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Emploi: Promesses mirobolantes

Gilane Magdi, Lundi, 24 décembre 2012

Le président Morsi a promis de créer 700 000 emplois d’ici à la fin de l’exercice 2012-2013. Une prévision que son gouvernement ne pourra vraisemblablement pas tenir.

Emploi
Pour augmenter l'emploi, le gouvernement doit donner la priorité aux industries comme le textile. (Photo: Al-Ahram)

230 000 emplois. C’est, selon les pronostics les plus réalistes, le nombre d’emplois que le gouverne­ment de Qandil pourra réussir à créer d’ici la fin de l’exercice 2012-2013, avec les moyens réellement mis à sa disposition. Or, Morsi a promis la création de quelque 700 000 emplois pour la même période, dans le cadre du programme national pour l’emploi des jeunes qui vise à absorber les nouveaux entrants sur le marché de travail et à baisser le taux de chô­mage, actuellement de 12,8 %.

Mais les mesures annoncées ne correspondent pas. Il s’agit notam­ment du ministère de l’Industrie, qui a annoncé la création de 30 000 emplois destinés aux jeunes, dont 20 000 dans le secteur privé du tex­tile. « Ces offres d’emploi sont desti­nées aux jeunes entre 18 et 35 ans dans 10 gouvernorats (tels que Le Caire, Alexandrie, Port-Saïd et Béni-Soueif) pour un salaire mensuel de 1 000 L.E. », indique la publicité parue dans la presse. D’une part, le Conseil de la formation industrielle, qui dépend du ministère de l’Indus­trie, sera chargé, en coopération avec le Conseil des exportateurs en prêt-à-porter, de fournir la formation néces­saire à ces jeunes. D’autre part, le Fonds social de développement devrait permettre la création de 150 000 à 200 000 emplois, « grâce aux liquidités fournies par la Banque mondiale qui avoisinent les 200 mil­lions de dollars. Le Fonds aura un rôle déterminant dans le programme de création d’emploi, par l’octroi de crédits aux petites et moyennes entre­prises », comme le décrit Ghada Wali, directrice générale du Fonds. Le reste du plan du gouvernement, qui devrait donc exposer sa stratégie servant à créer les 470 000 emplois restants, reste très loin de ce chiffre. « 58 000 emplois seront créés dans le secteur agricole, répartis sur l’en­semble des gouvernorats et des sec­teurs agricoles. 51 300 emplois devraient être créés dans le domaine du développement agricole. Le plan comprend aussi la formation de 42 000 personnes de la catégorie des 18-30 ans », indique le site du minis­tère de la Planification.

Cependant, à un taux de croissance se situant autour des 2 %, il paraît très difficile d’atteindre les chiffres annoncés. « Il sera impossible pour le gouvernement de créer ces emplois sans la participation du secteur privé. Or, ce dernier national et étran­ger est devenu prudent et même réticent à s’investir dans cette tâche, vu les défis majeurs auxquels l’Egypte est confrontée en ce moment, encore compliqués par l’instabilité politique du pays », analyse John Page, cher­cheur principal au sein de l’institution américaine Brookings Institution, à l’issue de la conférence « Emploi des jeunes construire l’avenir » qui s’est tenue au Caire la semaine der­nière. Il avertit : « Le gouvernement n’aura probablement pas le choix et devra recourir à des partenaires de développement, telle la Banque mon­diale. Or, les emplois ainsi créés pourraient avoir une durée de vie limitée, sans oublier que recourir à la Banque mondiale n’est pas bien perçu par l’opinion publique ». Il ajoute qu’il est crucial de créer des emplois « réels », c’est-à-dire perma­nents et correspondant aux qualifica­tions des jeunes tout en leur fournis­sant un niveau suffisant de revenus.

Miser sur l’industrie

Le ralentissement économique mène, en ce moment même, au licen­ciement en masse d’ouvriers qui ne bénéficient, en outre, d’aucun filet légal de protection. « Plus de 170 usines dans la zone de Borg Al-Arab ont fermé leurs portes après la révo­lution. Le secteur privé est grave­ment touché par le manque de liqui­dités, ce qui ne lui permet pas de créer de nouveaux emplois », regrette Hani Al-Menchawi, membre de l’As­sociation des hommes d’affaires d’Alexandrie. Le moment est, selon lui, très mal choisi pour demander au secteur privé de participer au pro­gramme gouvernemental pour l’em­ploi.

Héba Handoussa, experte écono­mique, insiste sur l’importance d’adopter une stratégie à long terme, qui devrait être basée sur la restructu­ration de la stratégie de création d’emplois, en donnant la priorité aux industries à fort taux de main-d’oeuvre, tels le textile, la construc­tion et les biens d’équipement. « L’Egypte a échoué à devenir un pays industriel au cours des 15 der­nières années. Son économie repose sur l’importation. En comparant les chiffres des exportations du prêt-à-porter égyptien avec ceux de son homologue turc, on trouve 2 mil­liards de dollars contre 15 milliards de dollars », indique-t-elle. Elle ren­chérit : « La formation des femmes, pour qu’elles puissent travailler dans l’industrie textile qui est fondamen­tale pour l’économie, ne prend que trois mois ». Son opinion est partagée par Omniya Helmi, directrice exécu­tive du Centre égyptien pour les études économiques, qui assure : « Durant le régime de Moubarak, les hommes d’affaires investissaient pré­férablement dans les secteurs lourde­ment consommateurs d’énergie, tels que le ciment, pour profiter des sub­ventions à l’énergie. La création d’emploi ne faisait pas partie du calcul ».

Viser au-delà de 2013

Les observateurs régionaux dénon­cent de manière répétée le manque de vision à long terme des plans gouver­nementaux. Le directeur du bureau de la Banque africaine de développe­ment au Caire, Sami Zaghloul, rap­pelle que l’Egypte attirait 13 mil­liards de dollars d’investissements étrangers directs avant la révolution. Ce chiffre est presque nul aujourd’hui à cause de l’absence de vision poli­tique claire, et sa conséquence : l’ins­tabilité politique. « Il faut en finir avec la Constitution et les élections législatives, sans lesquelles l’inves­tisseur étranger restera réticent à investir en Egypte », avertit-il.

L’Egypte traverse une phase très difficile. D’une part, le taux de crois­sance de l’investissement privé est trop faible : 11 % seulement pour le premier trimestre de l’année fiscale 2012-2013 (juillet-septembre). D’autre part, le taux de chômage officiel a décollé pour atteindre les 12,8 % au 3e trimestre de l’année 2012. « Le taux de chômage des jeunes est le double de ce chiffre (soit 25 %). Et ce chiffre a toutes les chances de connaître encore une forte hausse à l’avenir si l’instabilité politique se poursuit », avertit Omniya Helmi. Elle met en garde également contre les mécanismes de l’inflation : celle-ci est en recul, depuis début 2012 et selon les chiffres officiels. Mais cela reflète d’abord la récession, qui comprend la baisse dramatique du pouvoir d’achat des Egyptiens dans leur ensemble, la baisse de la production, et donc le licenciement de la main-d’oeuvre. Une main-d’oeuvre qui a par ailleurs du mal, en faisant son marché, à com­prendre comment les chiffres de l’in­flation puissent indiquer une baisse.

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