Les producteurs soutiennent les restrictions sur les importations, alors que les importateurs les contestent fermement. (Photo : Al-Ahram)
Dès le mois de février prochain, les importateurs égyptiens ne seront plus autorisés à importer vingt-trois catégories de produits si les sociétés étrangères qui les vendent ne possèdent pas de registre auprès de l’Autorité de contrôle des importations et exportations. La liste comprend certains produits laitiers, les huiles, le textile et le prêt-à-porter, l’électroménager, les montres, les bicyclettes et les motos et les jouets pour enfants, entre autres. Le ministère de l’Industrie et du Commerce extérieur exige en effet que le pays d’origine de ces produits soit inscrit en Egypte sur les registres de l’Autorité de contrôle des importations et exportations, et que les usines qui vendent ces produits à l’Egypte appliquent un système de qualité reconnu internationalement.
Selon le gouvernement, ces mesures visent à limiter la demande sur le dollar et à protéger l’industrie locale. En effet, le gouvernement peine à fournir les devises aux importateurs, dans le contexte de la baisse des investissements directs étranges et le recul des revenus du tourisme affectant les réserves en devises du pays. Celles-ci ont considérablement baissé au cours des dernières années et se situent actuellement à 16,4 milliards de dollars, fin décembre, contre 36 milliards avant 2011.
La décision, publiée dans le journal officiel le 3 janvier, est soutenue par les producteurs, alors que les importateurs la contestent fermement. Les deux groupes s’attaquent mutuellement dans les médias, chacun accusant l’autre d’agir seulement pour son propre intérêt aux dépens de l’économie nationale et des consommateurs. « Cette décision va négativement affecter les consommateurs dans l’intérêt d’un groupe de producteurs qui monopolise le marché », déclare à l’Hebdo Ahmad Chiha, président de la division des importateurs au sein de la Fédération des chambres de commerce. « Les prix internationaux sont en baisse alors que les prix sur le marché local augmentent », ajoute-t-il.
Ces contraintes sur les importations ne sont pas les premières du genre. La décision du ministre de l’Industrie fait suite à une série de mesures annoncées antérieurement par la Banque Centrale d’Egypte (BCE) et visant également à limiter les importations. La décision de la BCE, fin décembre, exige que les importateurs de tout produit final, à l’exception des médicaments et des laits pour enfants, doivent placer dans les banques un dépôt en espèces équivalant à 100 % du montant de la facture, contre 50 % auparavant. La BCE a également enjoint les banques à ne pas octroyer de crédits aux importateurs pour couvrir les sommes requises. Les importateurs se sentent visés et ils ripostent. « Les banques refusent même les facilités que nos fournisseurs à l’étranger nous offrent », se plaint Chiha. Il explique que certains fournisseurs étrangers acceptent un paiement échelonné sur plusieurs mois, mais les banques insistent à ce que les importateurs déposent une somme équivalente au montant de la transaction.
Réduire la concurrence
Les industriels et producteurs égyptiens, par contre, soutiennent les restrictions qui vont réduire la concurrence. « Ces restrictions auront des conséquences positives, elles vont réglementer les importations et garantir une meilleure qualité pour les consommateurs », dit Mohamad Al-Bahei, membre du conseil d’administration de l’Union des industries égyptiennes. « Il y a des années, nos importations provenaient de sociétés reconnues en Europe et aux Etats-Unis, mais après le boom des pays asiatiques, beaucoup de produits importés sont de mauvaise qualité », affirme Al-Bahei. Il énumère certains secteurs industriels affectés par les importations des pays asiatiques comme celui des produits cosmétiques qui compte en Egypte 270 usines, celui des médicaments avec 160 usines, le mobilier et les accessoires et même celui des produits artisanaux traditionnels dont les produits portent tous aujourd’hui l’étiquette « fabriqué en Chine ». « La décision du gouvernement n’interdit pas l’importation, mais la réglemente, nous importons les déchets du monde. Lorsque nous (les producteurs) avons rencontré le président lors des élections, nous n’avons pas demandé une protection mais l’imposition de normes similaires à celles imposées aux industries locales », raconte Bahei. Les producteurs égyptiens ont célébré le départ de Hesham Ramez, ancien gouverneur de la Banque Centrale, qui avait imposé des restrictions sur les dépôts en dollars, les limitant à 10 000 dollars par jour avec un maximum de 50 000 dollars par mois pour faire face au marché noir qui a continué cependant à prospérer. Une décision qui sera bientôt reconsidérée selon Al-Bahei qui dévoile que la BCE va bientôt relever le plafond à 50 000 dollars par jour.
Pour Imane Négm, économiste auprès de Prime Holding, le gouvernement n’avait pas vraiment le choix. Il devait recourir à des restrictions administratives afin de faire face à la pénurie de dollars et à une dévaluation non contrôlée. « Il fallait bien sûr que le gouvernement encourage les investissements étrangers directs en facilitant les procédures et en promulguant la nouvelle loi sur l’investissement longuement attendue. J’ai rencontré des investisseurs qui sont revenus sur leur décision d’investir en Egypte à cause de la complexité des procédures », affirme-t-elle. « Nous avons vu 16 projets de cette loi qui n’a jamais vu le jour », renchérit Al-Bahei. Les consommateurs à leur tour se méfient. « Le gouvernement considère que les jouets pour enfants est un luxe, qu’il leur produise donc des jouets à la place de ceux importés », se plaint Ahmad Ebeid, père de deux enfants. « Qu’on produise d’abord des montres avant d’interdire leur importation », conclut Ahmad Mourad, un jeune ingénieur .
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