Le marché local du sucre est-il finalement sur la voie du redressement après environ 3 ans de crises successives et de pénurie? Effectivement, à l’issue de 3 longues années de délibérations, le projet agro-industriel égypto-émirati pour la bonification et la culture de près de 190 000
feddans et la création d’une usine de fabrication de sucre de qualité à partir de betterave voit le jour avec la visite au Caire, la semaine dernière, de l’homme d’affaires émirati Al-Ghoreir. Et ce, en vue de finaliser le plan d’action du projet, dont les contrats ont été signés en février dernier à Dubaï. «
Il s’agit du second projet d’investissement étranger direct qui est établi suite à l’approbation de la charte exécutive de la loi de l’investissement, d’un montant d’un milliard de dollars, après celui du parc de loisirs de Marsa Matrouh », explique Omneya El-Hammamy, analyste financière auprès de la maison de courtage
Prime Securities.
Les signataires des contrats sont la raffinerie émiratie pour la production de sucre Al-Khaalej Sugar, qui appartient au groupe économique Al-Ghoreir et opère avec une capacité de 7000 tonnes, avec une contribution au commerce du sucre mondial de 3%, et le gouvernement égyptien, représenté par l’Autorité générale de reconstruction des projets et du développement agricole. Le projet, qui porte le nom de Canal Sugar, est une société anonyme égyptienne qui a aussi d’autres actionnaires, notamment des institutions financières et Al-Ahly Capital, l’outil de la banque publique Al-Ahly pour l’investissement bancaire.
Un projet agricole de taille
Selon l’accord, Canal Sugar doit exécuter 2 projets agro-industriels intégrés en vertu d’un contrat de location avec un droit d’exploitation allant jusqu’à 60 ans dans le désert de l’Est, dans l’un des plus pauvres gouvernorats de Haute-Egypte, Minya (à 250 km au sud du Caire). Selon le communiqué du ministère de l’Investissement et de la Coopération internationale, la détermination de la valeur des terrains, à laquelle s’ajoutera un taux de hausse annuelle, reviendra au Haut comité d’estimation des territoires de l’Etat. Le premier est un projet d’agriculture et de bonification de terres qui sera exécuté sur 190000 feddans. Il sera destiné à l’agriculture de denrées alimentaires de base: en hiver, la betterave et le blé pour la consommation locale, et en été, les fèves et le maïs destinés à l’exportation. Le second projet sera destiné à la construction d’une usine de production de sucre blanc de qualité à partir de betterave. Islam Salem, directeur exécutif de Canal Sugar, a déclaré que le montant des investissements serait de 2 milliards de dollars, dont 550 millions destinés au projet agricole et 450 millions à la mise en place d’une usine d’une capacité de production de 750000 tonnes annuelles. « La mise en service de l’usine est prévue pour mi-2020 et elle peut atteindre sa capacité totale de production en 2021 », a affirmé Salem.
« L’irrigation dans le cadre du projet agricole dépendra des eaux souterraines et aura recours aux technologies d’usage et de gestion de l’eau les plus sophistiquées. Le projet assurera 20000 emplois directs pendant la phase de construction et 3000 emplois additionnels quand il sera opérationnel. Ajoutons à cela 60000 emplois de journaliers ainsi que des emplois indirects », a déclaré le ministre du Secteur des affaires, Khaled Al-Badawi, à la revue Al-Mal.
« Canal Sugar contribue à satisfaire les besoins du marché égyptien et à réduire la dépendance face à l’importation. Outre cela, il est en accord avec les politiques publiques visant à créer des opportunités d’investissement en Haute-Egypte. Et ce, en établissant des projets intégrés dans l’objectif d’accroître les superficies agricoles et d’encourager les activités basées sur l’agriculture et les industries qui lui sont complémentaires », a indiqué Sahar Nasr, ministre de l’Investissement et de la Coopération internationale. Le projet intervient, en effet, à un moment crucial dans le contexte économique du pays, après les décisions structurelles entreprises depuis plus d’un an. Le gouvernement égyptien a pris de multiples mesures pour que les investisseurs reprennent confiance avec, en tête, la libéralisation du taux de change pour éliminer le marché parallèle du dollar. Dans un deuxième temps, tous les cadres juridiques des différentes lois ont été réformés, avec en tête la loi sur l’investissement. Cette dernière prévoit de nombreuses primes pour les investisseurs, afin de booster les investissements étrangers directs. La loi traite sur un pied d’égalité les Egyptiens et les étrangers. Elle régularise par ailleurs les activités et les responsabilités des organismes relevant du ministère de l’Investissement.
Développer la Haute-Egypte
Le projet Canal Sugar est le premier projet d’investissement direct à profiter des primes prévues par la loi sur l’investissement. Celles-ci sont assurées sous forme d’exonérations des frais d’enregistrement des projets d’entreprises. Ajoutons à cela les facilités de crédits pour 5 ans. D’autres avantages, douaniers et fiscaux, sont prévus, notamment sous la forme de l’exonération à 50% des recettes fiscales des projets de la catégorie A, regroupant les régions les plus en besoin de développement conformément à la carte de l’investissement, comme la Haute-Egypte. Canal Sugar profite donc des privilèges de la catégorie A.
« Ce projet est le premier du genre en Egypte, et il nous rappelle les projets agro-industriels immenses implantés en Russie, en Californie, en Ukraine ou en Europe, qui approvisionnent le marché local et sont destinés à l’exportation. Nous sommes chanceux d’avoir comme partenaire étranger Al-Ghoreir, parce qu’il possède l’expertise nécessaire à la gestion d’un tel projet. Il est l’un des rares capables d’élaborer une stratégie », explique El-Hammamy. Sur le même ton, Salem déclare que le projet sera le plus grand à l’échelle mondiale, d’une capacité de production quotidienne de 35000 tonnes. Le projet s’engagera dans le raffinage de 900000 tonnes annuelles de sucre brut. Un succès de taille, puisque les investissements avaient autrefois tendance à fuir la Haute-Egypte à cause d’une infrastructure déficiente et d’un manque d’expertise.
Il semble aujourd’hui que la nouvelle loi sur l’investissement ait permis de lancer le développement de cette région de l’Egypte. D’autres mesures ont été annoncées, notamment les projets de développement de Sohag et de Qéna de la Banque mondiale, pour un montant de 550 millions de dollars. Bien que louant ces initiatives, Dr Ziad Bahaeddine souligne, dans un article paru dans le journal Al-Shorouk, que le plan de développement de la Haute-Egypte doit être replacé dans un contexte plus global de réforme de certains services, comme la santé, l’éducation et le drainage sanitaire. Il estime que l’un des piliers de ce développement est d’investir dans le développement humain en promouvant le niveau de l’expertise de la Haute-Egypte .
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