Pour ce 24e sommet, l’Union Africaine (UA) a décidé de faire de 2015 l’année de l’autonomisation des femmes et du développement de l’Afrique pour la concrétisation de l’Agenda 2063, sujets fixés lors du dernier Sommet de juin 2014, à Malabo. Mais les objectifs affichés semblent dépasser, et de très loin, les limites du possible. « Dans les meilleurs des cas, quelques tendances lourdes peuvent être dégagées sur 10 ou 15 ans », indique le politologue africain, Alex Zaka, dans son article publié le 12 janvier dans Diasporas-News. En effet, le continent africain a besoin d’un vrai et grand développement, mais il est confronté à de nombreux défis tels que l’épidémie Ebola, les élections, la paix et la sécurité, l’emploi, la gouvernance et dernièrement, à une ascension terroriste sans précédent qui paralyse toute tentative de développement. Récemment l’Afrique a été témoin d’incursions des insurgés Shebabs somaliens au Kenya et en Somalie, d’attentats sanglants et d’exactions quasi-quotidiennes de Boko Haram au Nigeria, du retour des groupes armés au nord de Mali, et du développement du groupe Aqmi, branche d’Al-Qaëda dans certains pays plongés dans le chaos, comme la Libye. Ce sont ces groupes qui imposent leur agenda et leur communication, sans que l’UA ne puisse assurer la coordination des moyens de lutte.
De plus, les Etats africains savent qu’ils ne peuvent faire l’économie d’un remaniement de leurs appareils sécuritaires qui utilisent des moyens et des armes incapables de combattre l’hydre armée des groupes djihadistes. Devant ce déficit, les rôles américain et européen se sont amplifiés. La France et les Etats-Unis mènent leur politique et déploient leurs forces, au nom de leur propre sécurité, en fonction de leur zone d’influence. Ils interviennent ensuite, le plus souvent sous mandat onusien, avec des forces armées de la sous-région : l’opération Barkhane dans la bande sahélo-saharienne pour la France ; contre les Shebabs somaliens pour les Américains au Kenya, en Ouganda, et en Ethiopie.
La France occupe le devant de la scène, depuis l’opération Serval au Mali, en janvier 2013. Paris a lancé l’initiative d’organiser le Forum pour la Paix et la Sécurité en Afrique (décembre 2013) ; elle a encore accueilli le Sommet sur la sécurité au Nigeria (mai 2014), à la suite de l’enlèvement des 250 lycéennes de Chibok par Boko Haram. Et enfin, le dernier Forum sur la Paix et la Sécurité en Afrique de Dakar (décembre 2014) a été décidé à Paris, en décembre 2013, à l’issue de la conférence des chefs d’Etats au palais de l’Elysée. C’est vrai que l’UA y participe, mais sa voix n’est pas déterminante au moment des prises de décisions.
Par ailleurs, les tentatives de former une force panafricaine capable de résoudre les crises par une réaction rapide remontent au moins à 20 ans, notamment au temps du président Kadhafi. Ce dernier, qui voulait être le roi des rois africains, subventionnait tout organisme africain, surtout l’UA. La Capacité Africaine de Réactions Immédiates aux Crises (CARIC) est le dernier avatar des Forces Africaines en Attente (FAA), en gestation dès le début des années 2000. En réponse à cette prise de conscience africaine, naquit le Renforcement des Capacités Africaines de Maintien de la Paix (RECAMP) : une initiative française avec l’onction de l’Onu et de l’Union Européenne. Outre le montage complexe au niveau juridique et administratif, plusieurs pays membres militent pour une force sous-régionale, à leurs yeux, plus efficace.
Difficultés financières
« La principale difficulté de mise en oeuvre de cette force panafricaine découle du manque de moyens financiers. Dans chaque opération de maintien de paix en Afrique, nous ne pouvons que fournir les hommes et un peu de logistique. Et le financement dépend entièrement des institutions internationales, Banque Mondiale et Union européenne, ainsi que des fonds versés par les pays partenaires tels que la France, les Etats-Unis, le Japon, la Chine ... La main qui donne est toujours au-dessus de la main qui reçoit, a confessé, un jour, Jean Ping, l’ancien président de la commission de l’UA », explique Alex Zaka.
318 millions de dollars, tel est le budget de l’UA pour l’exercice 2014. Seulement 40 % de ce montant est couvert par les cotisations des Etats membres ; plus de 60 % relève donc de fonds internationaux dédiés au programme de développement et de bonne gouvernance pour l’Afrique. Si on scrute à la loupe la ventilation des 40 % débloqués par les 54 pays membres, les deux tiers sont libérés par quelques pays : l’Algérie, le Nigeria, l’Afrique du Sud et l’Egypte. Avec la disparition du colonel Kadhafi, l’Afrique pleure en quelque sorte son plus grand fournisseur de fonds. La Libye pesait à cette époque 15 % des ressources de l’UA. Ainsi, Zaka estime que les chefs d’Etat des pays, qui refusent de verser leur cotisation, ne devraient pas avoir le droit de prononcer de discours à l’UA et qu’il faudrait imposer une sanction plus sévère pour les pays qui oublient trop souvent de s’acquitter de leur quote-part. Pour l’image de leur chef d’Etat, ces pays préfèrent payer en priorité leur cotisation annuelle à l’Onu. Celle-ci ouvre une tribune à New-York même devant une salle vide, mais toujours bénéfique pour leur image et leur ego.
Parallèlement, l’ancien président nigérian Olesegun Obasanjo, a, depuis longtemps, rendu son rapport sur la recherche de modes de financement alternatif de l’organisation continentale : taxes sur les billets d’avion, vignette touristique. Pourtant, invité en décembre 2014, au Forum sur la sécurité et la paix en Afrique, le rapporteur réitéra que « le financement de la paix et la sécurité de l’Afrique doit être une affaire africaine », le budget de l’AMISOM, force panafricaine de 22 000 hommes pour la Somalie, revient à environ 500 millions de dollars par an.
L’UA et ses bailleurs de fonds ne devaient-ils pas changer de méthode ? « Mettre toute son énergie dans la prévention des conflits plutôt que de s’évertuer à jouer les pompiers. Installer les principes de bonne gouvernance, engager les efforts en matière de développement socio-économique, coûteraient moins cher même en vie humaine », conclut Zaka.
Ebola : un grand défi sanitaire
Avec plus de 500 morts, sur 844 personnes infectées, et un taux de mortalité de 61,5 % ; l’importante épidémie Ebola est combattue par tous les moyens. Dans une opération dénommée « ASEOWA », l’Union Africaine (UA) a envoyé sa première équipe en octobre dernier, composée de travailleurs de la santé et d’autres spécialistes pour lutter contre le virus (EVD), qui sévit présentement en Afrique de l’Ouest (à la Sierra-Leone, au Liberia et en Guinée). L’équipe de la mission composée d’épidémiologistes, de spécialistes de la santé publique et en communication, sont des volontaires originaires d’Ouganda, du Rwanda, de la République démocratique du Congo, du Nigeria et de l’Ethiopie. La mission a pour but de renforcer les capacités des mécanismes nationaux et internationaux à réagir à l’épidémie par la mobilisation de l’expertise technique, des ressources, du soutien financier et politique. Au total, 25 millions de dollars américains pour soutenir la mission a été promis par les bailleurs, et les Etats-Unis ont offert un paquet de 18 millions de dollars en guise d’appui à l’ASEOWA. Les pays de l’Afrique de l’Est forment la majorité du contingent « promis » avec ses 600 volontaires. Notons la mobilisation du secteur privé africain : il a pu collecter 32 millions de dollars
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