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Coup de froid sur le secteur automobile

Amani Gamal El Din, Mardi, 17 octobre 2017

Le secteur de l’automobile, déjà en proie à plusieurs difficultés, a connu un réel ralentissement. Dossier.

Coup de froid sur le secteur automobile
L'imposition de la TVA et d'autres taxes a contribué à la hausse des prix des véhicules. (Photo : Reuters)

La dévaluation de la livre égyptienne a lourdement pesé sur le secteur auto­mobile, étant donné que la majeure partie des composants de l’industrie est importée. La hausse des prix des automo­biles s’est reflétée par une baisse en cascade des ventes, qui persiste un an après la dévalua­tion. Ainsi, le volume des ventes a baissé de 39 % dans les 8 premiers mois de 2017 pour atteindre 83,88 unités contre 137,59 unités durant la même période de 2016, a souligné le rapport AMIC spécialisé dans les études du marché égyptien de l’automobile.

Or, une amélioration relative s’est fait ressen­tir durant le mois d’août où 14,102 unités ont été vendues contre 10,077 en juin dernier (soit une hausse de 40 %). Les chiffres de vente de Ghabour Auto (GB), la seule compagnie d’auto­mobiles cotée en Bourse, ont également enregis­tré une hausse. « On est toujours en récession même s’il y a eu un certain redressement de 2 % au mois d’août », commente Magdi Mohamad, analyste financier du secteur de l’automobile auprès de la maison de courtage Prime Securities. « Le marché de l’automobile est sai­sonnier. En général, le volume des ventes rebon­dit certains mois plus que d’autres. Les mois de juillet et d’août enregistrent généralement les plus hauts taux de vente. Or, l’aspect psycholo­gique est pour beaucoup dans cette hausse concernant le mois d’août dernier. Les Egyptiens ont compris que la situation s’est stabilisée et que les mêmes prix seront maintenus sur le court et le moyen terme », explique Islam Howeila, expert du marché de l’automobile et responsable de l’analyse de ce secteur dans le site online Al-Bawaba. Il estime que les pertes sont beau­coup plus graves pouvant frôler les 60 %, d’au­tant que de nombreuses compagnies ne sont pas enregistrées dans le rapport AMIC.Depuis le flottement de la livre égyptienne face au dollar en novembre 2016, le pouvoir d’achat des Egyptiens a chuté d’environ 45 %. « Or, le flottement de la livre égyptienne n’a fait qu’exa­cerber une situation déjà difficile mais latente depuis 2015, avec la pénurie du billet vert et le recours au marché noir pour obtenir le dollar », rétorque Mohamad Magdi. L’industrie automo­bile dépend essentiellement de l’importation, que ce soit les véhicules neufs ou les parties assemblées. Donc, elle est calculée en dollar. Sur un autre plan, le ministre des Finances, Amr Al-Garhi, a pris la décision au début de l’année d’indexer la valeur du dollar douanier mensuel­lement ou semi-mensuellement en fonction de la valeur du dollar sur le marché. Les cours de ce dernier ont presque doublé après le flottement de la monnaie nationale passant de 8,80 L.E. à 18 L.E. pour se stabiliser à 16 L.E. au début du mois de septembre.

Une facture exorbitante

A cela s’ajoute l’effet accumulatif des diffé­rents genres d’impôts : la Taxe de la Valeur Ajoutée (TVA), les frais de développement et la taxe imposée sur les biens de luxe. « Aujourd’hui, la TVA a un impact sur les prix des différents modèles selon les pays d’assemblage. Elle atteint 15 % pour les automobiles de moins de 1 600 CC et 30 % pour les véhicules au-delà. Les frais qu’on appelle de développement de 3 % s’ajoutent à la TVA et à la taxe sur les biens de luxe », explique à l’Hebdo Mohamad Magdi, en ajoutant que la levée graduelle de 10 % des tarifs douaniers sur les automobiles, répondant aux exigences de l’accord du GATT (entré en vigueur en 2004), pour les amener à zéro d’ici 2019 n’a pas apporté de remède à la gravité de la situation. « Les tarifs douaniers sur les véhi­cules inférieurs à 1 600 CC ont certes diminué de 40 % à 12 %. Or, ils sont passés de 135 % à 40 % actuellement pour ceux supérieurs à 1 600 CC », ajoute Magdi

La hausse des taux d’intérêt bancaires sur les crédits a également refroidi les clients potentiels qui recouraient aux banques pour financer l’achat de leur véhicule. La Banque Centrale d’Egypte (BCE) avait pris la décision trois fois successives de hausser les taux d’intérêt sur les dépôts et les crédits. Ces derniers sont passés de 14,75 % à 17,75 % sur les dépôts et de 15,75 % à 19,75 % sur les crédits. « On enregistre une chute des crédits alloués aux particuliers pour l’achat de véhicules à 40 crédits par mois contre 500 avant la libéralisation du taux de change », explique un responsable au sein du département des crédits ayant requis l’anonymat auprès de la Banque nationale Al-Ahly. Plus encore, les contraintes de la BCE visant à taxer la consom­mation de produits de luxe, parmi lesquels les véhicules assemblés à l’étranger, ont eu pour conséquence l’accumulation des stocks et l’ag­gravation du phénomène de la surfacturation.

Ainsi, les concessionnaires et les distributeurs ont eu recours à cette pratique de fixer un prix de vente supérieur au prix officiel des constructeurs pour se prémunir contre les pertes dues au taux de change. Selon Khaled Saad, secrétaire géné­ral de l’Association de la chambre de l’industrie automobile, « la surfacturation est l’un des fléaux qui caractérisent ce secteur, et cela, bien avant la hausse considérable de l’inflation, faute de régulation du marché ». Propos corro­borés par Ahmad Abdel-Sattar, expert dans l’industrie automobile et ancien plus grand dis­tributeur de la marque Fiat en Egypte. « La BMW était achetée des Etat-Unis en 2005 à 25 000 dollars ; soit à l’époque l’équivalent de 130 000 L.E ; alors que son prix en Egypte attei­gnait 615 000 L.E., bien qu'elle soit assemblée en Egypte ».

Ainsi, le secteur, qui accumule les maux depuis des années faute de régulation, se retrouve aujourd’hui dans l’oeil du cyclone.

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