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Marges de manoeuvres réduites face à la crise chinoise

Marwa Hussein, Lundi, 31 août 2015

La crise chinoise impactera probablement l’économie égyptienne, au moins de manière indirecte. Mais après plusieurs années d'instabilité, les cartes pour contrecarrer un choc éventuel sont limitées.

Marges de manoeuvres réduites face à la crise chinoise
La crise chinoise a eu des répercussions sur la Bourse égyptienne (Photo:Reuters)

Le ralentissement économique en Chine commence à inquiéter fortement certains pays. Une prolongation de la crise en Chine aura nécessairement des répercussions sur l’Egypte, même si les deux économies ne sont pas étroitement liées.

L’importance de l’économie chinoise, qui représente un tiers de la croissance mondiale depuis le début du siècle, va entraîner un ralentissement des économies exportatrices vers le géant asiatique avec en tête le Brésil, les Etats-Unis, mais surtout l’Allemagne. Cette dernière est l’économie la plus forte de la zone euro et la principale partenaire commerciale de l’Egypte.

L’Egypte ne sera donc pas épargnée, bien que l’effet sur son économie ne soit pas encore évident. D’une part, les conséquences sur l’Egypte ne sont pas toutes négatives, de l’autre, l’ampleur de la crise chinoise n’est pas encore déterminée.

La Bourse égyptienne a été affectée par la chute du marché boursier chinois. Les Bourses chinoises ont perdu plus de 30 % entre mi-juin et mi-juillet, le coup dur est survenu le 24 août, lorsque l’indice principal de Shanghai a connu sa baisse la plus importante en un jour depuis 2007, perdant 9 % et affectant les marchés financiers aux quatre coins du globe.

En réaction, l’indice des actions les plus actives de la Bourse égyptienne, EGX30, a atteint son plus bas niveau. « Il est évident qu’une crise en Chine va affecter l’économie égyptienne. Nous avons vu cela lors de la chute de la Bourse égyptienne. Mais nous ne pouvons pas encore parler de crise économique mondiale. La croissance aux Etats-Unis est solide alors que, malgré la baisse de la croissance en Chine, celle-ci demeure à 7 %. En même temps, le taux de chômage et celui de l’inflation en Chine sont en baisse », tempère Mesbah Qotb, conseiller du ministre des Finances.

Amina Ghanem, membre du Conseil national de compétitivité, craint cependant un effet indirect de la crise chinoise sur l’Egypte. « Si les pays ayant des relations économiques étroites avec la Chine, comme les Etats-Unis et certains pays européens, ne parviennent pas à absorber l’effet du ralentissement économique en Chine, l’Egypte pourrait en pâtir. L’effet du ralentissement économique en Chine ne sera pas direct, en Egypte au moins ». Pour elle, il y a aussi matière à opportunités. « L’Egypte pourrait tirer profit d’un rôle moins important de la Chine en Afrique et aura plus de chance à pénétrer ce marché prometteur. Mais il faut consolider notre industrie et accroître notre productivité pour pouvoir résister à une crise potentielle », ajoute-t-elle.

Pour surmonter le ralentissement économique, la Chine a opéré une dévaluation du yuan visant à encourager ses exportations et donc à éviter une contraction de l’économie. Une mesure qui pourra soutenir l’économie chinoise qui inquiète plusieurs pays craignant une invasion des produits chinois, ce qui est déjà le cas en Egypte.

Une forte dévaluation du yuan pourrait entraîner une hausse des importations chinoises et mener à davantage de déséquilibre de la balance commerciale entre les deux pays, déjà largement en faveur de la Chine. « Bien que je sois contre des mesures administratives concernant les importations, je crois que c’est l’unique solution. Le gouvernement a déjà pris des mesures similaires comme celle interdisant l’importation des lanternes du Ramadan », reprend Amina Ghanem.

Mesbah Qotb estime aussi que « le gouvernement égyptien n’a pas d’autres choix que d’imposer des barrières à l’importation vu le manque de devises étrangères ».

L’Egypte partiellement affectée
Outre l’effet sur les Bourses et les échanges commerciaux, le ralentissement de la croissance en Chine a eu des conséquences sur les cours mondiaux des matières premières, notamment le pétrole qui a atteint son niveau le plus bas depuis six ans, passant la semaine dernière sous les 40 dollars le baril avant de se redresser.

La façon dont l’Egypte sera influencée par une baisse des prix du pétrole est complexe. L’Egypte, étant importatrice d’énergie, pourrait bénéficier d’un prix bas et réduire sa facture d’importation d’énergie. Cela devrait alléger les pressions sur le budget : il sera possible de réduire les subventions à l’énergie sans toutefois que le prix de ces derniers explose. La grogne sociale devrait être moindre, tout en évitant une hausse de l’inflation.

Cependant, ces effets positifs pourraient bien être contrebalancés. « La baisse des cours du pétrole va réduire la valeur des exportations égyptiennes, donc les réserves de change du pays, déjà faibles depuis 2011 », prévient Amr Adli, chercheur au Centre Carnegie Moyen-Orient.

Une baisse des prix du pétrole affectera aussi les économies du Golfe, comme l’Arabie saoudite et le Koweït, d’où provient une part importante des investissements directs en Egypte, sans mentionner l’importance de l’aide financière que ces pays ont offerte et promis d’offrir à l’Egypte. « Une partie importante des investissements étrangers directs en Egypte est dans le secteur pétrolier. Une chute des cours va décourager les investisseurs. Il est encore difficile de mesurer l’effet global d’une baisse des cours du pétrole sur l’Egypte », pondère le chercheur.

La crainte principale des différents économistes contactés par Al-Ahram Hebdo est que l’économie égyptienne souffre déjà, après plus de quatre ans d’instabilité politique, d’une faible croissance économique, d’investissements directs bien inférieurs aux niveaux d’avant la révolution et de réserves de change très faibles, couvrant actuellement à peine trois mois d’importations. « Si nous étions en 2009 ou 2010, j’aurais été plus confiante. Mais, aujourd’hui, l’économie reste fragile et sa capacité à supporter un choc est limitée », note Amina Ghanem.

« En 2007/2008, lorsque l’effet de la crise économique mondiale a été ressenti en Egypte, les réserves de change étaient proches des 40 milliards de dollars. Lorsque les étrangers possédant des investissements en Egypte se sont précipités à liquider une partie de leurs investissements et que la demande sur le dollar a augmenté, le gouverneur de la Banque Centrale a donné des ordres pour couvrir la demande et rassurer les investisseurs. Mais l’Egypte ne possède plus cette marge », renchérit Reem Dawood, consultante économique. Les réserves de change de l’Egypte étaient en juillet de 18,5 milliards de dollars, contre 36 milliards en janvier 2011.

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