Derrière sa guérite, Patrick, agent de transfert mobile depuis cinq ans, recharge le compte d’une de ses clientes.
(Photo : RFI)
Derrière une petiteguérite aux couleurs desprincipaux opérateurstéléphoniques, Patricks’affaire à recharger le compted’une de ses clientes. Sauf qu’il nes’agit pas là de crédit Internet outéléphone, mais bien d’argent placésur un compte qu’elle a ouvert chezl’opérateur. « C’est très facile àutiliser », explique Patrick, agentde transfert par mobile depuis cinqans déjà. « Les clients rechargentleur compte et peuvent l’utilisercomme bon leur semble ». Pourcommuniquer, bien sûr, mais aussipour envoyer de l’argent à quelqu’unà l’autre bout du pays, ou encorerégler sa facture d’électricité : payeravec son portable en Ouganda estdevenu simple comme un coup de fil.Avec une population à 80 %rurale, où il est compliqué — voireimprudent — de se procurer del’argent liquide, le transfert d’argentpar téléphone mobile est devenu unehabitude pour plus de 21 millionsd’Ougandais, dont une grandemajorité ne peut pas se voir ouvrir uncompte dans une banque classique.
Inclusion financière« Le téléphone mobile est considérécomme l’instrument principal dansl’inclusion financière, et plus de 52 %des Ougandais en sont équipés »,explique ainsi Charles Abuka,directeur d’Analyses et Financesde la Banque d’Ouganda. L’argentélectronique est, selon lui, le moyende fournir aux personnes à faiblesrevenus des services de paiement,mais aussi un moyen d’épargnesécurisé. Le volume de transactionspar transfert mobile est ainsi enconstante et forte augmentation. De7,5 milliards d’euros en 2015, il estpassé à plus de 10 milliards d’eurosl’année suivante. Une manne pourles sept opérateurs qui se partagent lemarché du transfert mobile ougandais,moyennant bien sûr des commissions.Autre conséquence non négligeable,dans un pays où le taux de chômageest très élevé, le système a généré denombreux emplois. Comme Patrick,ils étaient ainsi plus de 132 000 agentstravaillant dans ce secteur en Ougandafin 2016, contre 53 000 en 2013. Lacommission pour le vendeur dépenddu volume de transactions effectuées,mais Patrick affirme gagner entre500 000 et 700 000 shillings par mois(entre 125 et 160 euros), alors que lesalaire moyen — très relatif — estestimé à 240 000 shillings. « Mais ily a des risques, admet Patrick. Nousavons du cash, ce qui peut attirerles voleurs. Et certains essaient defrauder avec de faux numéros ».Charles Abuka admet l’existencede ces fraudes, mais assure que lesautorités financières ont beaucouptravaillé avec les opérateurs et lesbanques du pays « pour sécuriser lestransactions des clients ».
Technologie Blockchain etintégration est-africaineUn autre développement observé detrès près par la Banque d’Ouganda :depuis quelques années, les monnaiesvirtuelles, issues de la technologieBlockchain (Bitcoin, One Coin, etc.),ne cessent de progresser dans le pays.Le phénomène a pris de l’ampleuren partie grâce à la diaspora, lasséedes commissions exorbitantes desleaders du secteur du transfertd’argent. Alors que Western Unionou MoneyGram prennent parfoisjusqu’à 10 % des sommes versées,acheter du Bitcoin et le transférerà sa famille en Ouganda ne coûtepratiquement rien. « Si cettetechnologie permet de faire baisserles coûts de ces transactions, celaest très positif, admet le directeurd'Analyses et Finances de la Banqued’Ouganda. Mais il y a un besoinde plus de contrôle, parce qu’ellespeuvent être utilisées à d’autresfins ».
En outre, les transactions ne se fontpas en shillings ougandais, ce quipeut poser un sérieux problème pourun pays où la monnaie est déjà faible.A plusieurs reprises, la Banqued’Ouganda a par ailleurs averti lesutilisateurs contre la volatilité detelles monnaies. Mais aujourd’hui,le discours se fait plus conciliant.« Nous travaillons à trouver unsystème de régulation qui rendecette technologie plus sûre », prometCharles Abuka.
Le même phénomène est égalementperceptible chez les voisins directscomme la Tanzanie ou le Kenya.Le Blockchain pourrait-il dès lorsdevenir une solution technologique àl’intégration monétaire est-africaine ?« Cela a été l’une des questionssoulevées lors d’une réunion récente,reconnaît Charles Abuka, et nousavons à apporter une réponsecoordonnée. Il y a un comité quitravaille dessus. La technologie abeaucoup de potentiel, assure-t-il,mais pose également beaucoup deproblèmes ».
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