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« J’ai quitté mon village pour échapper aux dettes »

Lundi, 13 février 2017

Ancien gérant d'une microentre­prise, déclaré insolvable, T. A., âgé de 55 ans, raconte son expérience amère.

« Si je dois retracer mon itinéraire avec le financement de mes mini-projets, je dois revenir 40 ans en arrière. Je détiens une longue expé­rience avec le secteur bancaire et avec les méthodes de financement dans mon gouvernorat qui sont une réplique de ce qui se passe partout en Egypte. Les mêmes plaintes, je les ai recueillies de mes amis qui ont connu les mêmes conditions dans d’autres gouvernorats ». Ce n’est pas sans amertume que T. A., âgé de 55 ans et originaire du gouvernorat de Gharbiya, qui a requis l’anony­mat, relate son expérience qui s’est terminée par son écroulement sous les dettes et son départ forcé de sa ville natale.« Je suis diplômé de la faculté de charia à l’Uni­versité d'Al-Azhar, qui est l’équivalent de la faculté de droit, et je travaille auprès d’une large compagnie du secteur des affaires, au départe­ment juridique. A l’âge de 11 ans, je me suis lancé dans le micro-business pour améliorer mes condi­tions de vie. J’ai tout essayé depuis, les kiosques de vente de foul et de taaméya, la location des cafétérias et des salles de fêtes et les fours pour produire le pain baladi et autres », raconte T.A. Il explique que le financement bancaire était facile. « Depuis les années 1980, j’ai reçu plusieurs prêts destinés aux microentreprises de la part de plusieurs banques comme la Banque nationale (Al-Ahly), la Banque Misr et la Banque d’Alexan­drie. Les prêts variaient de 5 000 à 100 000 L.E. remboursables pour les petites sommes sur un an et les sommes plus grandes sur 3 ans avec un intérêt réduit. Aucune manipulation ne pouvait avoir lieu. En cas de difficultés de rembourse­ment, la banque accordait une période de grâce », affirme T.A. Et si la situation ne n’améliore pas, la personne est mise sur une liste noire de la Banque Centrale et n’a plus droit à aucun crédit.

Bureaux de crédits informels
Il y a 12 ans, T.A. a décidé d’élargir son business en inaugurant un four pour produire le pain. Il avait besoin alors de liquidités. Le seul moyen pour obtenir ces liquidités et faire progres­ser son activité commerciale était de recourir à l’unique source de financement disponible, à savoir les bureaux de crédits. Il s’agit d’un sys­tème informel répandu dans les gouvernorats. « Les personnes qui accordaient ce genre de prêts étaient les marchands de caoutchouc et des ferrailles, ils instauraient des taux d’intérêt exor­bitants allant parfois jusqu’à 70 % et 100 % », explique T. A. Il poursuit : « Par exemple les marchands de caoutchouc donnaient des pneus au lieu de donner de l’argent que les clients ven­daient pour obtenir le financement qu’ils vou­laient. Les marchands demandaient ensuite à être remboursés dans un court laps de temps avec des intérêts exorbitants. J’ai dû donc accumuler des pertes considérables dans un premier temps, en vendant les articles à des prix plus bas que ceux de l’achat », affirme T.A. Et de poursuivre que d’autres méthodes ont été inventées par les ténors de ce business. « Un marchand pouvait me don­ner 10 000 L.E. et j’étais obligé de les rendre vers la fin de la journée 11 000 L.E. et cela pouvait atteindre les 20 000 L.E. Comment combler un tel écart financier en une seule journée ? », s’inter­roge T. A. Il explique qu’un village appelé Mit Haroun, dans le gouvernorat de Gharbiya, a vu prospérer cette activité. « Conscients des conditions difficiles sur le mar­ché aujourd’hui, à cause de la dévaluation de la L.E., les courtiers de la monnaie locale tra­vaillent très prudemment, uniquement avec les clients qu’ils considèrent comme crédibles. J’ai dû donc avoir recours à quelqu’un que j’ai connu à travers un ami. J’ai croulé sous les dettes parce que j’avais signé des chèques en blanc qu’ils ont soumis à la justice. J’ai des procès devant plu­sieurs tribunaux et j’ai dû quitter ma région en attendant une issue », conclut T. A..

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