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L’Egypte sur la bonne voie

Gilane Magdi , Lundi, 02 octobre 2017

Dans un rapport publié cette semaine, le FMI salue le succès du programme de réformes économiques égyptien. Des défis majeurs restent cependant à relever sur le moyen terme, notamment l’inflation.

L’Egypte sur la bonne voie
Le FMI prévoit la chute du taux d'inflation à 10,3 % en 2017-2018. (Photo:AFP)

Un an après la mise en oeuvre du programme de réformes économiques, le Fonds Monétaire International (FMI) s’est dit satisfait des mesures prises par le gouverne­ment égyptien. Il s’agit notamment de la libération des taux de change et l’amélioration du climat d’investisse­ment, alors qu’il y a des lacunes à combler au niveau de la politique financière. « Les réformes structu­relles pour relancer la croissance et l’emploi progressent. Nous avons constaté que l’activité économique a gagné en vigueur et que les efforts de réduction du déficit budgétaire ont commencé à porter leurs fruits », pré­cise le rapport du FMI sur le pro­gramme de réformes égyptien, publié le 26 septembre. Le FMI se félicite notamment de la libération, le 3 novembre 2016, des taux de change de la monnaie nationale, afin de régler le problème crucial de la pénurie du dollar, longtemps considéré comme un obstacle à l’investissement. « Avec le flottement de la livre égyptienne, le marché parallèle des devises étran­gères a complètement disparu. Aujourd’hui, il est possible d’obtenir des dollars dans les banques sans aucun problème. C’est un progrès significatif après une crise chronique de manque de ressources en dollars », dit Subir Lall, chef de la mission du FMI, lors d’une conférence de presse électronique qui a eu lieu le jour de la publication du rapport. D’après le rapport, la mission du FMI a revu à la hausse ses estimations pour les réserves en dollars, passées de 22 milliards avant la révision, à 31 mil­liards pour 2016/2017 et à 30,2 mil­liards pour 2017/2018. Selon les sta­tistiques de la Banque Centrale d’Egypte (BCE), le montant des réserves a atteint 36,1 milliards de dollars pendant le mois d’août 2017. Amr Adly, professeur d’économie à l’Université américaine du Caire, nie, quant à lui, les paroles de Lall, assu­rant que les contraintes relatives à l’échange de dollars persistent. « La BCE et les grandes banques publiques imposent toujours des restrictions sur les échanges du billet vert », indique-t-il.

En 2016, le gouvernement égyptien a lancé un programme économique sous la surveillance du FMI, afin d’obtenir un prêt de 12 milliards de dollars sur 3 ans. Jusqu’à présent, le FMI a versé à l’Egypte 2,75 milliards de dollars en novembre 2016 et 1,25 milliard en juillet 2017. L’institution internationale devrait verser la troi­sième tranche avec la publication de son prochain rapport. « Une déléga­tion du FMI se rendra au Caire à la fin de l’année pour poursuivre les réformes et verser la troisième tranche, évaluée à 2 milliards de dol­lars », indique le chef de la mission du FMI. L’obtention de ce crédit a permis de relancer l’économie égyp­tienne, les autorités ayant regagné la confiance des institutions internatio­nales et celle des investisseurs étran­gers. L’Egypte a ainsi réussi à com­bler le manque de financement dont elle a souffert au cours des 5 dernières années. « Le gouvernement est par­venu à combler le manque de finance­ment évalué à 9,4 milliards de dol­lars », note le rapport, soit à travers les dettes extérieures, soit directement auprès des institutions internationales ou par l’émission de titres sur les mar­chés internationaux. La mission du FMI a révisé à la hausse ses prévi­sions pour la dette extérieure, passée de 8,9 % du PIB à 19,1 % après la révision. Pour 2017/2018, le manque de financement a été évalué à 1,9 milliard de dollars, qui seront financés comme suit : un milliard de dollars par la Banque mondiale, 0,6 milliard de dollars par le groupe du G7 et 0,3 milliard de dollars par la Banque de développement africaine. Quant à la dette publique, elle devrait baisser de 98 % du PIB en 2016/17 à 88 % du PIB en 2017/18 et à 78 % en 2020/21.

Retombées inattendues du flottement
Bien que la libération des taux de change — l’un des piliers du pro­gramme de réformes — ait été bien accueillie par l’institution, ses retom­bées sur les autres indicateurs écono­miques sont choquantes, même pour le FMI. La mission a elle-même exprimé son inquiétude quant à la forte dépréciation de la livre égyp­tienne, qui a de loin excédé ses anti­cipations au vu de son impact majeur sur l’inflation, le déficit budgétaire et le gonflement de la dette. « Faute d’informations, le FMI a mal évalué les conséquences de la dévaluation de la monnaie nationale sur l’écono­mie égyptienne. C’est pourquoi il a revu à la baisse la plupart des indi­cateurs économiques », explique Adly. Le taux de croissance du PIB est parmi les indicateurs les plus touchés, étant donné le ralentisse­ment de l’activité économique et le recul du pouvoir d’achat. Le FMI a révisé à la baisse ses prévisions pour 2016/2017 (de 4 % à 3,5 %) et pour 2017/18 (de 4,8 % à 4,5 %).

