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Agroalimentaire : L’heure est à l’optimisme

Amani Gamal El Din, Mercredi, 24 janvier 2018

Selon un rapport du Département de l’agriculture des Etats-Unis, le secteur agroalimentaire égyptien se porte bien. Bénéficiant notamment de la dévaluation de la monnaie locale et de tarifs douaniers réduits, il devrait se consolider en 2018.

Agroalimentaire  : L’heure est à l’optimisme
5200 entreprises égyptiennes travaillent dans le secteur de l'agroalimentaire. (Photo : Reuters)

L’industrie égyptienne de l’agroalimentaire connaîtra-t-elle une expansion lui permettant de conquérir d’autres marchés? Un récent rapport publié par le USDA, United States Department of Agriculture (Département d'agriculture des Etats-Unis) répond par l’affirmative. « Grâce à près de 5200 entreprises égyptiennes travaillant dans la transformation et la production agroalimentaire, le secteur a réalisé des bonds inhabituels, avec un chiffre d’affaires de 22,5 milliards de dollars en 2017, soit une hausse de 55% par rapport à 2016», note le rapport. Il ajoute qu’en 2016, le secteur représentait environ 4,7 % du PIB égyptien, tandis que son taux de croissance, entre 2011 et 2016, était de 15%. Adoptant un ton clairement optimiste, le rapport prévoit que l’Egypte, dont le nombre d’habitants devrait dépasser les 117 millions en 2030, deviendra l’un des marchés mondiaux, enregistrant la plus forte croissance dans le domaine agroalimentaire. Dans ses projections, le rapport avance que la croissance cumulative du secteur entre 2017 et 2021 sera de 5%. « Le marché de l’agroalimentaire a la réputation d’être un marché particulièrement résilient, parce qu’il est lié à la sécurité alimentaire. Il est en corrélation avec la croissance démographique d’une part et, d’autre part, il répond aux besoins relatifs aux produits et denrées de base, telles les céréales et autres, du consommateur ordinaire », explique Omneya El Hammamy, analyste financière auprès de la maison de courtage Prime Securities. Et de poursuivre: « Nos prévisions quant à la bonne santé du secteur ne se basent pas uniquement sur le potentiel d’investissements étrangers directs, car celui-ci ne sera déterminé qu’au deuxième semestre 2018, mais également sur une lecture des politiques publiques. Ces dernières portent un intérêt particulier aux grands projets dans la sécurité alimentaire, notamment la bonification d’un million de feddans et la pisciculture ».

Les deux faces de l’inflation

Le rapport n’omet pas de mentionner la sensibilité du marché face à l’évolution des prix, surtout à l’heure du flottement de la livre égyptienne et de la hausse du taux d’inflation — qui s’était chiffré à 35% en juillet 2017, avant de se replier à 27% en décembre— et par conséquent, de la chute du pouvoir d’achat des Egyptiens, et ce, suite à des décisions audacieuses de réformes structurelles entreprises par le gouvernement égyptien. A commencer, en novembre 2016, par la libéralisation du taux de change de la L.E. et la levée graduelle des subventions sur le carburant. Le rapport note que, suite à ces mesures, le niveau de vie de millions d’Egyptiens de la classe moyenne, qui représentait 40% de la population avant le flottement, s’est vu grièvement affecté. Les factures des entreprises importatrices ont également été touchées, étant donné la hausse des prix des matières premières. Par conséquent, les prix des denrées alimentaires ont connu une hausse de 40% en juin 2017, en comparaison avec la même période en 2016, et le taux d’inflation alimentaire a atteint 44% en avril 2017.

Agroalimentaire  : L’heure est à l’optimisme

Or, le flottement n’a pas eu que des répercussions négatives. « Le flottement de la livre égyptienne a donné un avantage compétitif à l’Egypte grâce à la dévaluation, ce qui a permis de conclure de nombreux partenariats et d’améliorer les chiffres relatifs à l’exportation. Nous sommes devenus l’un des pays les moins chers en matière de production et d’exportation, et ce, en plus de la main-d’oeuvre bon marché. Si les importateurs acquièrent des produits de qualité à des prix raisonnables, ils pourront vendre dans leurs pays à des prix abordables, et donc élargir leur clientèle et générer des revenus. Si nous regardons les nouvelles lignes de production mises en place pour certaines denrées stratégiques, comme le sucre, ou de luxe, comme les snacks et des sucreries, on verra qu’elles se sont adaptées pour répondre aux besoins d’une nouvelle clientèle avec un modeste pouvoir d’achat », souligne El Hammamy.

Le rapport explique à cet égard que la situation géographique centrale de l’Egypte au Moyen-Orient est à l’avantage des producteurs égyptiens de l’agroalimentaire, qui ont ainsi la possibilité d’accroître leurs exportations vers les marchés régionaux voisins. Les exportations égyptiennes d’aliments produits et transformés ont atteint une valeur d’environ 2,6 milliards de dollars en novembre 2017. 1,1 milliard est allé à des marchés voisins comme l’Arabie saoudite, 144 millions à la Libye et 123 millions à la Jordanie. Les exportations les plus importantes étaient les huiles alimentaires avec 397 millions de dollars, le fromage avec 152 millions de dollars et les sucres et confiseries avec 143 millions de dollars.

