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Une bureaucratie toujours aussi contreproductive

Névine Kamel, Lundi, 16 mai 2016

Lors de leur réunion annuelle à New York, les représentants de la communauté égyptienne aux Etats-Unis se sont plaints de la bureaucratie gouvernementale qui entrave
leurs investissements en Egypte.

Une bureaucratie toujours aussi contreproductive
Nasser Saber et Hossam Maqsoud à la réunion de la communauté.
De notre envoyée spéciale —

Créer un comité regroupant des représentants de la communauté égyptienne aux Etats-Unis pour servir de lien entre le gouvernement égyptien et les hommes d’affaires aux Etats-Unis. C’est le résultat de la réunion annuelle de la communauté tenue la semaine dernière à New York, aux Etats-Unis.

Il s’agit en fait d’élaborer une liste de projets susceptibles d’intéresser les hommes d’affaires américains ou égyptiens résidant aux Etats-Unis pour la période à venir, et convenir des moyens à mettre sur place. La liste des membres de ce comité sera annoncée le 8 juin. « En tant qu’investisseurs, nous avons des idées et des projets capables de générer des dollars sur le marché égyptien et de relancer l’économie, mais malheureusement, personne ne nous écoute », a expliqué le président de la communauté égyptienne, Nasser Saber, lors de la session inaugurale de la réunion. « Plusieurs membres de la communauté veulent contribuer aux projets nationaux lancés par le gouvernement, mais ne savent pas à qui s’adresser », ajoute-t-il.

Crise du dollar et baisse du tourisme

La communauté égyptienne aux Etats-Unis a tenu sa réunion annuelle cette année sous le thème « Allons investir ». Les membres ont discuté des obstacles entravant les investissements en Egypte. La crise du dollar constitue l’un des problèmes essentiels auxquels est confronté le gouvernement égyptien. Une crise qui s’est aggravée avec la baisse des revenus du tourisme, du Canal de Suez et de l’Investissement étranger direct. Or, comme l’explique Saber, le secteur du tourisme nécessite un peu de temps avant de se redresser, sans compter que la récession du commerce mondial affecte les revenus du Canal. « L’investissement direct est le mot-clé pour la relance économique au cours de la période à venir, et la communauté égyptienne aux Etats-Unis est prête à investir en Egypte. Permettre aux Egyptiens à l’étranger de contribuer à l’investissement étranger en Egypte est le moyen le plus sûr de mettre le pays sur la carte de l’investissement international, et par conséquent, pallier le manque du dollar », estime-t-il.

Cette crise du dollar, qui existe depuis la révolution du 25 janvier 2011, a mené à une hausse du billet vert d’environ 35 % vis-à-vis de la L.E., pour s’aligner actuellement à 8,95 L.E. pour un dollar. Ce manque de dollar a freiné les investissements étrangers et a engendré une chute des réserves du pays en devises étrangères. « N’est-il pas normal que dans de telles circonstances, le pays facilite le climat d’investissement de façon à encourager les Egyptiens à l’étranger à apporter des devises étrangères sur le marché égyptien plutôt que de s’endetter auprès des institutions internationales ? Est-ce normal d’entraver tous les projets que présentent les investisseurs égyptiens ? », déplore Hossam Maqsoud, président de l’Organisation des Egyptiens-Américains et PDG d’une entreprise américaine. Il ajoute : « Nous sommes bien accueillis seulement quand il s’agit de mettre en place des certificats en dollars ou en euros ». Le gouvernement avait effectivement lancé, il y a un mois, des certificats en dollars et en euros avec des taux d’intérêts élevés réservés aux Egyptiens résidant à l’étranger, pour les encourager à transférer des devises étrangères dans le pays.

Des projets en suspens

La bureaucratie est la cause principale de la suspension d’une liste de projets qui auraient pu générer des milliards de dollars à l’Egypte. Mickel Leo, conseiller fiscal aux Etats-Unis, raconte son expérience avec le gouvernement égyptien. Il a décidé d’investir dans le projet immobilier lancé par le gouvernement sous le nom « La maison de la nation ». « Le ministère du Logement a décidé de fournir des terrains aux investisseurs, et je me suis présenté. J’ai dû payer 100 000 dollars en mars 2015, en guise d’acompte pour acheter le terrain en question. Normalement, j’aurais dû recevoir le terrain et payer encore 100 000 dollars. Or, jusqu’à présent, on ne m’a toujours pas remis le terrain. Je suis même allé plusieurs fois en Egypte pour rencontrer les responsables, mais en vain. C’est la bureaucratie. Est-il logique que de telles complications existent alors que l’Etat a besoin de dollars et d’investissements ? », se demande Leo. Il n’est d’ailleurs pas le seul à être confronté à de tels obstacles. Un bon nombre de membres de la communauté égyptienne aux Etats-Unis souffrent de cette bureaucratie.

Une longue liste de projets n’a pas pu voir le jour à cause de cette bureaucratie. Le cas d’Ahmad Abdel-Fadil, médecin, qui avait présenté, 2 ans auparavant, au gouvernement égyptien un projet qui consiste à créer une « cité médicale » est également frappant. Cette « cité médicale » était censée offrir des services médicaux d’une qualité supérieure ainsi qu’améliorer la performance des médecins. « Le gouvernement, après avoir salué l’idée, nous a complètement ignorés », explique-t-il. Et la liste des déceptions est encore longue.

Hossam Maqsoud, président de la communauté égyptienne aux Etats-Unis, lui aussi n’est pas parvenu à organiser une conférence économique en Egypte, regroupant des hommes d’affaires américains, et égyptiens vivant aux Etats-Unis, et des responsables égyptiens. Son but était d’ouvrir la porte à des partenariats bilatéraux pour relancer l’économie du pays. Il avait pourtant généré 18 millions de dollars depuis 5 ans pour exécuter un projet agricole à Béni-Soueif, pour la bonification de 10 000 feddans. Mais le projet n’a pas vu le jour jusqu’à maintenant. « Nous avons acheté le feddan à 50 L.E. et nous avons remboursé le prix total de la transaction. Ensuite, le gouvernement, après avoir cultivé le terrain désertique, nous a demandé de rembourser 60 000 L.E. pour chaque feddan. Est-ce normal ? », se demande-t-il, déplorant le fait que le système judiciaire en Egypte ne parvient pas jusqu’à présent à trancher l’affaire et à résoudre le problème. Les plaintes des investisseurs semblent être légitimes, puisqu’un haut responsable à l’ambassade d’Egypte à Washington le reconnaît. « Le gouvernement doit faciliter les procédures d’investissement et doit mettre à jour les projets présentés par les hommes d’affaires égyptiens aux Etats-Unis. Il est grand temps de coopérer », conclut-il.

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