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Les multiples maux des PME

Amani Gamal El Din et Hossam Rabie, Lundi, 13 février 2017

Un an après le lan­cement, par la Banque Centrale, d'une initiative visant à booster les PME (Petites et Moyennes entre­prises), les résultats attendus peinent à se faire sentir, et les experts émettent de nombreuses réserves, notam­ment en ce qui concerne l'accès au financement, ainsi que les défaillances institutionnelles législatives.

Les multiples maux des PME

Alors que le gouvernement porte un grand intérêt aux Petites et Moyennes Entreprises (PME) et les considère comme les promo­teurs de la croissance économique, le statut de ce secteur demeure très risqué et incapable de booster le développement à l’heure où la plu­part des analyses économiques convergent sur le souffle indéniable qu’il peut donner à l’éco­nomie égyptienne où le taux de chômage demeure alarmant, atteignant 12,4 % selon le PNUD.

Les défis qui pèsent sur les PME sont encore nombreux et l’Etat peine à régler la question du financement. Les économistes appellent le gouvernement à tenir compte, dans ses pro­grammes, d’autres problèmes qui entravent le développement des PME dont le rôle est cru­cial pour l’économie égyptienne. D’autant plus que ce segment a effectivement booster un bon nombre d’économies émergentes et en déve­loppement. La Banque Centrale d'Egypte (BCE) a lancé en 2016 une importante initia­tive pour financer les PME et a mis à leur dis­position 200 milliards de L.E. d’aides sur 4 ans. Or, comme le confirme Alaa Al-Sakti, le président de la Fédération des associations de PME, elle ne suffit pas à répondre aux défis que connaissent les PME aujourd’hui. « Le problème est que nos propos tombent dans l’oubli. Les défis auxquels sont confrontées les PME dépassent la simple question du finance­ment, même si celle-ci demeure un problème considérable face à ces entreprises ».

Malgré les deux phases de réformes ban­caires, la première de 2004 à 2008 et la seconde de 2008 à 2011 se focalisant sur la promotion de l’infrastructure bancaire pour faciliter l’accès des PME au financement nécessaire, cet accès demeure un obstacle. Une étude intitulée « Petites et moyennes entreprises en Egypte : Nouvelles évidences » et effectuée conjointement en 2013 par Hala El-Said, Mahmoud Al-Said et Chahir Zaki, tous trois professeurs à la faculté de sciences politiques et économiques de l’Université du Caire, note toujours un constat amer. « Les PME souffrent encore de l’absence du financement », confirme l’étude, en soulignant qu’il existe 2,5 millions de PME en Egypte représentant 75 % du total du marché de l’emploi mais leur contribution au PIB est minime.

Sahar Nasr, ministre de la Coopération internationale, avait annoncé, lors du Forum des petites et moyennes entreprises tenu à la fondation Al-Ahram le 23 janvier 2016, que seulement 24 % parviennent à obtenir des crédits bancaires, étant donné que leur profil est très risqué pour les exigences de crédit bancaire dû à leur statut informel. « Le pro­blème est surtout du côté de la demande plus que de l’offre. Nous essayons de les accéder mais leur profil est critique. Nous sommes engagés devant la Banque Centrale d’Egypte de consacrer aux PME 20 % du total des portefeuilles des prêts d’ici 2020 », critique un haut responsable ayant requis l’anonymat auprès d'une large banque d’investissement.

Absence de base de données

Les multiples maux des PME

Tout porte à croire que ce même constat est toujours maintenu, vu l’absence totale de base de données depuis cette date jusqu’à aujourd’hui. L’économiste Bassant Fahmi, députée au parle­ment, critique ouvertement ce manque de statis­tiques et d’informations. « Nous avons deman­dé plusieurs fois à la BCE de présenter les résultats pour évaluer cette initiative, les mon­tants des dépenses, les techniques de distribu­tions ainsi que les secteurs bénéficiaires, mais nous n’avons reçu aucune réponse ». Les don­nées révèlent que la structure du PME est très fragmentée et qu’elles n’opèrent qu’avec des taux moins que moyens jusqu’à très faibles dans 2 secteurs uniquement, à savoir la manu­facture à 51 % vient en tête ; ensuite le com­merce à 40 %.

