Al-Sissi à l'inauguration du Comessa.
(Photo:Reuters)
Les facilités offertes par les accords de libre-échange africains ne semblent pas être suffisantes pour promouvoir les échanges commerciaux et les investissements entre les 20 pays membres du Marché commun de l’Afrique orientale et australe (Comesa). Une réalité qui n’a pas échappé aux responsables et investisseurs africains réunis à Charm Al-Cheikh, les 20 et 21 février lors de la conférence Africa 2016, Business for Africa, Egypt and the World, organisée par le gouvernement égyptien en partenariat avec le secrétariat général du Comesa.
En 2015, les échanges commerciaux entre l’Egypte et les pays du Comesa se sont limités à 1,7 milliard de dollars (dont la majorité avec le Soudan et la Libye) contre 4 milliards de dollars en 2013. Ces échanges représentent à peine 10 % des exportations égyptiennes. Les importations égyptiennes en provenance des pays ont été inférieures à quelque 700 millions de dollars. En juin dernier, les chefs d’Etat et de gouvernement des pays membres du Comesa, du Sadc (Communauté de développement de l’Afrique australe) et de l’Eac (Communauté est-africaine), avaient en outre signé à Charm Al-Cheikh un traité de libre-échange. Le gouvernement prévoyait de doubler ses exportations vers 25 pays africains pour passer à 5 milliards de dollars en trois ans. Pourtant, seuls 12 % des échanges commerciaux en Afrique ont lieu entre les pays africains, alors que l’Europe est toujours le principal partenaire commercial du continent. Les échanges entre les Etats-Unis et les pays du Comesa ont par contre atteint 14,1 milliards de dollars en 2013 dont 8,4 milliards d’exportations américaines.
Améliorer la situation
Plusieurs propositions ont été étudiées lors de la conférence pour améliorer la situation du transport entre les pays africains. A cet égard, Chérif Ismaïl, premier ministre égyptien, a rencontré Sindiso Ngwenya, secrétaire général du Comesa, en marge de la conférence, où il a évoqué l’intérêt pour l’Egypte d’établir une route fluviale entre le lac Victoria et la Méditerranée à travers le Nil. Par ailleurs, le Conseil d’exportation des produits chimiques de l’Egypte a signé un mémorandum d’entente avec l’entreprise Rift Valley Railways (RVR), où la compagnie d’investissement Qalaa Holding détient une part majoritaire. Le mémorandum permet aux membres du conseil d’utiliser les chemins de fer de RVR pour transporter les exportations de l’Egypte en produits chimiques avec une réduction de 30 %, ainsi que l’utilisation des dépôts de l’entreprise dans les pays africains. RVR possède une concession de 25 ans pour utiliser 2 352 km de chemins de fer reliant l’océan Indien depuis le port de Mombassa vers l’intérieur du Kenya et en Ouganda. « Nous avions seulement accès au Kenya grâce à l’existence du port de Mombassa, mais il nous était difficile d’exporter vers des pays plus lointains, mais avec le nouvel accord, nos produits seront plus compétitifs et pourront atteindre plus de pays », explique Khaled Aboul- Makarem, président du Conseil d’exportation des produits chimiques. Sahar Nasr, ministre égyptienne de Coopération internationale, a déclaré vouloir développer des projets d’intérêts communs pour les pays africains dans le transport pour faciliter le commerce et encourager les investissements interafricains.
Investissements interafricains
Les investissements égyptiens en Afrique sont de quelque 8 milliards de dollars selon Alaa Omar, directeur exécutif de l’Organisme général d’investissement. Un chiffre qu’il considère maigre vu le potentiel qu’offre le continent. En effet, les investissements étrangers en Afrique ont augmenté de 36 % en un an pour atteindre 128 milliards de dollars en 2015, selon Héba Salama, directrice de l’Agence d’investissement régionale du Comesa. L’une des principales entraves qu’affronte le commerce interafricain serait le manque d’infrastructures dans le domaine des routes et du transport, en plus d’une géographie difficile. Sans s’attaquer à ce problème, il semble difficile de favoriser les échanges entre les pays du continent africain. Fayqa Al-Réfaï, ancienne vice-présidente de la Banque Centrale d’Egypte et experte en relations africaines, note qu’en plus des problèmes liés au transport, les taux de change posent problème en Afrique. « Plusieurs pays africains ont plusieurs taux de change et manquent de devises étrangères. Les investisseurs et les exportateurs ont besoin d’accords de paiement bilatéraux par lesquels ils obtiennent les devises étrangères », dit Fayqa Al-Réfaï.
La faiblesse des relations économiques entre l’Egypte et l’Afrique n’est pas seulement le résultat des difficultés de l’Afrique noire, le manque de compétitivité des industries égyptiennes représente également une entrave. « Les producteurs égyptiens font face à la compétition de pays développés qui exportent en Afrique des produits de meilleure qualité à des prix compétitifs », explique Al-Réfaï. Elle rappelle qu’en plus des Etats-Unis et des pays d’Europe, des pays comme la Chine, la Turquie ou l’Iran sont fortement présents sur les marchés africains. « Les investisseurs égyptiens ne sont pas bien informés des besoins des marchés africains et adoptent une vision irréaliste vis-à-vis de ces pays », ajoute-t-elle.
Facteur-clé
La volonté politique de se rapprocher politiquement des pays africains est un autre facteur-clé pour encourager les échanges entre l’Egypte et les pays africains. Sous les mandats d’Al-Sadate et Moubarak, l’Egypte n’a pas accordé de grande importance aux relations avec l’Afrique préférant établir des alliances économiques et politiques avec des pays plus puissants. Cette vision a changé en 2014. Cela a été marqué par une multitude de visites de dirigeants africains en Egypte ainsi que du président égyptien dans des pays africains. « Le désintérêt que Moubarak a montré envers l’Afrique à la suite d’une tentative d’assassinat à son encontre en Ethiopie a eu un effet très négatif sur les relations. Il n’assistait plus aux sommets africains sauf ceux hébergés par la Libye », rappelle Fayqa Al-Réfaï. Le président du service du commercial international égyptien, Ali Al- Leissy, a déclaré que l’Egypte allait inaugurer de nouveaux bureaux de représentation en 2016 au Ghana, en Côte d’ivoire, en Tanzanie, en Ouganda et à Djibouti. « Les chiffres de la Banque mondiale indiquent que ces cinq pays africains sont parmi les dix économies les plus rapides à croître au niveau mondial », a dit Achraf Salmane, ministre de l’Investissement, soulignant l’importance du continent pour l’Egypte.
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