Une nouvelle vague de hausses des prix des matériaux de construction aura lieu au cours des six prochains mois. C’est ce qu’a révélé la banque d’investissement Arqam, dans un rapport publié la semaine dernière. Selon Riham Al-Dessouqi, analyste économique, la prochaine phase de la levée des subventions, prévue en juillet prochain, engendrera une inéluctable hausse des prix du carburant variant entre 35 % et 40 %. « Cette hausse aura sans doute ses répercussions sur les prix des factures des matériaux de construction, et par conséquent l’un des secteurs qui en dépendent : celui de l’immobilier », prévoit le rapport en donnant l’exemple du ciment et du fer qui vont subir une hausse des prix de 35 % et 100 % consécutivement. « En février 2016, la tonne de fer valait 4 350 et il se vendait à 11 000 L.E., c’est-à-dire le double », explique Tareq Anwar, responsable d’une entreprise de développement immobilier. Un exemple parmi d’autres susceptibles d’être à l’origine de la hausse des prix de l’immobilier.
Cette question a été abordée lors de la plus grande exposition pour l’investissement immobilier, City Scape Egypt, qui s’est récemment tenue et qui a réuni à la fois les promoteurs immobiliers et les responsables gouvernementaux. Le marché d’immobilier souffre déjà d’un état de ralentissement après la libération du taux de change en novembre dernier. « Aujourd’hui, le marché ressemble à une bulle qui est sur le point d’exploser. La plupart des experts estiment que, même si les prix des matériaux montent, les prix de l’immobilier seront stabilisés. Nous avons atteint un stade de rigidité, le marché n’avance plus en quelque sorte. Je me trouve parfois même obligé de vendre les terrains que j’ai achetés parce que construire devient trop cher », estime Tareq Anwar. Cela dit, la hausse est déjà là. « L’augmentation des prix des matériaux de construction a entraîné une hausse estimée à 35 % des prix des logements », estime Aqar Map, qui sert de cartographie pour toute clientèle intéressée par le marché de l’immobilier.
Outil d’investissement
Toutefois, les experts immobiliers reconnaissent qu’il a toujours été difficile de faire une lecture correcte du marché de l’immobilier en Egypte. Historiquement parlant, il a toujours connu un booming non justifié ; mais ceci est renvoyé au fait que les Egyptiens l’ont toujours considéré comme un outil destiné à l’investissement. « Le marché a toujours prouvé sa capacité de résilience face aux secousses économiques. Et ce, parce que la demande sur le marché n’est pas uniquement destinée à des fins de logement, mais elle est considérée comme un investissement sur le long terme », admet Ahmad Chalabi, directeur général de la société immobilière Tatweer Misr. Un booming qui persiste même après la hausse des prix des matériaux selon certains experts. « Nos analyses estiment que les chiffres de vente des géants de l’immobilier et de la construction démontrent une tendance à la hausse. L’investissement dans l’immobilier est donc perçu par les classes moyennes, hautes et les élites comme une protection des risques découlant des effets inflationnistes », rétorque Chadi Saad, chef du département de la recherche auprès de la société de courtage Cairo Financial Holding. Une opinion partagée avec Amr Al-Qadi, PDG adjoint d’un géant de l’immobilier, Wadi Degla Developments. « Même après la hausse des prix des matériaux, je remarque pour le cas de mon entreprise que la demande est toujours en hausse », dit-il.
Nouvelle clientèle
Les segments traditionnels de la clientèle issue de la classe moyenne, celle à la recherche du logement ou d’investissement, ont alors disparu au profit d’un nouveau segment de clientèle, qui a fait pression sur la demande après le flottement de la livre comme les Egyptiens qui vivent à l’étranger et qui sont rémunérés en dollars. Pour eux, les prix ont baissé de moitié. « Nous témoignons d’une dégringolade de la classe moyenne. Le produit final est extrêmement cher. La demande vient aujourd’hui de la part des expatriés égyptiens vivant à l’étranger ou encore les Arabes du Golfe. Pour ces payants en dollars, les prix des différentes unités ont été réduits de la moitié », ajoute Tareq Anwar.
