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La TVA pour booster les recettes fiscales

Marwa Hussein, Jeudi, 28 juillet 2016

La taxe sur la valeur ajoutée doit finalement être appliquée au cours de l’exercice fiscal actuel. L’objectif est de réduire le déficit budgétaire, mais son impact sur l’inflation alimente les craintes.

La TVA pour booster les recettes fiscales
Plusieurs produits de base sont exemptés de la TVA, alors qu'une taxe de 1 % est imposée sur les huiles. (Photo : Reuters)

Le projet de loi de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA), en discussion dans les couloirs du ministère des Finances depuis 2007, est actuel­lement débattu au parlement. Une fois la TVA approuvée, les consom­mateurs d’Egypte paieront plus cher les produits et surtout les services, jusqu’à présent exemptés en majori­té de la taxe sur les ventes. Seuls 17 services sont actuellement soumis à la taxe sur les ventes. Cette dernière doit être remplacée par la TVA qui sera appliquée sur tous les biens et services sauf quelques exceptions, comme les laits pour enfants, le pain et certains produits alimentaires. Alors que les services exemptés seront ceux des bibliothèques, musées, arts et médias, services agri­coles, syndicats et ONG, ainsi que les services des pompes funèbres.

Parmi les nouveaux services sou­mis à la loi il y aura les écoles et universités internationales, les ser­vices de conseil, de comptabilité, les services légaux ... Bref, toutes les professions libérales sauf les médecins. « Ce n’est pas une nou­velle taxe, il s’agit d’étendre la taxe à des services exemptés comme les centres de beauté et les services de conseils et d’autres services non utilisés par les classes les plus pauvres. Alors que ceux qui consom­ment davantage assument donc le fardeau de la taxe », dit Amr El-Monayer, vice-ministre pour les politiques fiscales auprès du minis­tère des Finances.

En plus de généraliser la taxe sur les ventes introduite au début des années 1990, le nouveau projet de loi élève aussi son taux. La loi actuelle impose une taxe sur les ventes de 10 % en général, à l’exception de certains produits comme les médica­ments, soumis à une taxe de 5 %, ou les boissons alcoolisées et les ciga­rettes, soumises à une taxe de 200 et 100 % respectivement. Le ministère des Finances propose d’élever la taxe générale à 14 %, celle sur les boissons alcoolisées à 250 %, sans préciser la TVA sur le tabac pour ne pas influencer le marché et inciter le marché noir avant la promulgation de la loi. La taxe sur les services de téléphone portable passera de 15 % actuellement à 21 ou 22 %, alors que les services Internet des lignes fixes seront épargnés de la taxe pendant un an. En parallèle, certains produits non taxés ou soumis à une taxe quan­titative comme les huiles alimen­taires seront soumis à une taxe de 1 % contre 37,4 L.E. la tonne d’huile non subventionnée et aucune taxe pour les huiles subventionnées. Le thé et le sucre, actuellement taxés, seront exemptés.

« Il existe deux écoles de taxation : la première propose un taux bas de la taxe en la généralisant et limitant les exemptions. Ce système plus moderne est appliqué dans les pays asiatiques. Alors que l’autre modèle propose une taxe plus élevée en introduisant plus d’exemption comme au Royaume-Uni », dit Amr El-Monayer. « Nous avons opté pour le deuxième choix étant donné les conditions sociales de l’Egypte », poursuit-il. El-Monayer explique que cela permet d’exempter les biens et services consommés par les classes démunies, leur offrant une protection sociale. « Même si les taxes directes comme la TVA sont injustes, nous avons construit le sys­tème de façon juste », défend-il. Les taxes sur la consommation sont considérées dans les théories écono­miques comme des taxes régressives mettant plus de pression sur les pauvres. « C’est vrai que le gouver­nement essaye de réduire l’impact social en exemptant les produits de base, mais cela n’empêche que la taxation de la consommation accroît le fardeau sur les consommateurs et n’accomplit pas la justice sociale. Elle aura, sans doute, un impact inflationniste », dit Amr Adly, cher­cheur non résident au Centre Carnegie Middle-East.

Selon Adly, cette approche consis­tant à recourir à des taxes indirectes est commune dans les pays à revenus bas et moyens. « Ces pays comme l’Egypte ne possèdent pas les capa­cités propices pour collecter l’impôt sur le revenu à cause du manque d’informations sur les revenus du secteur privé dont une partie impor­tante est informelle », explique-t-il, soulignant l’importance de moderni­ser l’administration de la collecte d’impôts. Un projet que le ministère des Finances évoque depuis plu­sieurs années sans cependant prendre de mesures concrètes. En consé­quence, les revenus fiscaux en Egypte sont les plus bas par rapport au PIB.

