La libéralisation des subventions à l’énergie est imminente. Le gouvernement n’a pas d’autre choix face aux défis financiers qui se présentent à lui en plus d’un important manque de ressources énergétiques, en particulier de gaz naturel. « Le gouvernement n’a pas le choix. Nous ne pouvons pas continuer à assumer le fardeau des subventions, surtout que l’économie souffre de récession », annonce le ministre de l’Industrie et du Commerce extérieur, Hatem Saleh, en assurant que le plan de libéralisation débutera en juillet prochain. Il ajoute : « Les ressources du gouvernement sont gaspillées à cause des subventions mal distribuées. 20 % seulement des subventions sont destinées à ceux qui en ont vraiment besoin ». Vu le retard dans son application, la libéralisation sera plus étendue et sévère. Toute la population devra payer la facture et il ne s’agit pas seulement de la hausse des prix du gaz naturel. Il y a aussi le prix de l’essence, du butane, du gasoil ou encore du mazout.
La facture des subventions accordées à l’énergie gonfle d’une année à l’autre. Elle est passée de 36 milliards de L.E. en 2005/2006 à 110 milliards en 2011/2012. « Elle devra atteindre 135 milliards lors de l’année fiscale en cours. C’est vraiment un lourd fardeau », annonce Tamer Abou- Bakr, président de la commission de l’énergie à la Fédération des industriels. Ahmad Heikal, PDG et membre délégué du groupe financier Citadel Capital, le confirme : « Nous avons tardé à libéraliser les subventions. Alors, cela va faire mal. Si on avait commencé en 2002, comme c’était prévu, les choses auraient été moins douloureuses. Aujourd’hui, nous n’avons pas d’autre choix ».
Selon le plan de la Fédération des industries, le taux moyen d’augmentation de la consommation intérieure par an pour le butane, l’essence, le gasoil et le mazout, croît à un taux de 10 %, 13 %, 6 % et 8 %, respectivement. Tandis que l’augmentation des prix mondiaux est de 33 %, 34 %, 38 % et 44 %, respectivement. L’Egypte perd donc 183,3 milliards de L.E. par an, si l’on tient compte de la différence de prix subventionnés par rapport au prix mondial.
Quand et comment ?
Pour la première fois, les industriels ont admis la nécessité de commencer à réduire les subventions à l’énergie qui leur sont accordées. Mais quand et comment appliquer ce programme ? Il existe des désaccords avec le gouvernement sur le plan de libéralisation concernant la classification des industries ou l’augmentation progressive des prix ...
C’est ainsi que la Fédération des industries a proposé un plan sur 4 ans, allant de pair, de leur point de vue, avec la croissance de leur activité tout en allégeant le fardeau de l’Etat. Ainsi, la Fédération des industries propose de faire passer le prix du butane de 8 à 70 L.E. à la fin du plan. Le prix de l’essence 80 octane passera de 90 piastres à 3,75 L.E. et celui de l’octane 92 de 1,85 à 4,85 L.E. L’octane 90, dont le prix est de 1,75 L.E., sera supprimé. Pour le gasoil, l’augmentation sera moins sévère, pour atteindre 3,80 L.E. d’ici la fin de la libéralisation contre 1,10 L.E. en ce moment. (Voir encadré). C’est une solution, comme le note Abou-Bakr, plus légère que celle présentée par le gouvernement. « La hausse des prix est indispensable, nous le savons. Mais le gouvernement doit prendre en considération les défis du secteur industriel actuellement », dit-il. « Au lieu de demander des hausses plus sévères, que le gouvernement commence d’abord ce plan de libéralisation », poursuit Abou- Bakr.
Coupons d’essence
Le gouvernement a annoncé à maintes reprises le début du plan de libéralisation en juillet prochain avec la hausse des prix du gaz naturel et le lancement des coupons d’essence. Mais il semble que « la crainte de la colère sociale retarde une telle décision pour être appliquée après les élections parlementaires (prévues en octobre prochain) », dit Abou-Bakr. Pour lui, « le citoyen est habitué au soutien du gouvernement, et il refuse d’y céder ».
