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Un troisième canal en perspective

Salma Hussein, Lundi, 10 août 2015

Le géant du transport maritime, Maersk, s’engage dans des négociations difficiles avec le gouvernement. Elles portent sur le creusement d’un passage maritime, pour faciliter le passage de ses cargos.

Un troisième canal en perspective
(Photo:Salma Hussein)

C’est la veille de l’ouverture en fanfare du Nouveau Canal de Suez. A 17 heures, à bord du second plus grand navire au monde, MSC Genova, le capitaine polonais, Josef Szymczak, attend au quai de Suez Canal Container Terminal (SCCT) pour se décharger de quelques conteneurs avant d’emprunter, le premier peut-être, le Nouveau Canal de Suez.

Devant lui, des cartes montrant le nouveau passage, qui devrait lui économiser 11 heures de trajet. Cependant, le capitaine qui fait le trajet d’Europe vers l’Asie, plusieurs fois par an, a toujours à se soucier d’un autre inconvénient. « Le navire a dû attendre 5 heures en Méditerranée avant de pouvoir accéder au quai du SCCT à l’est de Port-Saïd. Parfois on attend plus. Tout dépend de l’heure où nous arrivons », regrette le capitaine.

Le cas du MSC Genova n’est pas unique. En effet, le trafic des navires empruntant le Canal obéit à un système bien défini. Les convois de navires provenant de la Méditerranée et ceux, dans le sens opposé, provenant de la mer Rouge s’alternent à des intervalles précis. Ce qui implique parfois des heures d’attente.

C’est justement ce problème que le SCCT, opéré par Maersk Group, souhaite régler à travers ses négociations avec le gouvernement. Celles-ci perdurent depuis près de quatre ans et impliquent, entre autres, le creusement d’un passage direct liant le Canal à la Méditerranée, qui épargne à ses clients ces longues heures d’attente.

Il s’agit de creuser un passage maritime de 9,5 km liant la Méditerranée au nord du Canal de Suez. Le coût de ce projet a été estimé à 100 millions de dollars. « Le coût pourrait être inférieur à cette estimation si l’on utilise les dragueurs qui ont aidé à creuser le Nouveau Canal de Suez et qui sont toujours sur place », dit à l’Hebdo Mahmoud Rezq, membre au conseil d’administration de l’Autorité publique du Canal de Suez. De son côté, le conseiller du ministre de Transport, Ahmad Amin, estime ce coût à 60 millions de dollars.

Mais qui assumera ce coût ? C’est l’une des pommes de discorde entre le gouvernement et le SCCT.

Contrat à renégocier
En vertu d’un amendement du contrat initial conclu avec le SCCT, l’ancien gouvernement d’Ahmad Nazif s’est engagé en 2007 à assumer les frais de creusement. Mais en 2010, le gouvernement a réussi à convaincre le SCCT d’y contribuer. « Nous nous sommes engagés à payer 15 millions de dollars, dont nous avons déjà payé 7,5 millions », explique Klaus Holm Laursen, PDG du SCCT.

Or, il semble que ce n’est pas suffisant pour le gouvernement. « Nous espérons qu’ils parviennent à payer davantage », dit Mahmoud Rezq. Des déclarations que le SCCT interprète comme des tentatives de la part du gouvernement pour se libérer de ses engagements. « Nous avons entendu toutes sortes d’arguments. Nous comprenons bien les mauvaises conditions économiques du pays ces dernières années », a ajouté Laursen, qui appelle cependant toutes les parties à honorer leurs engagements.

Dans la foulée de l’inauguration du Nouveau Canal, l’Autorité du Canal de Suez a annoncé qu’elle serait prête à commencer les travaux de creusement de ce passage maritime. Le lendemain de l’inauguration du Nouveau Canal, le gouverneur de Port-Saïd a répété la même déclaration. Est-ce le signe d’un progrès dans les négociations ? Les responsables du SCCT le nie, en ajoutant qu’ils ont appris l’information par les médias. Mahmoud Rezq, de l’Autorité du Canal, nie cette information. Pour lui, le nouveau passage sera entamé « dès qu’on aboutit à un accord avec le SCCT ». L’Autorité du Canal de Suez est un représentant du gouvernement dans les négociations en cours. L’Autorité est également partenaire avec une part de 10,3 % du SCCT.

Au-delà des coûts du creusement, le gouvernement cherche à renégocier d’autres clauses du contrat avec Maersk, le plus grand opérateur de port de conteneurs, détenant 56 % du trafic des conteneurs en Egypte. Le gouvernement dit chercher à mitiger les effets d’un déséquilibre trop favorable au SCCT, comme l’explique Mahmoud Rezq.

Nouveaux concurrents
Grâce à des partenaires qui étaient également membres au PND (parti de l’ancien président Hosni Moubarak), le SCCT avait réussi à obtenir du gouvernement d’Ahmad Nazif beaucoup d’avantages.

D’après un document publié sur le site Aswat Masreya, des annexes au contrat initial ont permis au SCCT d’étendre la concession de l’exploitation du quai sur 49 ans, au lieu de 35 (la moyenne universelle est entre 20 et 25 ans). Il s’agit aussi de l’exemption des navires transitant sur le quai du SCCT des frais de passage au Canal de Suez, et ce, pour une durée de 17 ans, qui a commencé en 2008. Le SCCT a été également exempté des frais d’exploitation du projet destiné à la construction d’un deuxième quai, également pour une période de 17 ans. Le terrain nécessaire à ce projet lui a été accordé gratuitement.

Toute une série de privilèges que le gouvernement actuel souhaite reconsidérer. « Après un grand soulèvement populaire comme celui de janvier 2011, il est normal d’examiner ce que Moubarak a fait ou ce que Mansour a signé », reconnaît Laursen, PDG du SCCT. D’après le site de l’entreprise, l’ancien ministre du Transport, Mohamad Mansour, était l’un des partenaires fondateurs du SCCT avant sa prise de fonction officielle en 2005. « Mais, reprend Laursen, ce passage n’est pas pour le SCCT seulement, c’est pour l’Est de Port-Saïd, pour l’Egypte ».

A 500 mètres du SCCT, se dresse un chantier de l’Autorité d’ingénierie de l’armée. Il s’agit d’un nouveau quai qui sera géré par le secteur privé. Une rivalité potentielle pour le SCCT. Et il ne sera pas le dernier, d’après Mahmoud Rezq, qui assure que le plan du développement de la zone du Canal prévoit d’autres nouveaux ports.

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