Une semaine après l’attaque contre le palais présidentiel à Banjul, les autorités gambiennes ont durci les mesures sécuritaires. Dimanche dernier, elles ont ordonné la fermeture d’une radio privée dont le responsable a été retenu pendant quelques heures. Des agents de sécurité « ont ordonné samedi au responsable de la radio Téranga, Alagie Cessay, d’arrêter immédiatement ses émissions », a affirmé une source sécuritaire sous couvert de l’anonymat. La radio Téranga n’émet plus depuis samedi. Aucun de ses responsables n’a souhaité évoquer cette affaire par peur de représailles. Aucune explication officielle n’a été non plus apportée à cette fermeture. La radio Téranga est populaire en Gambie, en raison notamment de sa traduction quotidienne en langues nationales des nouvelles publiées par les journaux gambiens. Elle avait été fermée en septembre 2012 à la suite de l’exécution en Gambie de neuf condamnés à mort, avant d’être rouverte.
Une attaque contre le palais présidentiel a eu lieu mardi 30 décembre, menée selon des sources sécuritaires, par des hommes lourdement armés venus par pirogue à Marina Parade, sur la corniche est de Banjul, où est situé le palais.
Outre la fermeture de la radio, plusieurs dizaines de civils et de militaires ont été arrêtés au lendemain de ce coup raté. « Une grande quantité d’armes et d’explosifs, destinés aux assaillants, a été découvert », a affirmé une source proche de l’enquête.
Le dirigeant gambien, en visite privée à Dubaï lors de l’attaque, a démenti une tentative de putsch militaire. « Ce n’est pas un coup d’Etat militaire comme on l’a appelé dans certains médias. Il n’y a eu aucune participation d’éléments des Forces armées de Gambie à cette attaque, elles ont été vraiment loyales », a assuré le chef de l’Etat. Il a plutôt évoqué un assaut de « terroristes soutenus par des puissances » étrangères, évoquant « des dissidents basés aux Etats-Unis, en Allemagne et au Royaume-Uni ». Washington a, pour sa part, nié toute intervention. « Le gouvernement américain n’a eu aucun rôle dans les événements qui se sont produits à Banjul », a annoncé jeudi dernier un responsable du département d’Etat.
Parmi les assaillants, il y a « des soldats qui ont été renvoyés de l’armée. L’un d’eux était l’ancien chef de la garde présidentielle. Il pensait que parce qu’il était là, il connaît tout du palais », a poursuivi le président Jammeh, sans autre précision. Selon une source militaire, les assaillants étaient « commandés par un ex-capitaine du nom de Lamin Sanneh, déserteur de l’armée », qui figure parmi les trois personnes tuées, selon un bilan non officiel.
Le chef des armées de Gambie, le général Ousman Badjie, a par ailleurs réitéré dimanche l’engagement de ses forces « à protéger le pays contre l’aventure militaire, l’occupation et la colonisation ». Il s’exprimait à la Télévision nationale, au lendemain d’une marche des forces de l’ordre, dont des soldats et des policiers, à Banjul pour prouver leur loyauté au président Jammeh.
La Gambie, ex-colonie britannique entièrement enclavée dans le Sénégal à l’exception de sa façade maritime sur l’Atlantique, est dirigée depuis 1994 par Yahya Jammeh dont le régime est régulièrement accusé de violations des libertés, des droits de l’homme et de la presse, menant régulièrement des purges contre ses opposants. Certains expriment déjà leur crainte que cet événement ne soit exploité par le régime contre la liberté d’expression. « Il y a un risque que le président Jammeh profite de cette situation pour se livrer à une répression », a estimé Aboubacry Mbodj, responsable de la Rencontre africaine pour la défense des droits de l’homme (Raddho), une ONG panafricaine basée à Dakar.
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