Les pénuries de gasoil ont encore atteint un pic la semaine dernière, entraînant une paralysie partielle de l’activité économique. Les transports ont été largement touchés, comme ce fut le cas dans une dizaine d’écoles qui ont momentanément interrompu leur service de ramassage scolaire. « L’école m’a envoyé une lettre pour m’informer que je devais amener moi-même mes enfants, car les chauffeurs d’autobus ne trouvaient pas de gasoil », se plaint Chahira, mère de deux enfants.
Les chauffeurs de minibus et microbus ont, par ailleurs, mené plusieurs grèves, coupant les principaux axes routiers au Caire et dans plusieurs gouvernorats, afin de se plaindre de leur mise au chômage forcée due aux pénuries de gasoil à répétition.
Pour tenter de calmer la colère populaire, le ministère du Pétrole a licencié deux hauts fonctionnaires du secteur pétrolier : le président de la Société égyptienne du pétrole et le vice-président de l’Organisme général du pétrole pour les opérations techniques.
Deux jours après, le ministère a annoncé l’arrivée de 5 livraisons de gasoil dans les ports d’Alexandrie et de Suez pour un total de 140 000 tonnes. « Le ministère des Finances nous a transféré 100 millions de dollars pour payer ces livraisons et elles ont été ensuite livrées dans les stations du pays. Notre objectif est d’augmenter la quantité de gasoil pour atteindre 38 000 tonnes par jour d’ici la fin du mois, et 40 000 tonnes dans les 3 prochains mois », révèle à l’Hebdo Mahmoud Nazim, adjoint du ministre du Pétrole. Il ajoute qu’il a remarqué un retour au calme lors de ses visites dans plusieurs stations-service du pays.
Les responsables des stations d'essence sont pourtant presque unanimes à dire que même 40 000 tonnes de gasoil par jour ne suffiront pas à couvrir la demande. « Il y a une crise réelle et profonde. Désormais, je ne reçois que le quart de la quantité du gasoil habituelle, soit 20 000 litres. En 3 heures, tout est écoulé. En plus, avant la crise, je recevais 60 000 litres supplémentaires par jour à partir du mois de mars et jusqu’au mois de mai, pour faire face à la demande accrue liée aux récoltes dans les champs », se plaint Mahmoud Ali, propriétaire de la station Taawon à Kirdassa, près du Caire, en milieu rural.
Pas reçu le moindre litre
En effet, lors des mois de récolte de mars à juin, la consommation en gasoil augmente en moyenne de 10 % au niveau national et de 40 % dans certaines zones agricoles. Sayed Rouchdi, directeur d’une station Mobil à Mohandessine, assure, quant à lui, qu’il n’a pas reçu le moindre litre de gasoil depuis un mois. « Le ministère du Pétrole ne livre du gasoil que dans les stations dépendantes de l’Organisme du pétrole comme Wataniya et Taawon. Pour les autres stations, la situation est très difficile », dit-il.
Des témoignages qui vont à l’encontre des déclarations officielles selon lesquelles les pénuries seraient gérées avec efficacité par le gouvernement. Aucun plan précis et à long terme ne semble, en effet, avoir été mis en place pour remédier à la source du problème : le manque de devises étrangères.
« Nous allons être confrontés à une crise majeure avec la baisse des montants alloués aux importations. Le ministère des Finances n’a alloué que 300 millions de dollars, alors qu’il en aurait fallu 500 millions tels qu’évalués par l’Organisme général du pétrole », dévoile une source auprès de l’Organisme générale du pétrole. La facture habituelle des importations est de 400 millions de dollars par mois et de 500 millions entre mars et juin.
« Aucun problème »
Pour le ministère des Finances dirigé par Al-Morsi Hégazy, « il n’y a pas de problème de financement, mais seulement un manque de surveillance des réseaux de distribution. Du 1er janvier au 3 mars, les subventions au gasoil accordées par le ministère des Finances à l’Organisme du pétrole ont été de 6,7 milliards de L.E. ». L’Egypte importe 40 % de sa consommation annuelle de gasoil. Selon le ministre du Pétrole, Ossama Kamal, l’Etat subventionne le gasoil aux deux tiers de son prix coûtant.
La crise du gasoil est largement due au recul des réserves en devises étrangères. Ces dernières ne sont plus que de 13,6 milliards de dollars, selon le dernier rapport de la Banque Centrale d’Egypte.
La livre, qui a plongé face au billet vert, a accentué le problème. Le pays souffre désormais d’un manque de dollars au sein des banques et des institutions privées. Le gouvernement semble donc incapable d’être en mesure d’assurer la demande en gasoil par lui-même. Un retour à la normale ne se fera qu’à travers des prêts ou des dons de pays ou d’institutions internationales.
A l'instar de l'essence, un système de coupons pour le gasoil serait à l'étude
Les subventions au gasoil coûtent annuellement à l’Etat près de 50 milliards de L.E., soit plus de 40 % du total des subventions allouées à l’énergie. Pour réduire cette facture, le ministre de la Planification et de la Coopération internationale, Achraf Al-Arabi, a déclaré le mois dernier que le gouvernement allait annuler les subventions au gasoil pour les secteurs de l’hôtellerie et de la restauration dès le mois de mai 2013.
Un système de coupons similaire à celui en cours d’élaboration pour l’essence devrait aussi être mis en place. Chaque véhicule aurait le droit à un maximum de 10 000 litres de gasoil subventionné par an. Au-delà, il devra payer le prix du marché, soit environ plus de 3 L.E. le litre contre 1,10 avec les subventions. Aucune source officielle n’a toutefois confirmé ni nié cette information.
Pour Chérif Hadara, président de l’Organisme général du pétrole, la décision de réduire les subventions n’est pas du ressort du ministère du Pétrole. Seuls les aspects techniques sont, en effet, gérés par l’Organisme. « Le ministère m’a demandé d’étudier trois alternatives visant à diminuer les subventions. La première à travers une réduction graduelle de 10 % par an. La deuxième en limitant les subventions à certaines tranches sociales et la troisième en les remplaçant par des subventions en espèces », explique-t-il. Hadara exclut cependant que les subventions au gasoil soient entièrement supprimées dès mai prochain.
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