Les efforts du gouvernement pour booster la croissance ne suffisent pas pour atteindre les 5% annoncés.
(Photo:AP)
La situation politique et sécuritaire depuis plusieurs années a exacerbé la performance de l’économie égyptienne. C’est la conclusion du rapport Consensus Forecast publié par le Focus Economics, société espagnole d’intelligence économique, pour le mois de janvier. Le rapport analyse entre autres les prévisions macroéconomiques en Egypte et au Moyen-Orient. Bien que le gouvernement égyptien ait annoncé un taux de croissance de 5 % pour l’année fiscale 2015/2016, le rapport prévoit un taux de 3,7 % seulement pour la même année.
« La crise des devises étrangères a multiplié les pressions sur l’économie égyptienne. L’activité industrielle est faible de même que l’investissement, alors que le taux d’inflation est élevé », affirme le rapport. Le gouvernement est confronté depuis la révolution du 25 janvier 2011 à une crise accrue de devises, qui paralyse une partie des activités industrielles et inquiète les investisseurs. Ces derniers rechignent à injecter dans l’économie de nouveaux investissements. L’inflation, en courbe ascendante depuis le mois de juillet, achève l’année 2016 sur un taux de 11,1 %. Selon les analystes, il est fort probable que le gouvernement revoie à la baisse ses prévisions de croissance pour l’année 2015/2016. Réham Al-Dessouqi, experte économique chez Arqaam Capital, appuie les prévisions de Focus Economics. « Pour relancer l’économie, il faut que les politiques fiscales et monétaires aillent de pair avec les exigences du secteur industriel.
Or, cela n’est pas encore le cas », affirme Al-Dessouqi. Et d’ajouter que la Banque Centrale d’Egypte (BCE) a pris récemment plusieurs mesures pour régler la crise du dollar, ce qui est un bon signe. D’ailleurs, le rapport l’admet. « L’ampleur de la dette, l’actuel déséquilibre dans la balance de paiements et le besoin de réformes structurelles ont poussé la BCE à coordonner avec le gouvernement pour mettre en oeuvre un plan visant à améliorer les finances publiques », commente le rapport. La BCE a pris plusieurs décisions au cours des deux derniers mois pour contrôler les importations jugées non nécessaires. Elle a également décidé de relever le taux d’intérêt sur les dépôts bancaires à 9,25 % afin d’encourager l’épargne, attirer des liquidités et contrôler l’inflation.
En revanche, elle a dû augmenter le plafond des dépôts en dollars à 250 000 par mois pour les entreprises, afin de relancer l’activité industrielle. Ce plafond était fixé à 50 000 dollars depuis juin dernier. « Les grands projets nationaux lancés par le gouvernement auront un impact positif qui sera ressenti sur le moyen terme », affirme Al-Dessouqi avec optimisme. Et d’ajouter : « Bien que la grande majorité des spéculations sur la croissance ne soient pas de bon augure pour l’économie égyptienne, il n’en demeure pas moins que les politiques monétaires et structurelles mises en place par le gouvernement sont sur la bonne voie ».Focus Economics Consensus Forecast n’est pas la seule à réduire les prévisions de croissance pour l’Egypte. La Banque mondiale avait, elle aussi, réduit ses prévisions pour la croissance en Egypte de 4,1 % à 3,6 % pour l’année fiscale 2015/2016.
Perspectives pessimistes
L’Egypte ne fait pas exception dans la région. Selon le rapport, les perspectives de croissance pour les économies des pays du Moyen-Orient et de l’Afrique du Nord sont dans l’ensemble pessimistes. « La guerre froide entre les deux oligarchies pétrolières, l’Iran et l’Arabie saoudite, qui a eu un impact sur les cours mondiaux de pétrole, a eu de fortes répercussions sur les économies de la région », explique le rapport, qui s’attend à une croissance d’environ 3 % dans la région.Selon le rapport, les incertitudes planent sur la croissance également en raison du ralentissement sur les marchés émergents après la chute soudaine des Bourses chinoises et les craintes mondiales quant à la santé de la seconde puissance économique mondiale, la Chine. Ajoutons à cela l’instabilité qui sévit dans la région et la baisse des prix des matières premières.
« La conjoncture économique dans la région dépend en grande partie de la santé de la Chine. Les tensions entre l’Iran et l’Arabie saoudite devraient prendre fin un jour. Une amélioration de la conjoncture n’est possible que si la Chine prend des mesures sincères pour améliorer son taux de croissance ou s’il y a une accalmie en Syrie », explique Réham Al-Dessouqi. Elle ajoute : « Les pays arabes sont appelés à prendre des mesures préventives qui minimiseraient l’impact d’une éventuelle dégringolade des cours du pétrole. L’une des alternatives serait de procéder à une baisse des subventions à l’énergie et d’accélérer la croissance des industries qui ne sont pas associées à l’énergie ».
Une analyse plus exhaustive du rapport montre que l’impact de la chute de l’or noir varie d’un pays à l’autre en fonction des politiques économiques internes mises en place par les gouvernements. A Bahreïn, les politiques gouvernementales d’amélioration des finances publiques en levant graduellement les subventions sur l’énergie et les projets d’infrastructures mis en place dans le secteur non pétrolier favorisent la croissance qui est supposée augmenter de 2,6 % en 2016 et de 2,5 % en 2017. En Iraq, bien que la guerre contre Daech fasse rage, le pays a reçu un prêt de la Banque mondiale d’un montant de 1,2 milliard de dollars pour entreprendre des réformes économiques et améliorer la performance des entreprises publiques. Et ce, outre les politiques financières de dévaluation du dinar qui sont censées augmenter les revenus gouvernementaux et accroître les exportations. Les perspectives de croissance dans ce pays sont de 3,7 %.
Bien que la Jordanie ait réussi à garder sa neutralité au milieu des conflits régionaux, le pays a été touché par les griffes d’Al-Qaëda et d’autres groupes extrémistes, et cela se répercute sur la performance économique. Malgré les aides étrangères injectées en masse, la classification de la Jordanie est modérée et les prévisions lui donnent une croissance de 3,4 % contre 3,5 % l’année dernière. L’économie de l’Arabie saoudite, bien que grièvement pénalisée par la chute des cours de pétrole, demeurera stable grâce à sa solide situation financière, ses réserves internationales massives et sa faible dette.« Baisse des cours de pétrole ou instabilité politique et sécuritaire, la bouée de sauvetage pour le Moyen-Orient réside dans les politiques économiques et monétaires mises en place par chaque pays dans le contexte qui lui appartient », conclut Al-Dessouqi.
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