L’inflation, défi majeur
« Une inflation élevée et persis­tante pourrait constituer une menace pour la stabilité macro-économique. Elle peut également entraver l’effi­cacité de la nouvelle politique moné­taire. Mais la BCE et le gouverne­ment coopèrent pour baisser le taux d’inflation ». Avec ces propos, la mission du FMI a mis en évidence ce problème crucial, vu son impact non seulement sur l’économie, mais aussi sur la paix sociale (voir encadré). Avec le flottement de la livre, cette dernière a perdu la moi­tié de sa valeur par rapport à l’euro et au dollar. Dans la foulée, le gou­vernement a drastiquement réduit les subventions étatiques, notam­ment sur l’énergie et les carburants, ainsi que sur les biens de consom­mation jugés non prioritaires. Conséquence : le taux d’inflation annuel n’a cessé de grimper pour franchir la barre des 30 %. Le mois dernier, il a pris une tendance à la baisse pour atteindre 33,2 % en août 2017. Dans ce contexte, le pouvoir d’achat des Egyptiens a diminué de plus de la moitié. Le FMI prévoit néanmoins une baisse de l’inflation à 10,1 % pendant l’année financière 2017/2018. Une prévision qui vient parallèlement à la déclaration du ministre des Finances, Amr Al-Garhy, révélant le recul du taux d’inflation aux alentours de 15 % en 2017/18. Le chef de la mission du FMI pour l’Egypte a également précisé qu’il s’attendait à une décélération de l’inflation au cours des prochains mois, pour parvenir à un chiffre unique en 2019. Ceci, « à condition que la BCE poursuive sa politique monétaire restrictive consistant à accroître les taux d’intérêt », note le rapport. Mais Amr Adly juge ces prévisions irréalisables. « Plutôt qu’à une hausse de la demande, l’envolée de l’inflation est due en grande partie à une offre devenue plus chère suite à la dévaluation et à la hausse des prix des moyens de production. C’est pourquoi la hausse des intérêts n’a pas freiné l’inflation », souligne-t-il. Il ajoute que la solution réside notamment dans l’amélioration de la compétiti­vité des produits égyptiens en vue de limiter les importations .

Difficile suppression des subventions à l'énergie
« Bien que l’Egypte ait lancé des réformes importantes dans le dossier des subventions à l’énergie, elle est en retard sur certains points », note la mission du FMI dans son rapport publié le 26 septembre à l’occasion de la pre­mière révision du programme de réforme égyptien. Si, d’après le plan de réforme, l’Egypte est censée accélérer la suppression des subventions, le gouvernement s’est retrouvé dans l’incapacité d’y procéder, étant donné l’impact social des suppressions des subventions. Les prix des carburants ont augmenté deux fois depuis le début du pro­gramme, une première fois en novembre 2016 et une deuxième fois en juillet 2017, avec des hausses variant entre 30 et 50 %. Ainsi, le prix d’octane 92 par exemple, carburant le plus consommé par la classe moyenne, est passé de 2,60 L.E. à 5 L.E. actuellement. Afin de minimiser les répercussions de cette hausse sur la classe moyenne et les personnes démunies, le gouvernement a été contraint d’augmenter ses dépenses relatives aux retraites et aux salaires. En réaction, la mission du FMI a dû revoir à la hausse le montant des subventions à l’énergie pour l’année financière 2016/2017 (de 91 à 136,3 milliards de L.E.) et 2017/2018 (de 56,2 à 138,2 milliards de L.E.). Elle a, par conséquent, modifié le ratio du déficit budgétaire/PIB, passé à 1,8 %, contre 1 % avant la révision du programme. Cependant, elle a averti que « tout report du plan de la levée des subventions entraînera de grands risques, dus en partie à la hausse des prix internationaux de l’énergie et à la fluctuation des taux de change ».

Le rapport indique que le gouvernement égyptien s’est engagé auprès du FMI à proposer, fin septembre, un méca­nisme de fixation des prix de l’essence (kérosène, diesel et octane) et qui prend en considération la fluctuation des taux de change et les prix mondiaux du pétrole. « Ce mécanisme va nous permettre de régler le problème des sub­ventions à l’énergie », prévoit le rapport. Pour sa part, le ministre des Finances, Amr Al-Garhi, a indiqué, en marge de la réunion du Conseil des ministres au lendemain de la publication du rapport du FMI, qu’il n’y aura pas de « nouvelle hausse des prix du carburant d’ici la fin de l’année financière 2017/2018 ». Pour freiner le déficit budgé­taire, le gouvernement sera dans l’obligation d’envisager une nouvelle hausse des impôts.

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