L’egypte a collecté 4 milliards de dollars dans une vente d’obligations libellées en dollars (eurobonds), mardi 14 février. Elle entamera également ce mois-ci des négociations avec des banques européennes pour l’émission d’euro-obligations libellées en euros, selon les déclarations du ministre des Finances, Amr Al-Garhi, dans un communiqué de presse. La valeur de l’émission devrait atteindre entre 1 et 1,5 milliard d’euros et est prévue pour avril prochain, a-t-il ajouté.
L’émission d’eurobonds sur le marché international est étroitement liée au programme de réforme que l’Egypte a signé avec le Fonds Monétaire International (FMI) en 2016. En plus de nombreuses réformes structurelles, le programme stipule que l’Egypte diversifie ses sources d’emprunts, alors que le gouvernement dépendait plutôt de l’endettement local. Selon l’accord conclu avec le FMI, ce dernier octroie à l’Egypte 12 milliards de dollars, alors que l’Egypte doit assurer le reste du financement de son programme de réforme, évalué à 21 milliards de dollars sur 3 ans. L’Egypte avait émis des obligations d’une valeur de 4 milliards de dollars dans la Bourse irlandaise deux jours avant l’approbation du crédit par le FMI. Le pays a également collecté 7 milliards de dollars d’eurobonds en deux fois, soit en janvier et mai 2017.
« Une des conditions principales du programme de réforme était de diversifier les sources d’emprunt du pays, alors que la dette locale dépassait 100 % du produit intérieur brut », explique Esraa Ahmed, analyste économique auprès du site Mubasher. Les obligations souveraines émises à la mifévrier ont reçu des souscriptions pour près de 12 milliards de dollars. Elles sont émises sur trois tranches, avec une échéance de 5, 10 et 30 ans et à des taux d’intérêt de 5,58 %, 6,59 % et 7,9 % respectivement. « Les demandes d’achat ont dépassé les 12 milliards de dollars dans les premières heures après l’émission, malgré l’instabilité du marché mondial, ce qui reflète la grande confiance dans le programme de réforme économique égyptien », a déclaré Amr Al-Garhi.
Or, bien que les indicateurs économiques et l’environnement des affaires semblent plus stables actuellement par rapport à l’année passée, les taux d’intérêt sur les eurobonds étaient à peine légèrement inférieurs à ceux de mai 2017, contrairement aux attentes des économistes. « Nous avons prévu que les taux d’intérêt sur les eurobonds seraient inférieurs cette année, vu l’amélioration de la situation économique et la hausse de la note du pays par les agences de notation internationales », relate Esraa Ahmed, ajoutant que d’autres facteurs, liés surtout au marché international, ont contrarié ces attentes. « Le marché international des obligations connaît une hausse des taux d’intérêt, notamment avec la hausse des taux par la Réserve fédérale aux Etats-Unis. L’Egypte n’a donc pas pu réduire les taux d’intérêt sur ses obligations, puisque ceux-ci montaient à l’échelle mondiale », conclut Esraa Ahmed.
Le vice-ministre des Finances pour les politiques financières, Ahmed Kojak, a déclaré que les eurobonds égyptiens sur les marchés internationaux ont attiré plus de 550 investisseurs internationaux de tous les marchés cibles : Europe, Amérique, Asie et Moyen- Orient. Et d’ajouter : « Les taux d’intérêt sur les eurobonds égyptiens sont très convenables dans le contexte actuel de hausse des taux d’intérêt dans les marchés internationaux en conséquence des turbulences récentes des marchés boursiers internationaux ». Il a également révélé à Reuters, dimanche 18 février, que l’Egypte allait émettre des eurobonds d’une valeur de 3 à 4 milliards de dollars en 2018-19.
Redresser le déficit budgétaire
Normalement, l’emprunt des gouvernements vise à combler le déficit budgétaire. Le ministère des Finances a déclaré, dans un communiqué de presse, que les 4 milliards de l’émission d’eurobonds du 14 février seraient utilisés pour augmenter les réserves de la Banque Centrale, tandis que l’équivalent en livre égyptienne serait destiné à financer les dépenses de l’Etat. Les réserves de change du pays ont grimpé régulièrement depuis que l’Egypte a obtenu le prêt du FMI et a procédé au flottement de sa monnaie. Elles ont atteint 38,209 milliards de dollars à la fin janvier, contre 19 milliards de dollars à la fin octobre 2016. Le déficit budgétaire a, quant à lui, baissé pour atteindre 10,9 % du PIB pour l’année fiscale 2016- 17, contre 12,5 % l’année d’avant.
Il était initialement prévu à 9,1 % pour l’exercice fiscal en cours, mais le ministère des Finances a révisé ce chiffre à la hausse suite à l’augmentation des prix des produits pétroliers et des taux d’intérêt, le prévoyant à 9,4 % du PIB. La baisse du déficit a été la conséquence du programme de réforme approuvé par le FMI, qui comprenait l’imposition de la taxe sur la valeur ajoutée ainsi qu’une réduction des subventions à l’énergie. Les revenus fiscaux du pays ont augmenté de 62% pour atteindre 249 milliards de L.E. au cours de la première moitié de 2017-18, ramenant le déficit primaire (avant service de la dette) à 0,3% au cours de la même période, soit à son niveau le plus bas depuis 10 ans.
Le gouvernement veut aussi freiner la hausse de la dette domestique, qui a augmenté de 28,9 % en 2016 pour atteindre 3,052 trillions de L.E., poussée par la hausse des taux d’intérêt de 6 à 8 %. La Banque Centrale a élevé ses taux d’intérêt directeurs à plusieurs reprises, afin de contenir l’inflation, qui a dépassé les 30 % en février 2017. La dette extérieure a, quant à elle, presque doublé en deux ans, atteignant 80,8 milliards de dollars pour le deuxième trimestre de l’année fiscale qui s’est terminée en septembre 2017.
« Le problème de la dette intérieure est qu’elle peut pousser l’inflation à la hausse. En outre, elle affecte l’activité économique vu que les banques préfèrent donner des crédits au gouvernement, plus sûr que le secteur privé, sans mentionner les taux d’intérêt élevés », dit Esraa Ahmed, expliquant le choix du gouvernement de recourir à plus d’endettement de l’étranger.
Et d’ajouter : « Le gouvernement essaie maintenant de contenir le service de la dette dans le budget en ayant recours à l’endettement à plus long terme, notamment avec les eurobonds à maturité de 5 à 30 ans, ce qui sert partiellement à rembourser les dettes à court terme, tandis que les montants restants serviront à financer des activités économiques ». Elle souligne que la dette n’est pas inquiétante si elle est accompagnée d’investissements gouvernementaux dans l’infrastructure et dans d’autres domaines qui génèrent la croissance économique, et par conséquent des revenus étatiques. Le ministre des Finances a fait savoir en janvier que l’objectif est de ramener la dette publique de 107 % du PIB à 97 % d’ici à juin 2018, puis à 90 % un an plus tard.
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