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Afrique du sud: L’inégalité persiste entre Noirs et Blancs

Sabine Cessou (RFI) , Mardi, 07 mai 2013

Vingt-deux ans après la fin de l’apartheid, la place des Blancs sur le marché du travail est encore prépondérante en Afrique du Sud, selon un rapport de la Commission sur l’équité de l’emploi publié en avril.

« c’est décourageant », a reconnu le Congrès national africain (ANC). Jugée très lente, la « transformation » voulue par ce parti, au pouvoir depuis 1994, continue de faire débat. Selon un rapport de la Commission sur l’Equité de l’Emploi (CEE), publié le 19 avril, les Blancs, qui représentent 8,9 % de la population, détiennent 72 % des postes de direction dans les entreprises. Vingt-deux ans après la fin de l’apartheid, les Noirs n’occupent que 12 % des postes de direction dans les entreprises de plus de 50 personnes (10 % en 2002). Une place sans commune mesure avec leur part dans la population : 79,6 % selon le dernier recensement (2011). Les métis, 9 % de la population, détiennent selon cette étude 4,6 % de postes de direction et les Indiens, 2,5 % de la population, 7,3 %.

Les disparités sont toujours les plus grandes dans la province du Cap occidental, où 65,5 % des postes de direction sont pourvus par des hommes blancs et 3,2 % seulement par des hommes et des femmes noirs.

Mais force est de constater que les inégalités persistent à tous les niveaux de la hiérarchie. Les Noirs se voient en effet confier 18,4 % des postes de cadres supérieurs (contre 10,8 % en 2002) et les Blancs 62,4 % (77,9 % en 2002). A l’échelon des cadres moyens, ils sont 34 % de Noirs (16 % en 2002) et 45,1 % de Blancs (68,5 % en 2002).

A travers le pays, beaucoup de jeunes Blancs se plaignent de la politique d’affirmative action à l’oeuvre dans les entreprises depuis la loi sur l’équité de l’emploi (Employment Equity Act), adoptée en 1998. Ils s’estiment victimes d’un « racisme à l’envers » et même de « quotas » qui, dans les faits, n’existent pas. La loi se borne en effet à demander aux entreprises de plus de 50 personnes d’élaborer des plans de « transformation » clairs qui fassent la promotion des personnes « historiquement désavantagées » : les Noirs, les métis et les Indiens, mais aussi les femmes et les handicapés.

Autre volet important de la loi sur l’équité : supprimer progressivement les différences de salaires en fonction de la race. A compétences égales, les salaires sont toujours plus élevés pour les Blancs, un héritage tenace de l’apartheid. Ces plans et leur évaluation doivent être transmis chaque année au ministère du Travail. Seul problème : les défaillances des entreprises ne sont pas sanctionnées. Pour l’instant, les récalcitrants sont retirés d’un registre tenu par le gouvernement, qui ne passe des contrats de marché public qu’avec les sociétés « transformées ». Un amendement à la loi se trouve à l’étude au Parlement, pour imposer des amendes proportionnelles au chiffre d’affaires (de l’ordre de 2 %).

Selon le recensement de 2011, les ménages noirs ont vu leurs revenus augmenter de 170 % au cours de la décennie écoulée. Mais les Blancs gagnent encore 6 fois plus que les Noirs, avec 36 500 euros en moyenne par an et par ménage, contre 6 600 euros côté noir. La lenteur du rattrapage s’explique, en partie, par le temps qu’il faut, avant de voir de nouvelles générations se former pour arriver plus qualifiées sur le marché du travail. Là aussi, l’accès aux études supérieures pour les Noirs reste problématique. Faute d’investissement massif, l’école publique s’est dégradée et le taux de réussite au baccalauréat a baissé. Les universités sont payantes et le nombre de bourses limité.

Seuls 16 % des 20-24 ans en Afrique du Sud fréquentent l’enseignement supérieur – contre 34 % au Brésil, connu pour être un marché émergent et l’un des pays les plus inégalitaires au monde, comme l’Afrique du Sud. Dans la communauté noire, ce taux d’inscription plafonne à 12 % — le même qu’en 1993 — contre 58,5 % des jeunes Blancs, 51,2 % des Indiens et 14,3 % des métis. Le nombre de diplômés noirs reste d’autant moins élevé que 50 % des étudiants inscrits en première année qui abandonnent leurs études avant d’arriver au niveau de la licence, selon le ministère de l’Education. La raison ? Ils ne parviennent pas à payer les frais d’inscription, entre 2 000 et 3 000 euros par an.

Quant aux jeunes diplômés blancs, ils sont tentés par l’émigration en Grande-Bretagne, aux Etats-Unis, au Canada, en Australie et en Nouvelle-Zélande, comme les 841 000 Sud-Africains blancs à avoir quitté le pays entre 1995 et 2005, selon l’Institut sud-africain des relations raciales (SAIRR). Cette fuite s’est ralentie depuis l’essor économique de l’Afrique du Sud au début des années 2000 et la revalorisation, entre 2007 et 2009, des salaires des médecins (+40 %) et des infirmières (+23 %) du secteur de la santé publique. La crise en Europe et aux Etats-Unis a même entraîné le retour en Afrique du Sud de dizaines de cadres blancs. Baptisé « Homecoming Revolution », le phénomène fait beaucoup parler de lui, sans pour autant compenser les mouvements de départ.

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