Le rapport analyse également la structure du marché de l’agroalimentaire égyptien, qui est relativement simple. Il note ainsi que les importateurs égyptiens sont ou bien des transformateurs d’aliments, des producteurs, des distributeurs ou des agents. Les grandes entreprises préfèrent importer leurs ingrédients alimentaires directement de l’étranger, et ce, pour acheter à des prix abordables, garantir le flux des produits et pour des raisons de qualité. Les agents et les distributeurs, quant à eux, jouent un rôle-clé dans la structure du marché égyptien de la transformation et de la production agroalimentaire, vu sa fragmentation et la prédominance de petites et moyennes entreprises. Ces agents n’achètent pas de larges quantités et ne prennent pas le risque d’avoir de grands stocks.

Levée des tarifs douaniers

Outre son emplacement géographique, l’Egypte jouit d’un autre avantage, soit celui des tarifs douaniers, qu’elle a levés graduellement sur deux décennies, comme l’indique El Hammamy. Le rapport met d’ailleurs l’accent sur cet atout, en mentionnant la multiplicité des accords de libre-échange signés par Le Caire. Le premier du genre, le GATT, a été signé entre l’Egypte et l’Union Européenne (UE) et est entré en vigueur le 1er juin 2004. Il a stipulé la levée immédiate des barrières tarifaires sur les produits égyptiens à destination de l’UE, et ce, à un moment où la levée des barrières tarifaires sur les produits européens à destination de l’Egypte a été appliquée progressivement sur 12 ans. En 2010, l’Egypte et l’UE ont ajouté une annexe à l’accord, libéralisant à environ 90% les produits agricoles.

L’Egypte est signataire de plusieurs autres accords multilatéraux et conventions opérationnelles de libre-échange, comme l’Accord général sur le commerce des services (GATS), l’Accord de partenariat égyptien européen et méditerranéen (COMESA), la Grande Zone arabe de libre-échange (GAFTA), l’Accord de libre-échange turco-égyptien ainsi que l’Egypte-Mercosur de libre-échange (en vigueur depuis le 22 juin 2017). L’Egypte a également signé des accords bilatéraux avec des pays arabes: la Jordanie en décembre 1999, le Liban en mars 1999, la Libye en janvier 1991, le Maroc en avril 1999, la Syrie en décembre 1991 et la Tunisie en mars 1999. En 1995, l’Egypte a en outre signé un accord de commerce avec la Chine et un accord économique avec la Russie.

El Hammamy conclut que « les prévisions pour 2018 effectuées par la maison de courtage Prime Securities indiquent que l’Egypte reconquerrait certains marchés comme la Libye, considéré comme l’une des principales destination d’exportation, au cas où celle-ci retrouverait une certaine stabilité politique. L’heure est donc à l’optimisme ».

L’appétit de l’Oncle Sam pour l’agroalimentaire égyptien

La revue Al-Mal a rapporté, en juillet 2017, que les banques d’investissement et les entreprises travaillant dans l’industrie agroalimentaire connaissaient une activité croissante sur le marché des acquisitions d’entreprises, étant donné l’engouement des investisseurs et des fonds étrangers et locaux pour ce secteur. Dans le même numéro, Moustapha Gad, responsable auprès du groupe financier EFG-Hermes, a dit: « Les acquisitions ont connu un certain dynamisme, surtout dans le secteur de l’agroalimentaire ». Toujours selon Al-Mal, les offres d’acquisition sont nombreuses, mais demeurent à l’état de négociation. Le rapport Thomson Reuters paru en août 2017 a, quant à lui, noté que les transactions de fusions et d’acquisitions dans la région MENA s’étaient chiffrées à 20,1 milliards de dollars au premier semestre de 2017.

Les Etats-Unis n’ont pas dérogé à la règle, puisque la multinationale américaine Kellog, spécialisée dans la fabrication de produits alimentaires, a acquis 59,9% des actions de Bisco Misr. D’autres transactions sont en cours, comme l’indique Abou-Bakr Imam, chef analyste auprès de la maison de courtage Prime Securities. Bien que les Etats-Unis soient en concurrence avec les fournisseurs arabes et européens qui disposent, eux, de l’avantage de tarifs douaniers réduits en Egypte, ils sont le 5e fournisseur du pays pour ce qui est du secteur agroalimentaire. Ils ont ainsi réalisé un chiffre d’affaires de 224 millions de dollars en Egypte en 2016.

Une activité qui fait craindre à certains une favorisation des lignes de production américaines aux dépens de produits égyptiens qui jouissaient pourtant d’une base de clientèle solide sur le marché. « Après l’acquisition par Kellog de Bisco Misr, des lignes de production ont été annulées aux dépens de produits snacks américains. Je ne crois pas que c’est une bonne idée », déclare une ingénieur de standardisation auprès de la compagnie ayant requis l’anonymat.

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