Réduire les dépenses

L’objectif principal du gouverne­ment est de réduire le déficit budgé­taire chronique de l’Etat qui ne cesse de croître. Pour y parvenir, il cherche à réduire les dépenses en baissant les subventions, ainsi qu’en augmentant les revenus à travers les taxes. La baisse des subventions et la TVA figurent sur la liste du Fonds Monétaire International (FMI) pour la consolidation fiscale. Le gouver­nement, en manque de devises, cherche à signer un accord de finan­cement avec l’institution internatio­nale, ce qui explique sa hâte à pro­mulguer la loi. « Le gouvernement a opté pour la solution néoclassique encouragée par le FMI dans des dizaines de pays depuis des dizaines d’années », indique Amr Adly. « La théorie soutenant cette approche est que les investissements pourraient quitter des pays à bas et moyens revenus s’ils augmentent l’impôt sur le revenu. En plus, la collecte des taxes sur la consommation est moins coûteuse au niveau de l’administra­tion fiscale et politique, car elles ne ciblent pas un groupe spécifique », détaille Amr Adly. Il comprend cependant que les solutions opti­males théoriques ne sont pas tou­jours les plus pratiques. Il estime quand même que la taxation des propriétés, surtout immobilières, et des richesses est une priorité dans ce contexte. « Ces taxes n’affectent cer­tainement ni l’investissement ni la consommation », ajoute-t-il.

L’introduction de la TVA au parle­ment a été reportée à plusieurs reprises pour des raisons socioéco­nomiques. Entre 2013/14 et 2015/16, les recettes fiscales dans le budget étatique ont été calculées en se basant sur l’imposition de la nou­velle taxe. Aujourd’hui, bien que la situation économique soit plus com­pliquée et les pressions socioécono­miques plus graves, le gouverne­ment a opté pour sa mise en vigueur. « Quel serait le moment propice pour décider de nouvelles taxes ? En période de prospérité, les gou­vernements n’ont vraiment pas besoin de plus de taxes mais l’im­portance des revenus fiscaux s’ac­centue avec l’élargissement du défi­cit budgétaire », estime Amr El-Monayer. Il explique que le gou­vernement est face à deux choix : s’endetter davantage ou accroître ses recettes fiscales. « Le creuse­ment du déficit se traduira par une hausse de l’inflation et donc une baisse de la consommation. Par contre, le marché s’ajustera aux nouveaux prix après un moment », ajoute-t-il, estimant que l’impact inflationniste sera inférieur à celui du creusement du déficit, de l’en­dettement et à l’impression de la monnaie. Il rappelle que le taux de la TVA en Egypte est inférieur à la moyenne internationale de 20 % en Europe, et de 15 % en Afrique. Le ministère des Finances avait prévu une hausse de l’inflation entre 1 et 3 % en conséquence de la TVA. « L’inflation augmente tous les jours à cause de la hausse du taux de change », précise aussi Mohamed El-Bahey, du conseil d’administra­tion de la Fédération des industries égyptiennes. Le ministre des Finances prévoit que la TVA rap­portera au Trésor 172,3 milliards de L.E. (19 milliards de dollars) en 2016/17 représentant 40 % des revenus fiscaux, contre 122 mil­liards de L.E. (14 milliards de dol­lars) de revenus de la taxe sur les ventes prévus pour 2015/16.

Soutien à la loi

La Fédération des industries, prin­cipale rassemblement d’hommes d’affaires en Egypte, a annoncé son soutien à la promulgation de cette loi. « Nous soutenons la loi, car elle généralise la facturation. En outre, elle permet d’inclure les dépenses indirectes dans son calcul », explique El-Bahey. Cela change la logique de collecte de la taxe en Egypte. Auparavant, le fisc prenait en compte seulement les dépenses directes dans la production d’un article comme les matières premières ou les équipements, mais pas les dépenses totales de l’entreprise comme les salaires. « Cela réduit considérablement la somme sur laquelle la taxe est calculée en com­paraison avec la méthode actuelle de calcul, ce qui réduira la fraude fiscale », estime El-Bahey. Il estime que la TVA est plus juste que la taxe sur les ventes. « Les chaînes de fast-food paient la taxe sur les ventes seulement sur les magasins localisés dans les endroits touristiques, alors que les prix sont les mêmes dans tous les restaurants », élabore-t-il.

Dans la loi en débat, le gouverne­ment a élevé le taux d’exemption pour les sociétés à 500 000 L.E. par an. Dans la loi en application, les sociétés au chiffre d’affaires de plus de 54 000 L.E. sont censées présen­ter des factures. « Cela épargnera un grand nombre de petits commerçants et d'entreprises dont les clients sont en majorité issus des classes plus pauvres », dit Amr El-Monayer. La hausse du niveau d’exemption faci­lite, en outre, le travail du fisc. « Scruter les factures des petits com­merçants dans les petites ruelles pour en tirer des petites sommes est non économique », estime Amr Adly, jugeant la décision bien placée. Ce sont les importants hommes d’af­faires de la Fédération des industries qui la contestent. « Cela va réduire la base des contribuables et donc le revenu de la TVA », dit El-Bahey. « Cela est l’un des outils pour allé­ger le fardeau des plus pauvres », renchérit El-Monayer.

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