Un an après la mise en oeuvre du programme de réformes économiques, le Fonds Monétaire International (FMI) s’est dit satisfait des mesures prises par le gouvernement égyptien. Il s’agit notamment de la libération des taux de change et l’amélioration du climat d’investissement, alors qu’il y a des lacunes à combler au niveau de la politique financière. « Les réformes structurelles pour relancer la croissance et l’emploi progressent. Nous avons constaté que l’activité économique a gagné en vigueur et que les efforts de réduction du déficit budgétaire ont commencé à porter leurs fruits », précise le rapport du FMI sur le programme de réformes égyptien, publié le 26 septembre. Le FMI se félicite notamment de la libération, le 3 novembre 2016, des taux de change de la monnaie nationale, afin de régler le problème crucial de la pénurie du dollar, longtemps considéré comme un obstacle à l’investissement. « Avec le flottement de la livre égyptienne, le marché parallèle des devises étrangères a complètement disparu. Aujourd’hui, il est possible d’obtenir des dollars dans les banques sans aucun problème. C’est un progrès significatif après une crise chronique de manque de ressources en dollars », dit Subir Lall, chef de la mission du FMI, lors d’une conférence de presse électronique qui a eu lieu le jour de la publication du rapport. D’après le rapport, la mission du FMI a revu à la hausse ses estimations pour les réserves en dollars, passées de 22 milliards avant la révision, à 31 milliards pour 2016/2017 et à 30,2 milliards pour 2017/2018. Selon les statistiques de la Banque Centrale d’Egypte (BCE), le montant des réserves a atteint 36,1 milliards de dollars pendant le mois d’août 2017. Amr Adly, professeur d’économie à l’Université américaine du Caire, nie, quant à lui, les paroles de Lall, assurant que les contraintes relatives à l’échange de dollars persistent. « La BCE et les grandes banques publiques imposent toujours des restrictions sur les échanges du billet vert », indique-t-il.
En 2016, le gouvernement égyptien a lancé un programme économique sous la surveillance du FMI, afin d’obtenir un prêt de 12 milliards de dollars sur 3 ans. Jusqu’à présent, le FMI a versé à l’Egypte 2,75 milliards de dollars en novembre 2016 et 1,25 milliard en juillet 2017. L’institution internationale devrait verser la troisième tranche avec la publication de son prochain rapport. « Une délégation du FMI se rendra au Caire à la fin de l’année pour poursuivre les réformes et verser la troisième tranche, évaluée à 2 milliards de dollars », indique le chef de la mission du FMI. L’obtention de ce crédit a permis de relancer l’économie égyptienne, les autorités ayant regagné la confiance des institutions internationales et celle des investisseurs étrangers. L’Egypte a ainsi réussi à combler le manque de financement dont elle a souffert au cours des 5 dernières années. « Le gouvernement est parvenu à combler le manque de financement évalué à 9,4 milliards de dollars », note le rapport, soit à travers les dettes extérieures, soit directement auprès des institutions internationales ou par l’émission de titres sur les marchés internationaux. La mission du FMI a révisé à la hausse ses prévisions pour la dette extérieure, passée de 8,9 % du PIB à 19,1 % après la révision. Pour 2017/2018, le manque de financement a été évalué à 1,9 milliard de dollars, qui seront financés comme suit : un milliard de dollars par la Banque mondiale, 0,6 milliard de dollars par le groupe du G7 et 0,3 milliard de dollars par la Banque de développement africaine. Quant à la dette publique, elle devrait baisser de 98 % du PIB en 2016/17 à 88 % du PIB en 2017/18 et à 78 % en 2020/21.
Retombées inattendues du flottement
Bien que la libération des taux de change — l’un des piliers du programme de réformes — ait été bien accueillie par l’institution, ses retombées sur les autres indicateurs économiques sont choquantes, même pour le FMI. La mission a elle-même exprimé son inquiétude quant à la forte dépréciation de la livre égyptienne, qui a de loin excédé ses anticipations au vu de son impact majeur sur l’inflation, le déficit budgétaire et le gonflement de la dette. « Faute d’informations, le FMI a mal évalué les conséquences de la dévaluation de la monnaie nationale sur l’économie égyptienne. C’est pourquoi il a revu à la baisse la plupart des indicateurs économiques », explique Adly. Le taux de croissance du PIB est parmi les indicateurs les plus touchés, étant donné le ralentissement de l’activité économique et le recul du pouvoir d’achat. Le FMI a révisé à la baisse ses prévisions pour 2016/2017 (de 4 % à 3,5 %) et pour 2017/18 (de 4,8 % à 4,5 %).
