« L’Egypte compte doubler ses exportations vers 25 pays africains d’ici trois ans pour passer à 5 milliards de dollars contre 2,7 milliards actuellement », affirme le ministre de l’Industrie et du Commerce, Mounir Fakhri Abdel-Nour. Ces prévisions optimistes sont la conséquence immédiate de la signature, cette semaine en Egypte, d’un accord de libre-échange tripartite entre 26 pays membres de trois blocs régionaux : le COMESA (Marché commun de l’Afrique orientale et australe), dont l’Egypte est membre, la SADC (Communauté de développement de l’Afrique australe) et de l’EAC (Communauté est-africaine).
« Une fois l’accord ratifié, plus de 3 200 types de marchandises échangées entre les 26 membres seront libéralisés, soit 60 % de la liste des échanges », précise Chérif Mahmoud Fahmi, président du département Afrique auprès du ministère de l’Industrie.
D’habitude, les accords de libre-échange bénéficient davantage à certains pays. « Il est fréquent que les plus faibles en sortent perdants », regrette Gouda Abdel-Khaleq, ancien ministre de la Solidarité sociale et professeur d’économie.
En effet, les accords que l’Egypte a jusqu’à présent signés avec des partenaires développés comme les Etats-Unis ou l’Union européenne n’ont guerre permis de redresser la balance commerciale avec ces pays qui bénéficient d’un marché égyptien ouvert, alors que les normes de qualité représentent une barrière importante pour les exportations égyptiennes.
Avec les pays africains, l’inverse est plus probable : l’Egypte et l’Afrique du Sud (membres de la SADC), les deux pays les plus développés du continent, devraient en être les grands bénéficiaires. Chérif Mahmoud Fahmi, du ministère de l’Industrie, appuie cet argument : « Ces deux pays ont les économies les plus développées de l’Afrique, ils seront les premiers bénéficiaires de ces accords ».
Même son de cloche du côté du ministre, Mounir Fakhri Abdel-Nour : « Si nous avons peur d’entrer en compétition avec les pays de l’Afrique, il vaut mieux se suicider », a lancé le ministre ironiquement lors de la conférence de presse.
Accords favorables à l’Egypte
La balance commerciale entre l’Egypte et les différents pays africains est effectivement en faveur de l’Egypte. Les exportations égyptiennes vers les pays du Comesa ont atteint 1,9 milliard de dollars contre des importations de 700 millions, et ce en 2014, une année maigre en exportations égyptiennes. Les exportations égyptiennes vers les pays du Comesa ont été multipliées par cinq entre 2006 et 2014. Avant l’adhésion de l’Egypte au Comesa en 1998, la balance commerciale de l’Egypte avec les pays du bloc était déficitaire. Actuellement, l’Egypte compte 23,9 % de la valeur des exportations du Comesa. Les partenaires commerciaux principaux de l’Egypte dans ce bloc sont la Libye, le Soudan, le Kenya suivis par l’Ethiopie, l’Erythrée et l’Ouganda.
Selon les responsables du ministère de l’Industrie, l’Egypte pourrait exporter davantage de produits agroalimentaires, pharmaceutiques, de matériaux de construction et de produits chimiques. Elle devrait importer davantage de cuivre, de tabac et de cuir, exemptés de tarifs douaniers dans ces pays.
Les responsables égyptiens sont aussi ambitieux sur une libéralisation des services entre les pays des trois blocs régionaux malgré l’échec de parvenir à un accord au niveau mondial via l’Organisation Mondiale du Commerce (OMC). Cette dernière « oppose les pays développés à ceux en développement. Or, la situation n’est pas la même dans un accord régional », reprend Chérif Mahmoud Fahmi. Il cite notamment les télécommunications, le tourisme, la construction et les services d’éducation et de santé, secteurs dans lesquels l’Egypte pourrait s’imposer en Afrique.
Les hommes d’affaires égyptiens devraient aussi bénéficier d’un accord entre les trois blocs portant sur la liberté de circulation entre les pays africains. Déjà, la Tanzanie a ouvert la porte à 97 % des marchandises égyptiennes, selon Chérif Mahmoud Fahmi. De plus, un poste-frontière entre l’Egypte et le Soudan a été ouvert en 2015 à Ashkit-Qostol. « Ce passage frontalier va réduire les coûts de transport et encouragera davantage le commerce bilatéral », dit Nader Alrayeh Awad, secrétaire général du dossier du Comesa auprès du ministère soudanais du Commerce.
« C’est la première fois qu’on voit cette sorte de rapprochement. L’Afrique est d’une importance stratégique pour l’Egypte », se réjouit Chérif Mahmoud Fahmi. « L’ère de Moubarak était synonyme d’une négligence des liens avec le continent a fricain et a témoigné d’une détérioration des relations entre l’Egypte et les pays africains », renchérit Gouda Abdel-Khaleq.
Manque d’infrastructures
Reste que pour concrétiser ces prévisions optimistes, la volonté politique ne représente qu’une partie de la recette. Le développement du commerce et de l’investissement interafricain est freiné par d’autres obstacles, comme la précarité des infrastructures, notamment les moyens de transport et les ressources énergétiques. Le plan d’une route entre Le Cap et Le Caire agite les esprits. La route qui devrait relier le sud et le nord du continent est prévue pour 2017, selon Saïd Abdallah, président du département du commerce extérieur auprès du ministère de l’Industrie. Plusieurs agences de financement internationales dont la Banque mondiale et la Banque africaine de développement participent au financement de cette route. « L’Egypte aura sa part de travail sur son propre territoire », ajoute-t-il .
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