Sur des centaines de mètres, camions, tracteurs et microbus attendent de faire le plein. «
Ça fait 6 heures que j’attends ! », s’insurge Mahmoud, chauffeur de microbus faisant la queue dans la ville du 6 Octobre, à l’ouest du Caire. «
La dernière fois, il m’a fallu une journée pour trouver du gasoil et enfin pouvoir travailler ! », vocifère un autre chauffeur.
Dans un autre microbus, et devant la même station, 14 passagères attendent avec le chauffeur depuis une heure pour pouvoir faire le plein avant de rentrer dans leur petit village de Guiza, après une journée passée à faire des démarches administratives. Outre le temps perdu, les chauffeurs se plaignent de l’apparition d’un marché noir du gasoil où le litre est vendu au prix double. Plusieurs d’entre eux affirment avoir acheté un jerrican de 20 litres entre 40 et 50 L.E. contre 20 L.E. en temps normal.
Avec ces tensions, les bagarres devant les stations sont devenues courantes. « Le parebrise de mon camion a été brisé hier lors d’une bagarre à coups de bâton dans une station », raconte un chauffeur. A proximité d’une petite station dans la rue Ramsès au centre du Caire, un véhicule de police est garé pour empêcher ces bagarres entre chauffeurs de microbus qui forment l’unique clientèle de la station.
Le gouvernement, pour sa part, n’a pas donné d’explication à la crise, devenue un phénomène fréquent. « Nos approvisionnements aux distributeurs n’ont pas cessé, c’est l’inquiétude des gens qui les pousse à faire la queue devant les stations », commente Chérif Hadara, président de l’Organisme général du pétrole. Il nie les rumeurs selon lesquelles le manque de devises du gouvernement est à l’origine de cette crise.
L’Egypte importe quelque 40 % de sa consommation en gasoil. Le responsable de l’approvisionnement en carburant pour la région de Guiza chez un grand pétrolier affirme que sa société reçoit des quantités régulières. Il explique que les queues devant les stations de sa compagnie s’expliquent par le manque de gasoil dans d’autres quartiers.
Dans le quartier populaire de Warraq, à la périphérie du Caire, sur cinq station visitées par l’Hebdo, toutes étaient en pénurie de gasoil. « Je reçois moins de la moitié de la quantité que je reçois habituellement », affirme Moustapha Al-Tahan, propriétaire d’une station Shell à Warraq. Il rapporte recevoir de 12 000 à 30 000 litres par jour contre 45 000 à 60 000 avant la crise.
50 milliards de L.E. de subventions annuelles
Cette pénurie intervient à un moment où le gouvernement est pressé de réduire les subventions au gasoil. Celles-ci coûtent annuellement au budget de l’Etat quelque 50 milliards de L.E. (près de 7 milliards de dollars), soit plus de 40 % du total des subventions à l’énergie. La semaine dernière, le ministre de la Planification et de la Coopération internationale, Achraf Al-Arabi, a déclaré dans un colloque que le gouvernement lèverait les subventions au gasoil allouées au secteur de l’hôtellerie et à la restauration en mai prochain.
Dans le secteur du tourisme par exemple, plusieurs investisseurs souffrent des répercussions de l’instabilité politique et expriment leur mécontentement. « Dans les conditions actuelles, notre seul atout est la baisse des prix. Une hausse du prix des tours en raison d’une hausse du carburant serait fatale sur la profitabilité du secteur », dit Mohamad Fathi, propriétaire de la compagnie Visit Egypt.
Il explique qu’en plus, les prix des tours touristiques de novembre 2013 sont annoncés en février et que les réservations sont déjà faites. « Annoncer des hausses des prix maintenant signifierait des annulations de voyages. Sinon, ce serait aux sociétés égyptiennes d’assumer la différence de prix, ce qui serait très difficile dans les conditions actuelles », ajoute-t-il.
Instaurer
un système de coupons
Le quotidien Al-Shorouk révèle que, selon un responsable du ministère du Pétrole qui a requis l’anonymat, le gouvernement cherche à couper les subventions au gasoil en appliquant un système de coupons similaire à celui en cours d’élaboration pour l’essence (voir page 15).
Selon la même source, chaque véhicule aura droit à un maximum de 10 000 litres de gasoil subventionné par an. Au-delà, il devra payer le prix du marché, soit plus que 3 L.E. le litre contre 1,10 actuellement. Aucune source n’a toutefois ni confirmé, ni nié cette information.
Si Chérif Hadara, président de l’Organisme général du pétrole, s’occupe de la partie technique du dossier, mettre fin aux subventions est une question politique qui revient au ministère du Pétrole. « Le ministère m’a demandé d’étudier trois alternatives visant à diminuer les subventions. La première, à travers une réduction graduelle de 10 % par an. La deuxième, en limitant les subventions à certaines tranches sociales et enfin en les remplaçant par une subvention en espèces », explique-t-il. Hadara exclut cependant que les subventions au gasoil soient supprimées en mai prochain.
Par ailleurs, aucune annonce n’a été faite à propos des subventions au gasoil utilisé dans la production d’électricité qui représente l’aspect le plus important de la consommation.
Le gouvernement avait déjà suspendu en décembre 2012 une baisse des subventions et une hausse des impôts à cause de contestations sociales qu’elles avaient provoquées. Des économistes précisent que la baisse des subventions fait partie d’un programme économique élaboré par le gouvernement pour obtenir un financement de 4,8 milliards de dollars du FMI. Les détails de ce programme restent cependant obscurs. De quoi ouvrir la porte à des décisions impopulaires.
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