La dévaluation de la livre égyptienne n’en finit plus. La semaine passée, elle a atteint sa valeur la plus basse depuis 2004 : un dollar s’échangeant contre 6,14 L.E. Quant aux réserves en devises, autre indicateur de la santé financière d’un pays, elles ont fondu de quelque 450 millions de dollars en un mois.
Pour les analystes, c’est l’incompréhension. Rien ne laissait présager de telles chutes. En effet, l’Egypte n’avait aucune dette à rembourser en novembre. De plus, le flux de devises étrangères dépasse aujourd’hui les deux milliards de L.E. « Le pays a reçu 500 millions de dollars par mois du Qatar au cours de ces trois derniers mois. En plus, la BCE a vendu, le 29 novembre, des bons du Trésor à hauteur de 1,7 milliard de dollars. D’habitude, dans de pareilles conditions, les réserves montent ! », explique Alia Mamdouh, analyste économique auprès de la banque d’investissement CI Capital.
Et pourtant, rien ne semble pouvoir freiner la chute. Même la BCE a les mains liées. La solution traditionnelle pour soutenir la monnaie nationale, qui consiste à céder une part des réserves en devises pour racheter la livre, n’est plus envisageable : les réserves étant trop faibles pour envisager un tel scénario. Elles ont atteint 15,035 milliards de dollars ce novembre. Avant la révolution du 25 janvier, elles culminaient à 36 milliards.
Un sort incertain
La persistance des turbulences politiques ce dernier mois devrait sérieusement affecter les revenus du tourisme, ainsi que le flux des investissements étrangers. Or, ces deux variables sont les principales sources de devises étrangères pour l’Egypte. Déjà, les agences de voyages égyptiennes rapportent des annulations de réservations. Du côté des investissements, il est connu qu’ils fluctuent énormément selon la stabilité politique d’un pays.
Vu les récents événements, la banque d’investissement EFG Hermes a ainsi prévu une hausse importante du dollar, pour arriver à 6,25 L.E. avant la fin du mois, si aucune solution au conflit politique entre le président et ses opposants n’est envisagée. L’autre variable qui entre en compte dans l’approvisionnement en devises étrangères, c’est le Fonds Monétaire International (FMI). Les incertitudes qui accompagnent la signature d’un accord pour recevoir un financement de 4,8 milliards de dollars du FMI pèsent lourd. Bien que cet accord soit contesté par une partie de l’opinion publique, sa finalisation est attendue de pied ferme par les investisseurs.
Selon Hani Guéneina, deux scénarios sont envisageables. Le premier, plus optimiste, prévoit une reprise de la livre face au dollar. Dans l’hypothèse où l’accord avec le FMI est conclu et les tensions politiques exacerbées, le dollar pourra s’échanger à moins de 6 L.E. Si ces deux conditions ne sont pas remplies, l’autre scénario, catastrophique, prévoit une hausse considérable du dollar face à la L.E.
Même constat au niveau des réserves en devises. Si les tensions politiques durent, les investissements vont s’échapper d’Egypte et les bons du Trésors seront vendus en masse. « Nous serons obligés d’imposer des restrictions sur les importations, c’est la dernière arme que détient la Banque Centrale. Même si cela peut inquiéter les étrangers, il faudra le faire si les réserves continuent à baisser », suggère Alia Mamdouh. En tout état de cause, les prévisions optimistes de la hausse des réserves égyptiennes en devises, à hauteur de 25 milliards en juin 2013, formulées par le premier ministre, sont devenues peu probables.
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