Al-Ahram Hebdo : Pouvez-vous nous parler de ce que représente votre entreprise Tanmeyah dans le marché des microfinances en Egypte ?
Amro Abouesh : Tanmeyah propose des solutions de microfinances aux microprojets des secteurs formels et informels, excepté le secteur agraire et les saisonniers. Notre portefeuille est aujourd’hui de l’ordre de 500 millions de L.E. Nous sommes l’une de trois importants opérateurs dans ce domaine. Nos services sont diversifiés et taillés conformément à la loi sur les microfinances finalisée en 2014. Celle-ci a déterminé le plafond des prêts à 100 000 L.E., a déterminé les critères des sélections des clients et a interdit les entreprises de travailler dans le financement destiné aux projets de consommation. Elle a également couvert toutes les modalités nécessaires à protéger les institutions de financement ainsi que les clients.
— Vous savez que l’Egypte souffre d’un manque de moyennes et de petites entreprises, comment est-il possible de booster ce secteur vital à l’économie ?
— Les prêts bancaires sont sécurisées par les garanties obtenues de manière à minimiser les risques. Ce type de garanties est calculé en fonction des actifs physiques et monétaires, ce qui n’est pas adéquat à ce type de business. Il faut un nouveau système de financement pour les PME (Petites et Moyennes entreprises). Les techniques de prêts aux PME requièrent un plus large éventail de modalités d’évaluation du statut du client et son éligibilité ainsi que sa solvabilité. Le monde entier a dépassé l’évaluation qui tient compte en premier lieu des actifs du client, et le processus repose entièrement sur un nouveau système de financement appelé « cash-flow financing ». C’est une forme de financement qui sécurise les prêts selon les liquidités prévus des revenus de l’entreprise après l’investissement.
— A votre avis, quel est le principe qui doit régir les transactions bancaires ou non bancaires ?
— Avant de parler de l’inclusion financière, il faut parler de l’inclusion politique, sociale, économique et enfin financière. Selon l’inclusion financière, tout citoyen est banquable ; c’est-à-dire a droit à posséder un compte bancaire, même les délinquants. Les banques commerciales ne peuvent pas assumer de gros risques, ce n’est pas leur prérogative, alors que ceci est valable pour les institutions financières. Mais, on reproche aux banques de ne pas faire un pas vers les PME et de ne pas se lancer dans l’évaluation de leurs besoins financiers. Les méthodes de garanties pour ce secteur doivent être innovatrices, sachant que plus l’entreprise est petite, il est normal qu’elle ne soit pas à la hauteur des prévisions des créditeurs, mais on peut lui chercher une interprétation qui lui donnerait une plus grande valeur monétaire. Par exemple, un supermarché qui n’est pas la possession de son client et qui est une location ne peut pas être considéré comme un actif, mais les produits en vente qui se trouvent sur les étagères peuvent servir des garanties pour un financement en cash.
Les PME en Egypte opèrent dans deux secteurs principaux : la manufacture et le commerce.
— Est-ce que vous croyez que la multiplicité des institutions étatiques chargées du dossier complique davantage le problème ? Croyez-vous qu’un appareil qui regrouperait sous son ombrelle toutes ces entités soit une bonne idée ?
— Avant de parler d’un appareil unifié, il faut que le dossier soit resitué dans une perspective macroéconomique. Les structures organisationnelles et les gouvernances des appareils d’Etat doivent être réformées dans le sens du développement de ce secteur. Il faut s’accorder sur l’objectif ensuite déterminer les entités et les prérogatives de chacune. Il faut réformer les lois qui gouvernent cette tranche de business. L’un des mécanismes-clés consiste à promouvoir le secteur des PME en changeant le système de fournissement par adjudication pour leur consacrer une part. Il faut alors avoir une description et des critères qualifiant les petites et moyennes entreprises éligibles pour se présenter aux adjudications en toute transparence. L’autre mécanisme est de garantir l’accès minimum au financement via les divers programmes d’allocation de prêts. Le troisième est de mener un lobby au profit des petites et moyennes entreprises pour que tous les acteurs concernés comprennent qu’elles ne sont pas un segment de la société, mais qu’elles représentent la société dans sa globalité. Ces trois mécanismes constituent le socle du cadre législatif pour les PME dans monde entier. L’idée donc d’un appareil qui aurait des prérogatives absolues peut être invalidée en l’absence de ce cadre législatif et institutionnel mandatant les différents organismes.
— Où en sommes-nous de la configuration dont vous parlez ? Et combien de temps faut-il pour l’atteindre ?
— Ce n’est pas une question de temps. C’est une question de mentalité, d’éducation et d’apprentissage. Par définition, le secteur privé devrait être dominé par les PME. Vous ne devez pas concevoir des politiques ciblant le segment des grandes entreprises pour garantir que la plupart des services taillés dans le cadre de l’investissement tombent dans leur responsabilité et pour leur compte. Le climat de confiance dans les preneurs de décision est devenu bien meilleur qu’auparavant. La preuve est que la loi sur les PME n’a jamais vu le jour lorsque les spécialistes et les parties concernées l’ont critiquée. La loi est bien écrite, mais ne comportait rien de ce que j’ai susmentionné. Peu importe les lois, il faut une stratégie et une structure correctes qui garantiraient leur envol. Nous ne réinventons pas la roue, il suffit de voir les expériences internationales et les adapter au contexte .
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