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Explications: Hani Guéneina et Samer Atallah

Gilane Magdi, Lundi, 15 avril 2013

Deux experts de courants politiques opposés ont élaboré un plan alternatif en cas d’échec des négociations avec le Fonds monétaire international. Ils apportent des explications.

Hani Guéneina
Hani Guéneina
Hani Guéneina, directeur du département des recherches au sein de la maison de courtage Pharos.

« L’Organisme du pétrole utilisera les rendements des soukouk dans l’achat de pétrole et de gaz naturel »

Al-ahram hebdo : Vous avez mis en plac e un plan B en cas d’échec des négociations avec le Fonds monétaire international. En quoi consiste-t-il ?

Hani Guéneina : C’est un plan très ambitieux par lequel les banques égyptiennes s’en­gagent à financer l’achat de matières pétrolières à l’Orga­nisme général du pétrole. D’une part, l’organisme lance­ra aux banques des soukouk en devises pendant une période déterminée. D’autre part, ces banques, qu’elles soient publiques ou privées, seront les seules à pouvoir investir leurs actifs étrangers nets dans l’achat de ces titres qui ressem­blent aux actions. Selon le der­nier rapport de la Banque Centrale d'Egypte (BCE), le montant de ces actifs s’élève à 13,2 milliards de dollars, dont 4 milliards représentent le montant que les banques doi­vent légalement conserver. Le reste est investi dans des obligations et bons du Trésor depuis la révolution, dont la date d’échéance est 2013 et février 2014. Donc, cette somme pourra être réinvestie dans les soukouk à long terme. Selon le plan, l’Organisme du pétrole utilisera les rendements des soukouk dans l’achat de pétrole et de gaz naturel. En échange, les banques seront les partenaires du gouvernement dans la part publique qui s’élève à la moitié de la pro­duction des sociétés étrangères.

— Mais avec la dépréciation continue de la livre égyptienne par rapport au dollar, com­ment l’organisme pourra-t-il rembourser la valeur des soukouk aux banques ?

C’est la BCE qui garanti­ra le taux de conversion de la livre égyptienne en dollar. Mais c’est l’Organisme du pétrole qui assumera le risque de la fluctuation de la devise, car il sera engagé à verser des paiements périodiques aux banques détentrices de soukouk. D’ailleurs, le gouver­nement devrait accélérer l’an­nulation des subventions à l’énergie qui absorbent le tiers des dépenses étatiques, en vue de renforcer la capacité de l’organisme à répondre à ses obligations.

— L’adoption de ce plan signifie une privatisation partielle de l’Organisme du pétrole alors que ce dernier souffre de corruption. Qu’en pensez-vous ?

Il est vrai que l’Organisme du pétrole souffre de corruption mais la solution est considérée comme indispensable à court terme pour régler le problème des arriérés gouvernementaux auprès des sociétés étrangères. A ce jour, il n’existe pas de chiffres précis mais toutes les estimations prévoient des arriérés évalués entre 6 et 8 milliards de dollars. Par exemple, les arriérés de la société British Gaz auprès de l’Organisme du pétrole s’élèvent à 600 millions de dollars sur un montant d’obligations de 1,3 milliard de dollars. Donc, la question est très dangereuse car les sociétés étrangères auront recours à l’arbitrage international pour obtenir leur argent .

Samer Atallah
Samer Atallah
Samer Atallah, membre du Mouvement populaire de l'annulation des dettes de l'Egypte.

« Il faut cesser ces mesures incompatibles avec l’égalité sociale »

Al-ahram hebdo : En cas d’échec des négociations avec le FMI, quelle est votre solution alternative ?

Samer Atallah : C’est un plan global visant la restructuration du déficit intérieur et extérieur de la balance des paiements. Pour le déficit interne, il devrait être résorbé en se basant sur deux piliers essentiels : le premier concerne le dossier de l’impôt sur les revenus du capital et les transactions boursières. Le second pilier consiste à restructurer les subventions à l’énergie à travers l’augmentation des prix sur les industries lourdement consommatrices d’énergie. Quant au déficit extérieur, le plan exige la réduction des importations des biens de luxe pour économiser les devises étrangères et freiner la hausse des prix des produits de base pour les couches sociales défavorisées. L’institution internationale Merill Lynch a noté, dans son rapport publié il y a deux semaines, que l’Egypte n’aura pas besoin d’emprunter à l’étranger si elle réduit la facture de ses importations de seulement 30 %.

— Mais le gouvernement a voulu appliquer la majeure partie de ces mesures ... avant de les retirer. Qu’en pensez-vous ?

C’est vrai et cela marque vraiment les pressions exercées par le milieu des affaires pour défendre leurs intérêts en défaveur de l’égalité sociale. C’est pourquoi il faut adopter un plan économique précis ayant l’approbation de tous les partis politiques pour qu’il soit applicable à long terme, en vue de développer économiquement le pays. Par exemple, le recours du gouvernement à l’augmentation du prix des bonbonnes de gaz de 5 L.E. à 8 L.E., qui touche surtout les couches les plus pauvres alors qu’il n’a pas réussi à accroître les prix de l’énergie sur les industries lourdement consommatrices d’énergie. Il faut cesser ces mesures incompatibles avec l’égalité sociale.

— Mais l’obtention du cré­dit du FMI pourrait ouvrir le champ aux investissements étrangers ...

Il est naïf de croire que la signature de l’accord de crédit avec le FMI attirera des inves­tissements étrangers. Personne ne s’aventurera à investir dans ce climat d’instabilité politique et d’insécurité. Cet accord donne seulement le feu vert aux différentes parties interna­tionales à tenir leurs promesses de nous prêter de l’argent. C’est là que réside le danger, car les dettes extérieures augmenteront d’une manière catastrophique. Aujourd’hui, la dette extérieure se chiffre à 34,7 milliards de dollars lors du premier trimestre 2012/2013, un montant qui doublera avec les promesses des créditeurs. L’impact de cette politique sera palpable dans les 4 prochaines années quand l’Egypte sera obligée de rembourser ses dettes. Donc, il ne faut pas opter pour le choix facile qui est l’en­dettement extérieur en défaveur d’un plan éco­nomique ambitieux .

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