloué par le FMI de 12 milliards de dollars remboursables sur trois ans. Les éléments-clés de ce programme étaient la libéralisation des taux de change, le renforcement des réseaux de protection sociale et l’amélioration de l’environnement des affaires. Ces efforts se sont répercutés sur les indicateurs macroéconomiques, ils ont réduit les déficits fiscaux, l’inflation et le chômage. Les investisseurs et les agences de notation ont également reconnu les efforts de l’Egypte.

Pour l’avenir, il faut prendre en considération deux priorités. La première est la difficulté de préserver ces gains macroéconomiques. Il faut savoir que si vous arrêtez de pédaler, la bicyclette tombera. La seconde est d’accélérer les réformes structurelles afin de développer un secteur privé plus fort et plus vibrant, capable de générer les offres d’emploi requis pour absorber la population jeune et dynamique de l’Egypte et atteindre une croissance économique satisfaisante. Pour arriver à cette fin, les autorités ont initié des programmes de réforme pour faciliter le lancement des nouvelles entreprises, promouvoir l’entreprenariat et les PME, améliorer l’efficacité de l’allocation des terres et renforcer la compétition et les services publics. Ceci sans oublier les programmes qui visent à améliorer la transparence des entreprises publiques et à lutter contre la corruption. L’application de ces réformes avec succès est la clé pour réaliser les objectifs du gouvernement et réaliser des taux de croissance inclusive plus élevés. Si les programmes de réforme sont menés avec succès, nous prévoyons une croissance de 6 %, une chute de l’inflation et du chômage à 7 %, ainsi qu’une amélioration des comptes courants sur le moyen terme.

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