Les grandes lignes du prochain budget ont été révélées. Le gouvernement prévoit une hausse du taux de croissance, une baisse du déficit budgétaire et un excédent préliminaire (sans service de la dette) pour l’année fiscale 2018-2019. Le taux de croissance prévu par le gouvernement dépasse légèrement celui prévu par les banques d’investissement égyptiennes comme EFG-Hermes et Prime Holding, qui l’évaluent à 5,4 %. « La différence entre les deux chiffres n’est pas importante et nous voyons en tout cas une accélération dans différents secteurs, comme le tourisme et l’investissement, en plus de la hausse de la production gazière », indique Mohamed Abou-Bacha, économiste en chef auprès de EFG-Hermes. « Les derniers taux de croissance nous rendent optimistes ; nous pensons que le taux prévu par le gouvernement est réalisable, d’autant plus que nos prévisions ont été conservatrices », souligne, quant à elle, Iman Negm, économiste chez Prime.
En fait, le taux de croissance s’est élevé de 1 % au cours du dernier trimestre 2017 par rapport au même trimestre de l’année précédente, pour atteindre 5,3 %. Le ministre des Finances, Amr Al-Garhi, a dit à Reuters que l’on pouvait s’attendre à une croissance du PIB comprise entre 5,3 et 5,4 % au troisième trimestre de l’exercice 2017-2018. Plusieurs facteurs laissent les économistes optimistes, comme la reprise récente du tourisme, dont ils pensent qu’elle continuera. En janvier, le nombre de touristes qui ont visité l’Egypte a augmenté de 36 % par rapport à janvier 2017 et le nombre de nuitées a presque doublé. Cela avant même le retour des touristes russes, qui composaient la part la plus importante des touristes en Egypte avant la suspension des vols entre les deux pays fin 2015.
Iman Negm rappelle également que le secteur minier a réalisé un taux de croissance positif de 8,7 % au premier trimestre de 2018, et ce, pour la première fois depuis des années, avec le lancement du gisement gazier de Zohr, dont la production devrait augmenter davantage en cours d’année. A cela s’ajoute la reprise de l’industrie, des investissements et des exportations. « La consommation aussi a commencé à reprendre. Les consommateurs sont aujourd’hui moins conservateurs qu’après le flottement », remarque Abou-Bacha.
Cependant, Amr Adli, chercheur non résident au centre Carnegie Moyen-Orient, émet quelques réserves. « Il sera un peu difficile de réaliser des taux de croissance importants si l’économie mondiale passe par des difficultés, ce qui n’est pas encore clair. Mais vu que l’économie égyptienne était en sous-capacité ces dernières années, il est possible de voir une hausse de la croissance. L’important pour l’économie est que ce soit dans des secteurs productifs comme l’industrie et l’agriculture. Mais au niveau des finances, les secteurs de croissance ne sont pas ce qui compte, le ministère des Finances est plutôt concerné par la croissance du PIB et la baisse du déficit », explique Amr Adli.
Réduire le déficit budgétaire
Le déficit budgétaire a souvent été la source majeure de préoccupation du ministère des Finances. Entre 2012-2013 et 2015-2016, il était en moyenne de plus de 12 %, avant de baisser à 10,9 % en 2016-2017 — un niveau toujours élevé. Le gouvernement prévoit un déficit de 9,5 % pour l’exercice en cours et de 8,5 % l’année prochaine, selon Amr Al-Garhi. Le ministère des Finances prévoit en outre un excédent primaire de 1,7 à 2 % en 2018-2019. Il avait déclaré en janvier que le gouvernement était sur la bonne voie pour atteindre l’excédent primaire visé de 0,2 % du PIB d’ici à la fin de l’exercice 2017-2018, contre un déficit primaire de 3,5 % en 2015-2016 et de 1,8 % en 2016-2017.
« Depuis presque 30 ans, il y a toujours eu un déficit primaire, à l’exception de l’année où le gouvernement a accordé des licences à des opérateurs de téléphonie mobile », explique Abou-Bacha, ajoutant que la réalisation d’un excédent primaire, et non d’un déficit, signifie qu’il n’y aura pas de nouvelles dettes qui se construisent, ce qui est positif pour la dette publique. Cette dernière s’était trop accrue au cours des dernières années, dépassant 100 % du PIB. Le ministère des Finances entend la ramener à 97 % du PIB en 2018-2019, et à 88 % l’année d’après.
La baisse escomptée de la dette publique devrait aussi emmener le service de la dette à la baisse. Celui-ci devrait atteindre 35 % des dépenses publiques en 2017-2018 ; il s’agit de la part des dépenses ayant crû le plus au cours des dernières années.
Le gouvernement vise par ailleurs une baisse du service de la dette au cours des prochaines années. « Cela est possible grâce à la baisse des taux d’intérêt sur les bons du Trésor égyptiens. A cela s’ajoute une gestion de la dette qui a recours à l’endettement à plus long terme. L’effet le plus important se fera sentir durant l’exercice 2019-2020 », analyse Abou-Bacha.
Iman Negm prévoit elle aussi un recul des offres de ventes d’obligations et de bons du Trésor par la Banque Centrale, ventes qui visaient le financement de la dette publique. « La baisse des investissements avait poussé le gouvernement à emprunter davantage, mais cette tendance est en train de changer », dit-elle. En effet, le ministre des Finances indique, dans un document relatif au budget publié sur son site, qu’il vise à baisser le taux de la dette publique et à réduire l’endettement gouvernemental, afin de libérer du financement pour le secteur privé.
En gros, les dépenses publiques sont évaluées à 1,412 billion de L.E., contre 1,206 billion de L.E. dans le budget en cours. Le gouvernement compte contenir les dépenses grâce à une réduction des subventions à l’énergie en plus d’ouvrir la porte au secteur privé pour investir dans la production d’électricité. Les recettes, quant à elles, devraient monter à 980 milliards de L.E. (55,64 milliards de dollars) en 2018-2019, contre 835 milliards durant l’exercice 2017-2018. Pour ce qui est des revenus fiscaux, on prévoit qu’ils montent à 760 milliards de L.E., soit 14,5 % du PIB, contre une moyenne de 12,5% au cours des cinq dernières années. « Cette hausse proviendra de l’amélioration prévue de la collecte de l’impôt foncier et de la taxe sur la valeur ajoutée, mais aussi de l’amélioration des niveaux de croissance, qui devrait se refléter sur les revenus des entreprises », dit Abou-Bacha.
Au niveau des recettes non fiscales, le gouvernement a révélé un programme de ventes des actifs étatiques sur plusieurs années, afin de générer des revenus, à commencer par des instituts financiers et le secteur de l’énergie (voir page 9). Le gouvernement présentera, dans quelques jours, le budget étatique 2018-2019 au président avant de l’envoyer au parlement avant la fin mars.
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