Après 27 années de règne du président déchu Blaise Compaoré, contraint à la démission le 31 octobre par la rue, l’homme civil, Michel Kafando, devient président intérimaire du Burkina-Faso, ceci après une période marquée par les Burkinais d’«
injustice » et de «
gabegie ».
Le président de la transition, qui dirigera le pays jusqu’à la tenue des élections présidentielles et législatives, prévues en novembre 2015, s’est montré très ferme lors de son premier discours, vendredi dernier, fustigeant le régime de Blaise Compaoré. Il l’a pourtant représenté alors qu’il oeuvrait de 1998 à 2011 auprès des Nations-Unies en tant qu’ambassadeur du Burkina.
Dénonçant un régime gangrené par « l’injustice » et la « corruption », il a alors averti, s’attirant les vivas de la foule: « Avec ceux qui ont méprisé cette justice et qui pensent qu’ils peuvent dilapider impunément le denier public, nous réglerons bientôt les comptes ».
Michel Kafando, de nature plutôt réservé et au profil de technocrate, a envoyé un autre signal fort en annonçant des investigations pour identifier le corps du président Thomas Sankara, tué lors du putsch qui porta au pouvoir en 1987 Blaise Compaoré. Une mesure très populaire, de nombreux jeunes ayant contribué à chasser Compaoré se revendiquent du « sankarisme ». La famille Sankara demande depuis 1997 l’exhumation du corps de ce héros national, icône du panafricanisme qualifiée de « Che africain », pour vérifier que le corps enterré est bien le sien, ce que la justice burkinaise n’a jamais accepté.
Zida va diriger le pays
Par ailleurs, le pouvoir, que Kafando a reçu des mains du lieutenant-colonel Isaac Zida, l’homme fort du pays depuis la chute de Compaoré, est en question selon des observateurs. Ils pensent que Zida pourrait continuer de tenir les rênes du pays, comme il le faisait depuis la chute du régime Compaoré.
De plus, la nomination de Zida au poste de premier ministre a, cependant, eu « un goût de gueule de bois », d’après un diplomate interrogé par l’AFP, « Personne ne s’y trompe, c’est (Zida) qui va diriger le pays », prédit-il. Dans les faits, le nouveau chef du gouvernement a déjà pris le pays en main: deux patrons d’entreprises publiques, proches de la famille Compaoré, ont été remerciés « pour sabotage », et les conseils municipaux et régionaux ont été suspendus.
En outre, la composition du gouvernement, promise cette semaine et qui ne sera actif qu’un an, sera scrutée à la loupe: elle permettra d’en savoir plus sur la répartition des pouvoirs au sommet de l’Etat et sera révélatrice de l’état d’esprit du nouveau pouvoir et surtout de la marge de manoeuvre de Kafando. « Maintenant qu’on a un numéro un et un numéro deux, on va voir si le numéro deux a, oui ou non, plus de pouvoir que le numéro un », a décrypté un diplomate.
Selon des experts du dossier, si l’armée s’octroie les portefeuilles clés, la mainmise d’Isaac Zida devrait être ouvertement confirmée, même si le lieutenant-colonel a transmis symboliquement le pouvoir, vendredi dernier au président intérimaire. Si, à l’inverse, les civils occupent les principaux ministères (Sécurité, Affaires étrangères, Finances, Affaires sociales et les Mines, etc.), cela signifiera que Michel Kafando gagne en indépendance ou que l’armée manoeuvre plus subtilement.
Pour sa part, la communauté internationale avait menacé le pays de sanctions si le président intérimaire était un militaire. Le président sénégalais Macky Sall, qui fut l’émissaire de la Cedeao, l’organisation régionale ouest-africaine, durant la crise burkinaise, a appelé à « accompagner » la transition. « Les militaires au Burkina font partie du décor politique », a-t-il fait valoir. « L’armée a accepté le principe sur lequel nous n’avons pas du tout lésiné: il ne pouvait pas y avoir un chef d’Etat militaire, ce n’était pas acceptable », a-t-il souligné. La période de transition s’arrêtera en novembre 2015 avec la tenue des élections présidentielles et législatives, auxquelles ni Kafando, ni Zida ne pourront légalement se présenter.
Burkina-Faso est un pays sahélien pauvre de 17 millions d’habitants et où tous les changements de régime se sont faits par putsch depuis son indépendance en 1960.
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