Le FMI et Le Caire sont en phase de finaliser un accord de financement renégocié à plusieurs reprises depuis la révolution du 25 janvier 2011. Le ministère égyptien des Finances a annoncé, dans un communiqué du 28 juillet, que l’Egypte cherchait à emprunter 12 milliards de dollars au Fonds Monétaire International (FMI) sur une période de trois ans. «
L’Egypte prévoit de recevoir au minimum 2 milliards de dollars dans les deux mois qui suivront la conclusion de l’accord », a affirmé Ahmed Kojak, vice-ministre des Finances. Le FMI, pour sa part, a déclaré le même jour que la taille du programme de financement de l’Egypte sera déterminée par une mission de deux semaines du FMI au Caire. Samedi 30 juillet, une délégation du FMI présidée par Chris Jarvis est arrivée au Caire.
« L’ampleur du financement dépendra de l’évaluation de l’équipe dépêchée sur place qui évaluera les besoins réels et la force du programme de réforme adopté par le gouvernement », a annoncé le porte-parole du FMI, William Murray, lors d’une conférence à Washington, rapporte l’Agence de presse nationale égyptienne MENA. « L’Egypte devra ensuite rembourser chaque tranche du prêt qu’elle aura reçue du FMI sur cinq ans, avec une période de grâce de 3 ans et 3 mois », a précisé Kojak.
L’Egypte a conclu des accords initiaux avec le FMI à trois reprises depuis janvier 2011, mais les sommes en question étaient de 3,2 milliards (par deux fois) et de 4,8 milliards de dollars. Le premier accord a été conclu au début de la période transitoire dirigée par le Conseil militaire, mais les négociations ont été suspendues, après avoir été contestées par une partie de l’opinion publique, encore influente à cette époque. Les négociations ont ensuite repris en 2012 sous le gouvernement dirigé par les Frères musulmans. Seulement, ces derniers n’ont pas réussi à faire passer des réformes comme la baisse des subventions et la hausse des taxes des ventes, nécessaires à la confirmation du prêt. La semaine dernière, le parlement a commencé à débattre du projet de loi sur la Taxe de la Valeur Ajoutée (TVA), alors qu’un programme de baisse des subventions de l’énergie a été entamé en 2013. L’institution financière internationale réclame un engagement de la part du gouvernement à appliquer le programme de réforme fiscale qui inclut une réduction des subventions et l’application de la TVA afin de réduire le déficit budgétaire.
L’accord avec le FMI est attendu avec impatience par les économistes libéraux et les investisseurs. Ils considèrent cet accord avec le FMI comme une preuve de confiance qui aidera l’économie égyptienne à attirer les investisseurs étrangers et si possible d’autres prêts. « Le FMI n’acceptera pas un accord de financement avec un gouvernement qui ne possède pas la capacité de rembourser », affirme à l’Hebdo Reham ElDesouki, économiste en chef auprès de Arqaam Capital, banque d’investissement spécialisée dans les marchés émergents. « Les investisseurs étrangers font confiance au FMI. La signature de l’accord signifie que l’Egypte s’engage à suivre un plan de réforme économique », souligne-t-elle. L’accord entend d’ailleurs ouvrir la porte à d’autres financements. Le gouvernement a annoncé que l’accord avec le FMI pourrait permettre de débloquer un ensemble de prêts qui pourraient atteindre 7 milliards de dollars par an.
« Ce pack de financement comprend un prêt de 3 milliards de dollars de la Banque mondiale qui a été signé en décembre 2015, et de 1,5 milliard de la Banque africaine de développement. Un milliard de dollars sera débloqué par la Banque mondiale une fois que la loi sur la TVA sera ratifiée (dans quelques jours). Le gouvernement a déjà reçu 0,5 milliard de dollars de la Banque africaine de développement et doit recevoir la deuxième tranche au dernier trimestre de 2016 », a précisé un communiqué d’Arqaam Capital. « On ne connaît pas encore les détails de la répartition du reste du financement qui seront annoncés après les pourparlers qui suivront la mission de la délégation du FMI commencée cette semaine », conclut ElDesouki.
Inquiétude principale
Le gouvernement a promis de protéger les droits sociaux des citoyens égyptiens lors des négociations avec le FMI.
