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La hausse du dollar alimente l’inflation

Marwa Hussein, Lundi, 18 juillet 2016

Avec un taux de 14,8 %, l'inflation a atteint en juin son niveau le plus élevé depuis 30 mois. Cette hausse est due à la flambée du dollar sur le marché noir. L'augmentation annoncée des prix de l'électricité et l'application prochaine de la TVA ne risquent pas d'inverser la tendance.

La hausse du dollar alimente l’inflation
Les prix des aliments sont montés en juin. (Photo:Reuters)

Le taux d’inflation annuel a atteint 14,8 % en juin, contre 12,9 % en mai, son niveau le plus haut depuis 30 mois. L’Organisme central de mobilisation et des statistiques (CAPMAS) a attribué le niveau élevé de l’inflation à la montée des prix des aliments et des boissons, qui connais­sent une hausse annuelle de 18,4 %, ainsi que l’augmentation des prix des soins médicaux de 32 % au cours de la même période. L’inflation de base, qui exclut les articles à prix volatiles comme les fruits et les légumes, a augmenté elle aussi de 12,37 % en juin contre 12,23 % en mai selon la Banque Centrale d’Egypte (BCE). C’est son niveau le plus élevé depuis février 2009. Comment expliquer une telle hausse ? Tout d’abord, il y a eu le Ramadan, le mois du jeûne durant lequel les prix des produits alimen­taires ont tendance à augmenter. Mais il y a également un autre facteur. Selon les économistes, la hausse de l’inflation qui persiste pour le troi­sième mois consécutif est également alimentée par la hausse continue du prix du dollar face à la livre égyp­tienne. Actuellement, le dollar s’échange à plus de 11,30 L.E. sur le marché noir, alors que son prix offi­ciel est fixé à seulement 8,8 L.E.

Le 12 juin, la BCE a maintenu le taux de change officiel, dans les enchères régulières du billet vert, au cours desquelles la BCE a vendu 118,6 millions de dollars pour l’im­portation de produits de base, et ce, contre toute attente. « Les déclara­tions du gouverneur de la Banque Centrale la semaine dernière laissent entendre que le taux de change serait flexible. Nous nous attendons à de nombreuses décisions au cours des six prochains mois », a déclaré à l’Hebdo Mohamad Abou-Basha, économiste auprès de la banque d’investissement EFG-Hermes. Il prévoit que le taux d’inflation va connaître d’autres hausses dans l’avenir proche.

Flambée des prix
Le gouverneur de la Banque Centrale, Tareq Amer, pour sa part, à travers des déclarations au quotidien économique Al-Mal, a insinué qu’il pourrait bien dévaluer la livre. « Cela ne me plaît pas que le taux de change soit fixe, alors que les usines n’opè­rent pas. Je prendrai les décisions que je trouverai correctes et assumerai la responsabilité », a-t-il déclaré, ajou­tant que la politique de la banque qui vise à stabiliser le taux de change est une faute grave qui a coûté à l’Etat des milliards de dollars au cours des cinq dernières années. « Les taux de change irréels sont l’équivalent de subventions indirectes pour tous ceux qui vivent en Egypte, y compris les riches. En plus, la hausse du taux de change de la livre renforce la compé­titivité des produits locaux, ce qui par conséquent fait augmenter les expor­tations », souligne-t-il. Amer a révélé que la BCE a reçu 22,5 milliards de dollars dans les cinq dernières années, dont une grande partie a été utilisée pour maintenir le taux de change. Des économistes et des parlementaires ont critiqué les déclarations du gouver­neur de la banque, l’accusant de pro­voquer davantage la hausse du dollar sur le marché noir.

En mars dernier, la Banque Centrale a procédé à une dévaluation du taux de change officiel de 14 % en une journée. La banque d’investissement américaine JP Morgan a prévu ensuite que la livre égyptienne allait connaître en 2016 une dévaluation de 35 %, celle du mois de mars incluse. La Banque Centrale, dont le mandat prin­cipal est de contrôler l’inflation, a pour sa part déclaré qu’elle visait par la dévaluation à réduire le fossé entre le taux de change officiel et celui du marché noir. Or, ce dernier poursuit sa montée. « L’objectif n’a pas été atteint, car il y avait un manque de liquidités en devises. En outre, la dévaluation a été accompagnée par l’annulation du taux de dépôts de dollars dans les banques, ce qui a élevé la demande sur le dollar et donc son prix sur le marché noir », explique Mohamad Abou-Basha, ajoutant que tant que les réserves de devises sont basses, le marché noir prendra le des­sus.

Pour contrer l’inflation résultant de la hausse du taux de change, la BCE a élevé le 16 juin les taux d’intérêt directeurs d'un point, encore une fois contre les prévisions de plusieurs éco­nomistes qui estimaient que la fixa­tion des taux d’intérêt est nécessaire pour ne pas accroître la dette exté­rieure.

Hausse de l’électricité et TVA
La dévaluation de la monnaie locale, dans un pays nettement impor­tateur, est le facteur principal nourris­sant la hausse de l’inflation. Or, ce n’est pas le seul facteur. La hausse prévue des prix de l’électricité sera un facteur supplémentaire qui contribue­rait à la hausse de l’inflation. Le ministre de l’Electricité, Mohamad Chaker, a déclaré la semaine dernière que le Cabinet des ministres approu­vera dans quelques jours les nou­veaux tarifs pour la consommation d’électricité, déclarant que la hausse pour les trois tranches de consomma­tion les plus basses sera légère, alors que celle des tranches supérieures sera un peu plus élevée. La hausse du taux de change, ayant alourdi la fac­ture des subventions à l’énergie ainsi que le coût de nombreux projets de génération d’électricité financés par le gouvernement, justifierait cette déci­sion.

Autre facteur qui influencerait le taux d’inflation pourrait être l’appli­cation de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA). Le projet de cette loi, remis à plusieurs reprises, vient d’être pré­senté au parlement, et la commission du plan et du budget de ce dernier a commencé à le débattre cette semaine. Le ministère des Finances avait solli­cité l’expertise du Fonds Monétaire International (FMI) dans l’élaboration de ce projet de loi. La TVA est censée remplacer la taxe sur les ventes appli­quée depuis 1991 sur de nombreux articles et sur un nombre plus limité de services. « L’impact de la TVA sur l’inflation n'est toujours pas clair. Il pourrait l’augmenter de 1 %. Mais tout dépendra du taux de taxe et de la liste des produits exemptés de cette taxe », estime Abou-Basha. JP Morgan et Abou-Basha estiment que le gouvernement signera prochaine­ment un accord avec le FMI. L’institution financière internationale réclame un engagement de la part du gouvernement pour appliquer le pro­gramme de réforme fiscale qui inclut une réduction des subventions et l’ap­plication de la TVA. « Il vaut mieux que la signature de l’accord avec le Fonds monétaire précède la dévalua­tion, afin d’assurer une source de devises et freiner le marché noir », ajoute Abou-Basha. Le crédit du FMI, soutenu par les économistes libéraux, avait été rejeté par une grande partie de l’opinion publique ainsi que par l’opposition il y a quelques années. Mais depuis, cette dernière s’exprime moins sur le sujet. Ce qui laisse pen­ser qu’un accord avec le FMI pourrait bien voir le jour.

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