Les prix des aliments sont montés en juin.
(Photo:Reuters)
Le taux d’inflation annuel a atteint 14,8 % en juin, contre 12,9 % en mai, son niveau le plus haut depuis 30 mois. L’Organisme central de mobilisation et des statistiques (CAPMAS) a attribué le niveau élevé de l’inflation à la montée des prix des aliments et des boissons, qui connaissent une hausse annuelle de 18,4 %, ainsi que l’augmentation des prix des soins médicaux de 32 % au cours de la même période. L’inflation de base, qui exclut les articles à prix volatiles comme les fruits et les légumes, a augmenté elle aussi de 12,37 % en juin contre 12,23 % en mai selon la Banque Centrale d’Egypte (BCE). C’est son niveau le plus élevé depuis février 2009. Comment expliquer une telle hausse ? Tout d’abord, il y a eu le Ramadan, le mois du jeûne durant lequel les prix des produits alimentaires ont tendance à augmenter. Mais il y a également un autre facteur. Selon les économistes, la hausse de l’inflation qui persiste pour le troisième mois consécutif est également alimentée par la hausse continue du prix du dollar face à la livre égyptienne. Actuellement, le dollar s’échange à plus de 11,30 L.E. sur le marché noir, alors que son prix officiel est fixé à seulement 8,8 L.E.
Le 12 juin, la BCE a maintenu le taux de change officiel, dans les enchères régulières du billet vert, au cours desquelles la BCE a vendu 118,6 millions de dollars pour l’importation de produits de base, et ce, contre toute attente. « Les déclarations du gouverneur de la Banque Centrale la semaine dernière laissent entendre que le taux de change serait flexible. Nous nous attendons à de nombreuses décisions au cours des six prochains mois », a déclaré à l’Hebdo Mohamad Abou-Basha, économiste auprès de la banque d’investissement EFG-Hermes. Il prévoit que le taux d’inflation va connaître d’autres hausses dans l’avenir proche.
Flambée des prix
Le gouverneur de la Banque Centrale, Tareq Amer, pour sa part, à travers des déclarations au quotidien économique Al-Mal, a insinué qu’il pourrait bien dévaluer la livre. « Cela ne me plaît pas que le taux de change soit fixe, alors que les usines n’opèrent pas. Je prendrai les décisions que je trouverai correctes et assumerai la responsabilité », a-t-il déclaré, ajoutant que la politique de la banque qui vise à stabiliser le taux de change est une faute grave qui a coûté à l’Etat des milliards de dollars au cours des cinq dernières années. « Les taux de change irréels sont l’équivalent de subventions indirectes pour tous ceux qui vivent en Egypte, y compris les riches. En plus, la hausse du taux de change de la livre renforce la compétitivité des produits locaux, ce qui par conséquent fait augmenter les exportations », souligne-t-il. Amer a révélé que la BCE a reçu 22,5 milliards de dollars dans les cinq dernières années, dont une grande partie a été utilisée pour maintenir le taux de change. Des économistes et des parlementaires ont critiqué les déclarations du gouverneur de la banque, l’accusant de provoquer davantage la hausse du dollar sur le marché noir.
En mars dernier, la Banque Centrale a procédé à une dévaluation du taux de change officiel de 14 % en une journée. La banque d’investissement américaine JP Morgan a prévu ensuite que la livre égyptienne allait connaître en 2016 une dévaluation de 35 %, celle du mois de mars incluse. La Banque Centrale, dont le mandat principal est de contrôler l’inflation, a pour sa part déclaré qu’elle visait par la dévaluation à réduire le fossé entre le taux de change officiel et celui du marché noir. Or, ce dernier poursuit sa montée. « L’objectif n’a pas été atteint, car il y avait un manque de liquidités en devises. En outre, la dévaluation a été accompagnée par l’annulation du taux de dépôts de dollars dans les banques, ce qui a élevé la demande sur le dollar et donc son prix sur le marché noir », explique Mohamad Abou-Basha, ajoutant que tant que les réserves de devises sont basses, le marché noir prendra le dessus.
Pour contrer l’inflation résultant de la hausse du taux de change, la BCE a élevé le 16 juin les taux d’intérêt directeurs d'un point, encore une fois contre les prévisions de plusieurs économistes qui estimaient que la fixation des taux d’intérêt est nécessaire pour ne pas accroître la dette extérieure.
Hausse de l’électricité et TVA
La dévaluation de la monnaie locale, dans un pays nettement importateur, est le facteur principal nourrissant la hausse de l’inflation. Or, ce n’est pas le seul facteur. La hausse prévue des prix de l’électricité sera un facteur supplémentaire qui contribuerait à la hausse de l’inflation. Le ministre de l’Electricité, Mohamad Chaker, a déclaré la semaine dernière que le Cabinet des ministres approuvera dans quelques jours les nouveaux tarifs pour la consommation d’électricité, déclarant que la hausse pour les trois tranches de consommation les plus basses sera légère, alors que celle des tranches supérieures sera un peu plus élevée. La hausse du taux de change, ayant alourdi la facture des subventions à l’énergie ainsi que le coût de nombreux projets de génération d’électricité financés par le gouvernement, justifierait cette décision.
Autre facteur qui influencerait le taux d’inflation pourrait être l’application de la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA). Le projet de cette loi, remis à plusieurs reprises, vient d’être présenté au parlement, et la commission du plan et du budget de ce dernier a commencé à le débattre cette semaine. Le ministère des Finances avait sollicité l’expertise du Fonds Monétaire International (FMI) dans l’élaboration de ce projet de loi. La TVA est censée remplacer la taxe sur les ventes appliquée depuis 1991 sur de nombreux articles et sur un nombre plus limité de services. « L’impact de la TVA sur l’inflation n'est toujours pas clair. Il pourrait l’augmenter de 1 %. Mais tout dépendra du taux de taxe et de la liste des produits exemptés de cette taxe », estime Abou-Basha. JP Morgan et Abou-Basha estiment que le gouvernement signera prochainement un accord avec le FMI. L’institution financière internationale réclame un engagement de la part du gouvernement pour appliquer le programme de réforme fiscale qui inclut une réduction des subventions et l’application de la TVA. « Il vaut mieux que la signature de l’accord avec le Fonds monétaire précède la dévaluation, afin d’assurer une source de devises et freiner le marché noir », ajoute Abou-Basha. Le crédit du FMI, soutenu par les économistes libéraux, avait été rejeté par une grande partie de l’opinion publique ainsi que par l’opposition il y a quelques années. Mais depuis, cette dernière s’exprime moins sur le sujet. Ce qui laisse penser qu’un accord avec le FMI pourrait bien voir le jour.
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