Réaliser un surplus dans le déficit primaire pour la première fois depuis la révolution, tel est l’objectif du gouvernement dans le nouveau budget 2017/2018, (le déficit primaire compte la différence entre les revenus et les dépenses sans prendre en compte les intérêts de la dette). C’est ce qu’avait annoncé le ministre des Finances, Amr Al-Garhy, la semaine dernière, lors d’une conférence de presse. Dans ce sens, et pour réaliser ce but, le dossier des taxes semble être l’un des outils principaux du gouvernement au cours de la période à venir. Première étape : Al-Garhy a annoncé jeudi 23 mars qu’un projet de loi pour la mise en place du droit du timbre serait remis prochainement au Conseil des ministres puis au Conseil d’Etat et au parlement.
Pour ce qui est de la loi du timbre, il s’agit en fait d’imposer une taxe progressive sur les actions de vente et d’achat de la Bourse : 1,25 % au cours de la première année, 1,5 % au cours de la deuxième, puis la stabiliser à 1,75 % à partir de la troisième année. En plus, selon la loi, une autre taxe de 0,3 % sera imposée sur les opérations d’acquisitions, au cas où cette acquisition s’élèverait à 33 % ou plus du capital de l’entreprise acquise. Si l’acquisition concerne un pourcentage plus inférieur, rien ne sera imposé.
Le nombre d’entreprises enregistrées à la Bourse égyptienne dépasse les 270 entreprises, alors que le nombre des investisseurs dépasse les 500 000. « L’application d’une telle taxe n’est pas nouvelle », dit Amr Al-Monayer, vice-président du ministre des Finances pour le dossier fiscal, en prévoyant que les rendements d’une telle taxe peuvent atteindre 1,5 milliard de dollars dans le budget de 2017/2018. Il explique ainsi que ce droit était appliqué en 1939 et révisé en 1981 pour être annulé en 1995.
En fait, poursuit Al-Monayer, le gouvernement avait présenté ainsi 3 scénarios. Le premier exige de mettre en application l’impôt sur les gains capitaux. C’est-à-dire récupérer 10 % sur les revenus réalisés par les traders du marché boursier. Le deuxième scénario est d’imposer des taxes sur le premier lancement en Bourse effectué par toute entreprise. Imposer un droit de timbre était le troisième scénario. « Le ministère des Finances et l’Organisme de supervision monétaire ont préféré le troisième scénario pour réduire les engagements sur les investisseurs et les encourager à investir dans la Bourse égyptienne », dit-il.
25 % de hausse dans les revenus des taxes
Suite à la révolution du 25 janvier 2011, les gouvernements successifs ont cherché à multiplier ces revenus. L’imposition de nouvelles taxes était l’une des ressources à laquelle le gouvernement a eu recours. Hausse des taxes sur les revenus, sur les cigarettes et finalement Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA).
Des étapes qui ont mené, comme l’a annoncé Al-Monayer, au cours de sa réunion au siège de la Chambre du commerce américaine, la semaine dernière, avec le comité des taxes, à la baisse de la valeur du déficit primaire du budget de 27 milliards de dollars au cours des 8 premiers mois de l’année fiscale 2016/2017, pour atteindre 43 milliards de dollars. « Les revenus des taxes ont enregistré une hausse de 25 % », dit-il, expliquant que les taxes sur les entreprises ont enregistré une hausse de 27 %, celle sur les salaires 17 %, l’impôt foncier 132 % et la taxe sur la valeur ajoutée 31 % par rapport à la taxe des ventes.
Or, parallèlement à ces mesures, plusieurs voix ont souligné la nécessité de l’introduction des classes favorisées dans le système fiscal. C’est à cet égard qu’en 2013, le gouvernement avait introduit le droit de timbre — ce qui lui a permis de collecter 350 millions de L.E. —, avant de le geler une autre fois en 2014, pour la mise en place de l’impôt sur les gains capitaux en 2015. Suite à l’annonce d’une telle étape, la Bourse a subi plusieurs chocs successifs, et le gouvernement a remis son application pour 2 ans jusqu’à mai 2017. Mais fin 2016, le Conseil suprême d’investissement a dû ajourner son application de 3 ans, jusqu’en 2020. Dans ce contexte, le droit de timbre était une étape sur le bon chemin. A noter que le droit de timbre s’impose sur les transactions d’achat et de vente à la Bourse et non seulement sur les gains comme dans le cas des impôts sur les gains capitaux. Et à un pourcentage plus inférieur.
Polémique
Pour les traders de la Bourse, ce droit de timbre représente une solution plus équitable. « Les conditions d’investissement en Bourse en Egypte sont maintenant un peu difficiles, et les revenus sont limités. Imposer 10 % sur les revenus maintenant est difficile », dit Alaa Mohamad, trader à la Bourse. Selon lui, « aller progressivement avec le droit de timbre au début est beaucoup plus juste ». Mohamad Maher, vice-président de l’Association égyptienne pour les titres financiers, partage cette opinion. Mais il estime que le gouvernement doit, avant l’application de la hausse de la deuxième année, étudier l’influence d’un tel impôt sur le volume des échanges à la Bourse.
Une opinion qui ne semble pas faire l’unanimité. Hani Tawfiq, expert financier, pense que reporter l’application de l’impôt sur les gains capitaux est en faveur des plus riches et des investisseurs. Alors que son application « est juste et facile à assumer par les investisseurs ». Chris Jarvis, chef de la mission du Fonds Monétaire International (FMI) et négociateur de l’accord du prêt de 12 milliards de dollars avec le gouvernement égyptien, avait souligné qu’il faut une justice dans l’imposition des taxes. Il avait même voté, contrairement au gouvernement égyptien, la nécessité de l’application des impôts sur les gains capitaux. « Nous savons que le gouvernement veut encourager les investisseurs. Mais il doit oeuvrer à réaliser un équilibre entre les taxes imposées aux différentes catégories de la société, chacune selon ses capacités », dit-il. Il ajoute : « Le gouvernement égyptien doit améliorer le système financier. 10 % seulement des citoyens égyptiens possèdent des comptes bancaires. Un chiffre médiocre qui ne permet pas de fournir des liquidités suffisantes aux banques pour financer des projets ».
Le gouvernement semble prendre en considération ces réserves. En effet, le ministère des Finances étudie actuellement une modification importante concernant la loi sur les revenus. Les plus riches y seront bien concernés. « Les exemptions sur les revenus seront progressives de telle manière à ce que les plus riches payent plus que les pauvres », dit Al-Monayer. Le ministère étudie actuellement une proposition qui exige une exemption d’1 % seulement aux classes les plus riches, alors que les plus pauvres profiteront d’exemptions d’environ 80 %. Des mesures qui se font toujours attendre .
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