L’or constitue le meilleur moyen d’investissement en ce moment. Tel est le conseil donné par le milliardaire égyptien Naguib Sawirès, qui a déclaré, dans un entretien avec l’agence Bloomberg, qu’il allait investir la moitié de sa fortune, évaluée à 5,7 milliards de dollars, dans l’or. « Le prix de l’or, qui se situe juste au-dessus de 1 300 dollars l’once actuellement, va augmenter pour atteindre 1 800 dollars, alors que les marchés boursiers sont surévalués », a indiqué l’homme d’affaires dans l’entretien, publié le 1er mai sur le site de l’agence.
Sawirès a justifié son intention d’investissement par la hausse de la demande de l’or au moment des crises dans la région ces derniers temps, susceptibles d’engendrer encore une hausse de prix de ce métal dans le futur. « Les gens ont généralement recours à l’achat d’or en cas de crise. Or, nous souffrons de plusieurs crises maintenant, regardez le Moyen-Orient et le monde », a déclaré Sawirès, qui prévoit aussi la hausse de la consommation en Chine. « En fin de compte, vous avez la Chine, et ils n’arrêteront pas de consommer et de recourir à l’achat d’or au moment des crises. Et nous sommes en pleine crise ... », a déclaré le milliardaire. Ces déclarations ont fait basculer la Bourse égyptienne, tombée dans le rouge les deux jours suivant la publication de l’entretien.
Selon le site de cette dernière, tous les indices boursiers, notamment l’EGX 30 (rassemblant les 30 actions les plus échangées en Bourse) ont chuté de 2,5 %. « Les déclarations de Sawirès ont suscité les inquiétudes des investisseurs à propos de l’avenir du marché financier, ce qui les a incités à liquider leurs titres », note Mohamad Chaarawi, analyste auprès de la maison de courtage Pioneers, sur le site de la Bourse égyptienne, Mubasher. Ce dernier a adressé un questionnaire à plusieurs analystes boursiers concernant l’impact des déclarations du célèbre homme d’affaires sur les échanges en Bourse, questionnaire qui a révélé un effet significatif.
Toutefois, Chaarawi prévoit que ce recul est temporaire et que la Bourse repartira à la hausse rapidement. De son côté, Amr Al-Alfy, chef du département des recherches auprès de la société de courtage Shuaa Capital, basée aux Emirats arabes unis, il décrit les déclarations de Sawirès comme étant un avis personnel qui n’a aucun impact sur la Bourse. « Il n’y a aucune relation entre les déclarations de Sawirès et la chute de la Bourse égyptienne. Les particuliers, susceptibles de suivre son conseil de recourir à l’or au lieu d’investir dans les titres financiers, ont réalisé des achats nets d’actions le jeudi 3 mai. Il s’agit donc simplement d’un mouvement de correction, car les indices boursiers avaient atteint des niveaux historiques dernièrement », a-t-il indiqué à l’Hebdo, ajoutant que les marchés boursiers ne sont pas surévalués.
« Bien qu’il y ait certains titres financiers surévalués, tels que le CIB ou l’action de Beltone, échangée à 5 fois sa valeur nominale, il existe aussi des titres à des cours abordables, comme l’action d’EFG-Hermès. La Bourse reste un moyen d’investissement plus rentable que l’or », a-t-il encore clarifié, tout en ajoutant que Sawirès entendait simplement restructurer son portefeuille d’investissement.
Un portefeuille diversifié
En fait, l’investissement de Sawirès dans l’or ne date pas d’aujourd’hui, puisqu’en 2012, le milliardaire avait acquis 86 % des parts de l’entreprise canadienne La Mancha Resources Inc lors d’une transaction de 492 millions de dollars. La Mancha, créée en 2006, exploite des mines d’or au Soudan et en Côte d’Ivoire ainsi qu’en Australie. Elle mène des activités d’exploration sur une trentaine de sites dans les pays où elle est déjà présente, de même qu’en Argentine. « Cela signifie que Sawirès n’achète pas le métal directement, mais qu’il investit dans des entités explorant l’or pour réaliser un double profit : le premier est lié à l’investissement dans le métal dont le cours ne cesse de s’envoler, et le deuxième profit provient de la hausse des résultats financiers des entités exploitant des mines d’or », note Al-Alfy.
Ce dernier ajoute que l’investisseur intelligent doit inclure l’or dans son portefeuille d’investissement. Or, les prévisions de Sawirès interviennent au moment où le World Gold Counsel (Conseil international de l’or) révèle, dans son dernier rapport publié le 3 mai sur le site Mubasher de la Bourse égyptienne, le recul de la demande relative à l’or à son plus bas niveau depuis 2008. « La demande relative à l’or a chuté de 7 % pendant le premier trimestre de cette année, pour atteindre 973,5 tonnes. Ce recul est dû en grande partie à la baisse de l’investissement dans l’or de 27 % entre janvier et mars 2018 », indique le rapport.
Quant à la demande des Banques centrales concernant le métal, elle a augmenté de 42 % pendant le premier trimestre, pour se chiffrer à 116,5 tonnes. Le recours de Sawirès à l’or intervient, selon les analystes, dans le cadre de sa stratégie de diversification du portefeuille en se basant sur deux piliers principaux : le premier consiste à se retirer graduellement du secteur des télécoms, qui est arrivé à saturation. « Ce secteur a atteint son pic », a déclaré Sawirès.
Naguib Sawirès, nommé le « pharaon des télécoms » dans la presse occidentale, s’est fait un nom en investissant dans le secteur des télécommunications en Egypte et dans des marchés moins populaires comme l’Iraq, le Pakistan, la Corée du Nord et le Bangladesh. Il a été le premier à investir dans ce secteur via l’achat du premier opérateur de téléphonie mobile Mobinil dans les années 1990, qu’il a vendu 20 ans plus tard à l’opérateur français Orange. Aujourd’hui, Sawirès ne possède plus que la société Orascom Telecom Media & Technology Holding (OTMT) en Egypte, qui englobe Koryolink, l’opérateur de téléphonie mobile en Corée du Nord.
Malheureusement, il n’arrive pas à récupérer ses profits à cause des tensions politiques. « Les coûts et les revenus de l’entité nordcoréenne ne sont actuellement pas comptabilisés dans les finances d’OTMT. J’ai investi beaucoup d’argent, construit un hôtel et fait beaucoup de bonnes choses, mais j’ai investi dans une monnaie qui ne s’échange pas facilement », indique Sawirès, révélant aussi à Bloomberg qu’il était sous pression de la part des gouvernements occidentaux à cause de son investissement en Corée du Nord. Le deuxième pilier consiste à investir dans trois secteurs. D’une part, le secteur financier, via l’achat de la banque d’investissement égyptienne Beltone Financial Holding et la tentative d’acheter CI Capital Holding pour créer la plus grande banque d’investissement d’Egypte. Son offre a été bloquée.
D’autre part, le secteur minier, puisque Sawirès est devenu, avec sa famille, le plus important investisseur du secteur par le biais de participations dans les sociétés Mancha Resources Inc, Evolution Mining et Endeavour Mining Corporation. Et enfin, le secteur d’immobilier. Quelle que soit sa stratégie d’investissement, Naguib Sawirès continue d’incarner l’exemple d’un homme d’affaires intelligent, qui peut guider les investisseurs vers les meilleurs canaux d’investissement.
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