Le projet de budget 2016/2017 prévoit une croissance comprise entre 5 et 6 % du PIB contre 4,4 % pour l’année fiscale en cours. Un objectif du gouvernement égyptien qui apparaît comme trop optimiste pour les économistes. « Je crois que le chiffre est exagéré, les perspectives de croissance de l’économie mondiale sont modestes, sans oublier que l’Egypte souffre d’un manque de devises asphyxiant l’industrie et que le tourisme est encore dans le marasme depuis le crash de l’avion russe en octobre dernier », dit Amr Adly, chercheur au centre Carnegie Moyen-Orient. Il estime que le gouvernement cherche, à travers ces projections optimistes, à envoyer un message selon lequel il s’engage à réduire le déficit, afin d’attirer des investissements.
Achever l’année avec un taux de croissance inférieur aux prévisions et un déficit budgétaire bien supérieur ne serait pas étonnant, c’est presque une coutume des gouvernements en Egypte. Pour 2015/2016, le gouvernement égyptien avait réduit ses prévisions de croissance à moins de 4,5 % contre 5 % prévus initialement. En janvier, la Banque mondiale a même révisé à la baisse les prévisions de croissance pour l’Egypte à 3,8 %. Et les prévisions de la banque d’investissement EFG-Hermes pour l’année prochaine sont bien plus modestes que celles du gouvernement, avec 4,1 %. « Une reprise du tourisme pourrait nous inciter à réviser à la hausse les prévisions de croissance », dit Mohamad Abou-Basha, économiste chez EFG-Hermes. Il estime que l’amélioration des liquidités0 en devises étrangères est nécessaire pour atteindre les objectifs de croissance annoncés.
Pour atteindre l’objectif annoncé d’un PIB dépassant les 3 milliards de L.E. pour la première fois (3,3 milliards de L.E. exactement), le gouvernement doit attirer 530 milliards de L.E. d’investissements, soit 16,5 % du PIB conte 14,7 % prévus pour l’année en cours, selon Achraf Al-Arabi, ministre de la Planification. « La hausse des investissements, étrangers surtout, est liée à plusieurs facteurs, comme la reprise de l’économie mondiale, la création d’un environnement d’affaires en Egypte offrant moins de risques. Elle est aussi liées aux cours du pétrole, entre autres », explique de plus Amr Adly.
Le projet de budget prévoit un déficit de 9,9 % contre des projections de 11,5 % pour l’exercice en cours, a dévoilé Amr Al-Garhi, ministre des Finances, lors d’une conférence de presse commune à celle d’Al-Arabi. Cela contre 8,9 % prévus initialement pour l’exercice en cours. « Le gouvernement exagère les objectifs de croissance, afin d’accroître les prévisions de revenus, et donc réduire ceux du déficit. Mais en fin de l’exercice fiscal, le déficit sera supérieur aux prévisions », assure Amr Adly.
Empreint d’austérité
Visant surtout à réduire le déficit, le projet de budget de l’année 2016/2017 est empreint d’austérité, avec une hausse des dépenses étatiques de 13 % seulement, par rapport à l’exercice fiscal en cours, contre une hausse des recettes de plus de 20 %. « C’est la deuxième année consécutive que le budget est officiellement d’austérité », rappelle Amr Adly. Il prévoit des dépenses de 936 milliards de L.E. contre 829 milliards l’année passée.
La régression des cours internationaux du pétrole est un facteur-clé pour réduire les dépenses, leur baisse au cours de l’année passée a permis au gouvernement de contenir la facture des subventions à l’énergie sans élever les prix des carburants. Mais la récente dépréciation de la livre de 14,5 % pourrait accroître la facture l’année prochaine. D’autres dévaluations sont prévues au cours de l’année, puisque l’objectif de la Banque centrale est de rapprocher le taux de change officiel du dollar à son prix sur le marché noir.
Le budget 2016/2017 table sur un dollar à 9 L.E. et un baril de pétrole à 40 dollars. Une hausse du dollar pourrait bouleverser les prévisions du gouvernement et accroître le déficit budgétaire. Cela en conséquence d’une hausse du service de la dette extérieure, des subventions aux carburants et produits alimentaires dont une part considérable est importée.
Toujours au niveau des dépenses, le gouvernement espère contenir la facture des salaires qui représente plus du quart des dépenses étatiques. Celle-ci est prévue de connaître une maigre hausse de 10 milliards de L.E. à 228 milliards de L.E. contre 218 milliards de L.E. l’année en cours, soit une hausse de 5 %. Afin de limiter la hausse annuelle des salaires, le gouvernement a introduit la loi controversée sur la fonction publique. Celle-ci limite la prime annuelle des fonctionnaires à 5 %, remplaçant la prime sociale de 10 % qui étaient une coutume visant à alléger l’effet de l’inflation élevée en Egypte. La nouvelle loi facilite aussi le licenciement des fonctionnaires, autrefois presque inamovibles. « Les salaires réels vont connaître une baisse cette année à cause de l’inflation », explique Adly.
Taxe sur la valeur ajoutée
Les recettes, d’autre part, devraient atteindre 627 milliards de L.E., dont 434 milliards de L.E. de recettes fiscales. Cela contre des recettes de 520 milliards de L.E. en 2015/2016. Pour arriver à cet objectif, le gouvernement prévoit instaurer la Taxe sur la Valeur Ajoutée (TVA) lors de l’année fiscale à venir. Reportée à plusieurs reprises, elle devrait remplacer la loi sur les ventes. L’ancien ministre des Finances, Hani Qadri, a prévu que la TVA pourrait faire augmenter les recettes fiscales de 30 milliards de L.E. en un an. Le gouvernement compte introduire aussi des modifications sur la loi des douanes.
Autre source de hausse probable des recettes : la reprise du programme de privatisation en suspens depuis plusieurs années. Le gouvernement a annoncé qu’il vendrait des parts de sociétés publiques d’assurance. Le gouverneur de la Banque Centrale, Tareq Amer, a déclaré dans une interview télévisée que le gouvernement a aussi l’intention de lancer en Bourse des parts de deux banques publiques. United Bank, qui est aussi publique, sera d’abord cédée à un investisseur stratégique avant la fin de l’année. Tandis que pour la Banque du Caire, 20 % du capital sera lancé en Bourse. L'African Arab Bank, dont le capital est divisé à parts égales entre l’Egypte et le Koweït, lancera également 40 % de ses actions (20 % pour chaque partenaires) en Bourse .
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