L’inflation, défi majeur
« Une inflation élevée et persistante pourrait constituer une menace pour la stabilité macro-économique. Elle peut également entraver l’efficacité de la nouvelle politique monétaire. Mais la BCE et le gouvernement coopèrent pour baisser le taux d’inflation ». Avec ces propos, la mission du FMI a mis en évidence ce problème crucial, vu son impact non seulement sur l’économie, mais aussi sur la paix sociale (voir encadré). Avec le flottement de la livre, cette dernière a perdu la moitié de sa valeur par rapport à l’euro et au dollar. Dans la foulée, le gouvernement a drastiquement réduit les subventions étatiques, notamment sur l’énergie et les carburants, ainsi que sur les biens de consommation jugés non prioritaires. Conséquence : le taux d’inflation annuel n’a cessé de grimper pour franchir la barre des 30 %. Le mois dernier, il a pris une tendance à la baisse pour atteindre 33,2 % en août 2017. Dans ce contexte, le pouvoir d’achat des Egyptiens a diminué de plus de la moitié. Le FMI prévoit néanmoins une baisse de l’inflation à 10,1 % pendant l’année financière 2017/2018. Une prévision qui vient parallèlement à la déclaration du ministre des Finances, Amr Al-Garhy, révélant le recul du taux d’inflation aux alentours de 15 % en 2017/18. Le chef de la mission du FMI pour l’Egypte a également précisé qu’il s’attendait à une décélération de l’inflation au cours des prochains mois, pour parvenir à un chiffre unique en 2019. Ceci, « à condition que la BCE poursuive sa politique monétaire restrictive consistant à accroître les taux d’intérêt », note le rapport. Mais Amr Adly juge ces prévisions irréalisables. « Plutôt qu’à une hausse de la demande, l’envolée de l’inflation est due en grande partie à une offre devenue plus chère suite à la dévaluation et à la hausse des prix des moyens de production. C’est pourquoi la hausse des intérêts n’a pas freiné l’inflation », souligne-t-il. Il ajoute que la solution réside notamment dans l’amélioration de la compétitivité des produits égyptiens en vue de limiter les importations .
Difficile suppression des subventions à l'énergie
« Bien que l’Egypte ait lancé des réformes importantes dans le dossier des subventions à l’énergie, elle est en retard sur certains points », note la mission du FMI dans son rapport publié le 26 septembre à l’occasion de la première révision du programme de réforme égyptien. Si, d’après le plan de réforme, l’Egypte est censée accélérer la suppression des subventions, le gouvernement s’est retrouvé dans l’incapacité d’y procéder, étant donné l’impact social des suppressions des subventions. Les prix des carburants ont augmenté deux fois depuis le début du programme, une première fois en novembre 2016 et une deuxième fois en juillet 2017, avec des hausses variant entre 30 et 50 %. Ainsi, le prix d’octane 92 par exemple, carburant le plus consommé par la classe moyenne, est passé de 2,60 L.E. à 5 L.E. actuellement. Afin de minimiser les répercussions de cette hausse sur la classe moyenne et les personnes démunies, le gouvernement a été contraint d’augmenter ses dépenses relatives aux retraites et aux salaires. En réaction, la mission du FMI a dû revoir à la hausse le montant des subventions à l’énergie pour l’année financière 2016/2017 (de 91 à 136,3 milliards de L.E.) et 2017/2018 (de 56,2 à 138,2 milliards de L.E.). Elle a, par conséquent, modifié le ratio du déficit budgétaire/PIB, passé à 1,8 %, contre 1 % avant la révision du programme. Cependant, elle a averti que « tout report du plan de la levée des subventions entraînera de grands risques, dus en partie à la hausse des prix internationaux de l’énergie et à la fluctuation des taux de change ».
Le rapport indique que le gouvernement égyptien s’est engagé auprès du FMI à proposer, fin septembre, un mécanisme de fixation des prix de l’essence (kérosène, diesel et octane) et qui prend en considération la fluctuation des taux de change et les prix mondiaux du pétrole. « Ce mécanisme va nous permettre de régler le problème des subventions à l’énergie », prévoit le rapport. Pour sa part, le ministre des Finances, Amr Al-Garhi, a indiqué, en marge de la réunion du Conseil des ministres au lendemain de la publication du rapport du FMI, qu’il n’y aura pas de « nouvelle hausse des prix du carburant d’ici la fin de l’année financière 2017/2018 ». Pour freiner le déficit budgétaire, le gouvernement sera dans l’obligation d’envisager une nouvelle hausse des impôts.
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