Si le courant dominant parmi les économistes accueille avec enthousiasme le prêt du FMI, d’autres restent sceptiques. Leur inquiétude principale est liée au gonflement de la dette et de ses intérêts. « L’Egypte ne possède pas de secteur d’exportation dynamique, le modèle de développement basé sur l’endettement est très risqué dans ce contexte, surtout qu’une partie importante du prêt va servir à réduire le déficit budgétaire et non pas à faire des investissements », souligne Amr Adly, chercheur au Centre Carnegie Moyen-Orient. Les supporteurs du prêt du FMI sont plus optimistes quant à l’avenir de l’économie égyptienne. « C’est un prêt à rembourser sur le moyen terme, l’économie pourrait entre-temps dépasser l’effet des perturbations économiques et politiques et se relancer », espère Reham ElDesouki.
L’Egypte a reçu plus de 25 milliards de dollars d’aides des pays du Golfe au cours de ces dernières années, mais ces sommes n’ont permis ni la relance économique ni un redressement fiscal. Au contraire, le déficit budgétaire continue de s’accroître. Il est prévu qu’il atteigne 11,5 % en 2015-16. Le remboursement de la dette dans le budget, quant à lui, est prévu à hauteur de 31 % des dépenses publiques pour 2016/17 contre 22,4 % en 2015/2016, et seulement 22,2 % en 2011/2012. Ce qui légitime la question sur la validité du prêt du FMI. « La différence entre ce prêt et les aides du Golfe est que le gouvernement a changé de politique fiscale et monétaire », dit ElDesouki en référence aux récentes déclarations du gouverneur de la Banque Centrale Egyptienne (BCE), Tareq Amer. Ce dernier avait dit que la politique de la BCE, qui vise à stabiliser le taux de change, est une faute grave qui a coûté à l’Etat des milliards de dollars au cours des cinq dernières années, faisant bien comprendre qu’il va adopter prochainement une politique de taux de change plus flexible.
« Les prévisions de la relance économique sur le court terme ne prennent pas en considération le contexte actuel de la crise économique mondiale. On ne peut pas parier sur le flux touristique, les investissements étrangers ou nos capacités d’exportations alors que nos principaux partenaires ne font plus de bénéfices et que leurs marchés se rétrécissent constamment limitant les chances de l’Egypte comme d’autres pays d’augmenter ses exportations. Et que de l’autre côté, le gonflement de la dette est évident », commente Adly, s’interrogeant sur le taux de croissance possible en Egypte, alors qu’il a baissé de 6 % en Chine.
L’accord avec le FMI ouvre en tout cas la porte à une dévaluation de la livre prévue dans un très court délai. « Il vaut mieux que la signature de l’accord avec le FMI précède la dévaluation, afin d’assurer une source de devises et freiner le marché noir », dit Mohamad Abou-Basha, économiste auprès de EFG-Hermes. En mars dernier, la BCE a procédé à une dévaluation du taux de change officiel de 14 % en une journée afin de réduire le fossé entre le taux de change officiel et celui du marché noir. Or, ce dernier a poursuivi sa progression pour dépasser les 12,5 L.E. Le dollar sur le marché noir, après l’annonce du prêt avec le FMI, a fléchi à 10 L.E.
L’Egypte et le FMI
— En décembre 1945, l’Egypte rejoint le FMI avec un apport d’environ 1,5 milliard de dollars.
— En 1977, l’Egypte a recours à un emprunt au FMI pour la première fois de son histoire sous l’ancien président Anouar Al-Sadate. Le montant du prêt est de 185,7 millions de dollars et vise à résoudre le problème des arriérés de paiements.
— En 1991, l’Egypte a recours à nouveau au fonds du temps de l’ancien président Hosni Moubarak, sous le cabinet de Atef Sedqi. Elle réclame une somme de 375,2 millions de dollars pour combler le déficit commercial.
— En 1996, l’Egypte a recours au fonds pour la troisième fois. Elle demande un prêt de 434,4 millions de dollars, mais le gouvernement ne reçoit pas ce prêt pour des raisons internes et son incapacité à rembourser.
— En 2011, après la révolution du 25 janvier, le gouvernement de Kamal Al-Ganzouri annonce son intention de s’adresser au FMI pour un nouvel emprunt, mais le parlement rejette cette décision.
— En 2012, après l’élection du président islamiste Mohamad Morsi, le cabinet de Hicham Qandil approuve un prêt d’une valeur de 3,2 milliards de dollars, revu à la hausse à 4,7 milliards de dollars, mais le prêt n’a finalement pas été conclu et l’idée a été totalement rejetée.
— En 2015, le gouvernement échoue à trois reprises à obtenir un prêt au FMI. Finalement, il présente la semaine dernière une demande d’octroi d’un nouveau prêt.
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