Pour la deuxième fois, un premier ministre somalien a été obligé de quitter la scène politique. Samedi dernier, les députés somaliens ont adopté à une large majorité la motion de défiance contre le premier ministre Abdiweli Sheikh Ahmad, en conflit ouvert avec le président Hassan Sheikh Mohamoud. « La motion contre le gouvernement a gagné avec 153 voix pour et 80 contre », a déclaré le président de la Chambre Mohamad Osman Jawari, qui a donné 30 jours au président pour nommer un nouveau chef de gouvernement. Deux députés se sont abstenus. Hassan Sheikh Mohamoud a salué le vote des députés, et en particulier le fait que les institutions ont résolu « le conflit politique sans intervention extérieure ». En novembre dernier, le président somalien avait fustigé les préoccupations exprimées par la communauté internationale au sujet de son différend avec le premier ministre, appelant au « respect du droit souverain de la Somalie ». Soulignant qu’Abdiweli Sheikh Ahmad et son équipe avaient « travaillé dur » au gouvernement, le président somalien a par ailleurs appelé la population et les institutions à leur réserver « le respect qu’ils méritent ».
De son côté, le premier ministre a dit « accepter » le vote, tout en défendant son bilan à la tête du gouvernement: « Mon administration n’a eu de cesse de poursuivre les réformes et nous laissons une solide fondation qui porte les espoirs et aspirations de tous les Somaliens ». Abdiweli Sheikh Ahmad, un économiste, avait été nommé premier ministre en décembre 2013. Il avait remplacé Abdi Farah Shirdon, lui-même alors en conflit avec le président et débarqué à l’issue d’une précédente motion de défiance.
La motion de défiance votée samedi pendait au nez d’Abdiweli Sheikh Ahmad depuis des semaines. Fin octobre, Hassan Sheikh Mohamoud s’en était violemment pris à lui en l’accusant de prendre des « décisions scandaleuses » pour ne pas l’avoir consulté avant un remaniement.
Autorité limitée
Pour sa part, la communauté internationale s’est largement inquiétée ces dernières semaines des luttes de pouvoir à la tête de l’Etat somalien, estimant qu’elles compromettaient les efforts pour ramener la paix dans ce pays, en proie à une sanglante insurrection des islamistes shebab. Rappelant que la Somalie avait « besoin de paix », l’envoyé spécial de l’Union européenne, Alexander Rondos, avait, lui, réclamé « une direction politique responsable ». Samedi, le représentant spécial de l’Onu pour la Somalie, Nicholas Kay, a de son côté estimé que le pays avait désormais besoin « d’une période de stabilité ». « Le gouvernement fédéral et le Parlement ont un important et urgent travail à faire pour aider la Somalie à faire des progrès en matière de politique, sécurité et développement dans les 21 mois de mandat qu’il leur reste », a-t-il ajouté. L’exécutif dirigé par Hassan Sheikh Mohamoud, tenu à bout de bras par la communauté internationale qui le présentait initialement comme le meilleur espoir de paix et de retour à un Etat effectif en plus de 20 ans de guerre civile, a largement déçu ses partisans qui désormais dénoncent, comme avec les précédentes administrations, corruption et luttes de pouvoir. Selon Hassan Abdi Hilla, un analyste somalien, interrogé par la chaîne Al-Jazeera, ce phénomène de lutte pour le pouvoir est inquiétant et prouve l’échec du gouvernement à assurer une stabilité politique. « Ce genre de conflit entre le président et le gouvernement peut aboutir à des conflits tribaux », met-il en garde, ajoutant que « le taux de corruption qui s’élève gravement présente un grand défi devant le gouvernement ».
En place depuis 2012, le régime peine à asseoir son pouvoir au-delà de Mogadiscio et sa périphérie, malgré les défaites successives infligées par la force militaire de l’Union africaine dans le centre et le sud aux insurgés islamistes. Dans de nombreuses régions, les Shebab, en partant, laissent la place à des chefs de guerre qui tentent d’imposer leur autorité .
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