Ajoutons à cela la disproportion de leur pré­sence, car concentrés majoritairement dans 3 gouvernorats Le Caire, Charqiya et Gharbiya. Chérif Delwar, professeur d’économie à l’Uni­versité américaine du Caire, est d’accord avec cette analyse et va plus loin en abordant la ques­tion de la productivité associée aux PME et les contributions réelles de ces entreprises dans l’économie officielle. « Ces projets visent la consommation et non la productivité qui à elle seule peut devenir une valeur ajoutée à l’écono­mie. L’Etat doit s’intéresser simultanément à la question du financement et à l’orientation de l’activité des PME ».

Problème de régularisation et mauvaise gouvernance
Selon Shady Sharaf, directeur du départe­ment de la recherche à la maison de courtage Cairo Financial Holding, « les PME souffrent d’un manque de papiers et leur statut n’est pas formel. Il existe encore une autre facette sur le plan opérationnel, l’entité peut être éligible, mais en manque de papiers ou non remboursable des taxes ».

Et d’ajouter que dans la plupart des cas, les gérants de PME préfèrent emprunter de leurs familles ou de leurs proches pour maintenir un certain taux de liquidités pour poursuivre leurs activités et garantir un minimum de rentabilité. Un autre segment sanctionne au nom de la religion le recours aux prêts ou à une quelconque facilité les impliquant dans le versement de taux d’intérêt. « La plupart tente pour la seconde option qui est plus facile et ne requiert pas l’exigence de la for­malité, ce sont les institutions microfinan­cières », élabore Sharaf. La mauvaise gou­vernance de ces entreprises et le manque de personnels qualifiés sont également des pro­blèmes incontournables. Ils se trouvent inca­pables de préparer un budget ou des études de faisabilité et ne recourent pas aux audits et aux spécialistes pour les soutenir.

Dans une tentative d’unifier la multiplicité d’entités dispersées travaillant dans les PME, Tareq Qabil, ministre du Commerce, a annon­cé à la conférence d’Al-Ahram la mise en place d’un appareil chargé du dossier, sem­blable à ceux qui se trouvent dans la plupart du monde sous différentes appellations mais ayant pour mandat le financement des petits et moyens business.

« Une bonne idée, mais le problème est que l’Etat n’a pas de vision claire du marché. Les PME doivent attaquer des secteurs jusque-là inexploités, comme l’informatique, les soins médicaux, l’éducation, les industries pétro­chimiques ou encore renouvelables. Le sys­tème actuel est extrêmement centralisé et la promotion des PME doit se faire non seule­ment selon une approche sectorielle, mais aussi à partir des besoins de chaque gouver­norat et de son potentiel. Bref, cet appareil doit partir d’une vision globale et stratégique via des agences sur le niveau local auxquelles leur seront reléguées des prérogatives finan­cières et administratives », explique Mahmoud Gamaleddine, businessman.

Les efforts gouvernementaux passent sou­vent inaperçus à cause d’une structure institu­tionnelle chaotique et mal organisée. Une multiplicité d’entités étatiques travaillant au profit des PME sont venues s’accumuler dans les dernières années, sans qu’il leur soit assi­gné un mandat et une responsabilité claire. Entre autres le Fonds social pour le développe­ment, les départements des PME sous plu­sieurs portefeuilles ministériels, les associa­tions des jeunes entrepreneurs, l’IMC (le Centre industriel de modernisation). Ces mêmes institutions ne coordonnent pas entre elles et ont dû mal à cibler leurs potentiels clients à cause du manque de statistiques sur les entreprises opérantes, l’absence d’une ana­lyse du marché par secteur et par gouvernorat pour détecter les vrais besoins d’un développe­ment et d’une croissance économique. « Il est impossible que la BCE assume la triple charge de régulateur, de superviseur et de promoteur des PME, c’est une contradiction », conclut un responsable ayant requis l’anonymat auprès d’une banque privée.

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