Une série de mesures sociales compensant cette hausse est donc nécessaire, confirme Abou-Bakr. « Les pays qui ont réussi leur plan de libéralisation de l’énergie ont lancé un certain nombre de compensation pour le citoyen, avec par exemple l’augmentation des salaires et l’amélioration des services sociaux comme la santé et l’éducation. Sinon c’est l’échec. La Jordanie en est un bon exemple. Les manifestations n’ont pas arrêté depuis la décision de la libéralisation d’énergie ».
La Banque Mondiale (BM) insiste de son côté sur la nécessité d’améliorer le système des dépenses sociales, comme le révèle dans le quotidien Al-Shorouk le responsable des politiques de la protection sociale auprès de cet organisme pour le développement, basé à Washington (Etats-Unis). Elle oeuvre à soutenir une gamme de réformes sur le court terme, comme accorder une subvention annuelle de 240 L.E. à chaque citoyen en dessous du seuil de pauvreté dès la libéralisation des prix de l’énergie. Bref, consacrer entre 10 et 15 % des sommes provenant de la hausse des prix de l’énergie et des nouvelles taxes aux plus pauvres. Le conseil d’administration de la BM tiendra avec le gouvernement égyptien une réunion pour adopter le projet. La bonne recette est à la portée du gouvernement .
Pour une hausse des subventions aux exportations
La Fédération des industries a demandé la hausse à 8 milliards de L.E. des subventions accordées aux exportations, contre 3,1 milliards approuvés dans le budget 2013/2014. « Nous n’avons pas d’objection à l’augmentation des prix de l’énergie et nous savons que cela est devenu une nécessité. Mais nous voulons que le gouvernement oeuvre à soutenir le secteur privé », explique Mohamed Zaki Al-Sweedy, sous-secrétaire de la Fédération des industries, soulignant que « le montant spécifié dans le budget pour soutenir les exportations est dérisoire ».
Le gouvernement a alloué 3,1 milliards pour soutenir les exportations dans le nouveau projet de budget 2013-2014 en dépit de la demande de 4 milliards. Le ministre concerné s’est justifié par l’absence de justice dans la répartition des aides aux exportateurs et le manque de liquidités. Dans ce contexte, la Fédération travaille actuellement sur la modification des termes de l’octroi des subventions accordées à l’exportation.
« Nous étudions des changements radicaux visant à atteindre les objectifs réels du programme, y compris l’ouverture de nouveaux marchés, l’accroissement de la compétitivité et le soutien des petites et moyennes entreprises de manière équitable », note Al-Sweedy .
Papier et verre, industries à faible consommation
Le Conseil suprême de l’énergie, dépendant du Conseil des ministres, a donné son approbation pour inclure le verre et le papier dans la catégorie des industries faibles consommatrices d’énergie, a confirmé Tamer Abou-Bakr, président de la commission de l’énergie à la Fédération des industries.
La commission de la Fédération des industries avait informé les industriels de ces deux secteurs le mois dernier de la décision du Conseil suprême de les qualifier d’industries lourdement consommatrices d’énergie, ce qui a provoqué une véritable crise. La commission de l’énergie de la Fédération a donc soumis immédiatement un mémorandum au ministre de l’Industrie et du Commerce extérieur pour exprimer son objection et lui demander d’annuler cette décision, notant que ces deux industries emploient de nombreuses personnes.
Le ministre de l’Industrie et du Commerce, Hatem Saleh, a assuré la semaine dernière avoir exclu ces deux industries de la catégorie des industries fortement consommatrices d’énergie. « Elles sont classées dans la deuxième tranche de la deuxième catégorie des industries, c’est-à-dire la tranche la plus basse », dit-il.
A noter que la nouvelle structure des industries, en fonction de leur consommation d’énergie, ne comprend que deux catégories : les industries à consommation intensive d’énergie et celles à faible consommation. La première regroupe 4 industries : produits pétrochimiques, fer, ciment et engrais.
La seconde comprend deux tranches, la première « A », avec la porcelaine, le verre plat et la céramique. La deuxième, le reste des industries. « La Fédération, dans son plan, suggère une libéralisation de l’énergie pour ces industries sur une période de 6 ans », révèle Abou-Bakr .
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