Les lectures clientélistes effectuées par le journal Al-Borsa viennent étayer cette hypothèse, selon laquelle les segments qui représentent la demande sur le marché sont les plus aisés et les âgés de plus de 50 ans. Selon le même rapport, les moins favoris sont les couches aux revenus bas et qui cherchent les appartements pour des fins de logement. « Avec un budget de 300 000 L.E. je n’arrive pas à acheter un appartement à mon fils », admet une femme ayant requis l’anonymat, travaillant dans le secteur public. Même son de cloche chez Maha Hamdi, une cliente auprès de la société immobilière Sodic, qui raconte : « Les prix de logements dans la cité de 6 Octobre ont flambé. Il serait difficile au moment actuel de servir les catégories moyennes ». Une analyse plus détaillée du rapport démontre, en effet, que les prix par m2 des logements situés dans les villes périphériques et huppées du Caire, à l’instar de Tagammoe Al-Khamès, Chourouq, Cheikh Zayed, New Héliopolis, ciblant les élites, augmentent plus vite que les autres. Ce sont donc sur ces quartiers que la demande est la plus haute.
Plus de facilités de remboursement
Conscients de la difficulté de la situation actuelle avec la stagnation du marché, les promoteurs de l’immobilier ont pour la première fois adopté des stratégies affichant une flexibilité prolongeant les deadlines de versement des crédits. Cependant, même ces stratégies sont destinées à une clientèle qui n’a pas vraiment été touchée par les secousses du marché. Les géants de l’immobilier, tels que Damac et Palm Hills, ont prolongé les délais de versement des crédits pour varier entre 7 et 10 ans contre 3 ans dans le passé, avec des pré-paiements de 5 à 10 %.
Mais ces mesures ne sont pas suffisantes pour rééquilibrer ce marché débridé et contenir tous les segments de la clientèle. Pour ce faire, les stratégies doivent se centrer sur deux piliers. Premièrement, doubler l’espace alloué à l’immobilier qui est un vrai challenge. Selon les estimations en rapport à la croissance démographique qui connaît une hausse de 2,5 millions chaque année, le Grand Caire sera sous-approvisionné d’environ 400 000 unités de logements d’ici 2020.
La vision de l’Egypte de 2030 pour le développement durable met l’accent sur la nécessité d’accroître les terrains pour absorber la croissance démographique dans le cadre d’une politique d’urbanisation bien structurée. En second lieu, le gouvernement doit interférer pour réguler le marché. « Les politiques publiques doivent être conçues dans le sens d’un rééquilibre de ce marché à travers une stratégie redéfinissant la tarification des terres selon les segments sociaux à cibler », affirme Chadi Saad, analyste à la maison de courtage Cairo Financial Holding. Ceci rouvrirait de nouveau les opportunités de logement et d’investissement pour la classe moyenne à des prix abordables et ouvrirait des marchés non exploités comme les unités destinées aux usages commerciaux ou industriels, aux hôpitaux, aux centres commerciaux, etc.
Le gouvernement a récemment établi des agglomérations et des villes très bien structurées destinées aux revenus limités, tels que Dar Masr qui a fait bouger en quelque sorte la stagnation dans ce segment social. En effet, le partenariat public-privé est salué par les ténors de l’immobilier, car ils estiment que c’est une solution pour compenser la hausse des prix des terrains. « Nous n’avons aucun inconvénient à diversifier notre clientèle, et ce, à travers un partenariat avec le gouvernement », explique Amr Al-Qadi. En attendant, « les opérations d’achat et de vente dans le secteur de l’immobilier restent entre les mains des mêmes personnes, c’est une sorte de cercle vicieux », conclut un responsable de vente auprès d’une grande société immobilière ayant requis l’anonymat .
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