20 % de la Banque du Caire sera émise en Bourse.
(Photo : Al-Ahram)
En préparation depuis un an, le programme Initial Public Offering (IPO) d’introduction en Bourse des sociétés publiques consiste notamment à soumettre entre 20 et 30 % de ces sociétés à la souscription publique sur une durée de 3 à 5 ans. Jusqu’à présent, le gouvernement n’a officiellement révélé que le nom de la société pétrolière Enppi, qui se trouve actuellement en phase de préparation à l’IPO. Ces travaux de préparation sont effectués par un consortium récemment choisi par la société NI Capital, conseillère gouvernementale responsable du programme. « Parmi les 6 candidats, nous avons sélectionnéle consortium composéde la sociétéégyptienne CI Capital (dépendant de la banque CIB), de la banque émiratie NBD, et de la banque américaine Jefferies International Limited. Notre objectif est de choisir des entités compétentes dans le domaine de la promotion et de la commercialisation, afin de faire réussir l’opération de lancement en émettant les actions àun prix attrayant et reflétant la bonne position de la société», explique Achraf Ghazali, directeur exécutif de NI Capital (voir entretien).
Les origines du programme remontent au début de l’année dernière, lorsque le président de la République avait révélé son intention de vendre des parts de sociétés et de banques publiques connues pour leurs bonnes performances, dans le but de redonner vie à la Bourse égyptienne. En juin 2016, le ministère de l’Investissement avait choisi NI Capital pour prendre en charge le dossier. Les responsabilités de NI Capital vont du choix des sociétés à la coopération avec les banques d’investissement sélectionnées pour accomplir la phase finale de l’émission en Bourse. D’ailleurs, Enppi ne serait pas seule sur la liste des émissions. Cette dernière comprendrait aussi des sociétés déjà cotées en Bourse telle la compagnie publique égyptienne Alexandria MinNral Oils (AMOC), dont 20 % du capital sont échangés en Bourse. Quant à la Banque du Caire (dotée d’un capital de 2,25 milliards de L.E.), ses dirigeants ont adressé en février dernier une demande à l’Organisme du marché financier pour coter ses actions en Bourse. « En vue de renforcer la position financière de la Bourse, la Banque Centrale d’Egypte (BCE) va introduire en Bourse la Banque du Caire en vue d’augmenter son capital de 20 % », a déclaré le gouverneur de la BCE, Tareq Amer, dans un communiqué de presse. Notons que la BCE est l’organisation responsable de cette émission indépendamment du conseiller gouvernemental NI Capital.
Le spectre de la privatisation
Si aucune date d’émission n’a encore été définie jusqu’à présent, selon certaines déclarations gouvernementales, elle est prévue en fin d’année. Bien que l’adoption du programme IPO intervienne dans le cadre des réformes économiques mises en oeuvre sous la surveillance du Fonds Monétaire International (FMI), il a nourri les soupçons et les craintes d’un retour de la mauvaise expérience de la privatisation au début des années 1990. « La vente d’une petite part en Bourse pourrait être le début d’un long trajet de vente totale des actifs gouvernementaux. Tout dépend de l’objectif de l’émission : est-ce qu’elle vise àajouter de nouvelles lignes de production en augmentant le capital des sociétés ? Ou l’objectif est-il de disposer de plus de liquiditéàtravers la Bourse ? », se demande un expert économique qui a requis l’anonymat, et qui n’écarte pas la possibilité que les recettes soient utilisées en vue de remédier au déficit budgétaire. Selon le vice-ministre des Finances, Ahmad Kojok, le gouvernement entend collecter entre 5 et 7 milliards de L.E. en 2017-2018. Au début des années 1990, le gouvernement avait adopté un programme de réformes économiques, fondé essentiellement sur la vente d’entreprises publiques sous la recommandation du FMI. A l’issue de ce programme, beaucoup de grandes entités, comme le géant de commerce intérieur Omar Effendi, et des entreprises de textile, avaient été cédées au secteur privé sans que le public en ait retiré un réel bénéfice.
Plus récemment, soit en 2005, le gouvernement a cédé 20 % de la société gouvernementale Telecom Egypt en les introduisant en Bourse. Depuis, aucune autre initiative n’a été prise. Les responsables gouvernementaux ont tenté d’apaiser l’opinion publique en assurant que l’Etat n’allait pas céder ses actifs. « Enppi est la première des sociétés àêtre partiellement introduite en Bourse. D’autres sociétés gouvernementales suivront, mais la part majoritaire du capital de ces sociétés restera entre les mains du gouvernement », indique la ministre de l’Investissement, Sahar Nasr, dans un communiqué de presse publié sur le site du ministère. Des paroles qui n’ont pas réussi à rassurer les employés de la société Enppi, qui avouent leur non-compréhension. « La question de l’introduction en Bourse d’Enppi reste incompréhensible pour nous, même en ce qui concerne son objectif. Nous nous demandons qui sera le vrai gagnant de cette décision imposée par l’autoritésuprême », se plaint un responsable d'Enppi préférant garder l’anonymat. Fondée en 1978, la compagnie Enppi est considérée comme l’une des sociétés pionnières du secteur de l’ingénierie pétrolière. Détenue à 97 % par l’Organisme public du pétrole, elle exécute beaucoup de projets en Egypte et à l’étranger, notamment dans les pays arabes. Selon le conseiller gouvernemental NI Capital, sa valorisation se situe entre 15 et 20 milliards de L.E.
Bouée de sauvetage
Quel que soit l’objectif réel du programme gouvernemental, il fait figure de bouée de sauvetage pour la Bourse égyptienne, qui a besoin de sang neuf. En effet, elle accuse encore le coup de la sortie de nombreuses entreprises et de la baisse majeure des cotisations qui a suivi au cours des dix dernières années. « La Bourse a besoin de ce type de mesures. Elles vont permettre d’aiguiser l’appétit des investisseurs. L’annulation des exonérations fiscales accordées aux sociétés cotées en Bourse (qui s’élèvent à10 %) avait incitéces dernières àquitter la Bourse. La conséquence a étécatastrophique, puisque le nombre des sociétés cotées a chuté, passant de 1 000 entreprises en 2008 à200 actuellement », explique Issa Fathi Issa, président du département des titres financiers au sein de l’Union des chambres commerciales. Il appelle l’administration de la Bourse à essayer d’attirer davantage d’entreprises par des mesures d’encouragement plutôt que de s’occuper de règles et de lois. Issa renchérit en félicitant le gouvernement pour son choix de commencer le programme par Enppi. « Les investisseurs suivent de près le secteur pétrolier, qui offre de larges opportunités de croissance en Bourse », note-t-il. Il précise que pour attirer un maximum d’investisseurs, il est important que le gouvernement ne surévalue pas le prix d’émission.
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