Après plus de 5 mois de l’enlèvement de 219 lycéennes par la rébellion Boko Haram, un incident qui avait suscité un émoi international, l’Etat nigérian n’a trouvé d’autre solution, pour sauver ses filles et mettre fin aux violences, que d’entamer un accord avec ce groupe extrémiste. « Un accord de cessez-le-feu a été conclu entre le gouvernement fédéral du Nigeria et Jama’atu Ahlis Sunna Lidda’awati wal-Jihad (groupe pour la prédication et le djihad, plus connu sous le nom de Boko Haram) », a déclaré, samedi, le chef d’état-major de l’armée nigériane, Alex Badeh. Et d’ajouter: « J’ai donné des directives aux chefs des différents corps de l’armée afin que l’on s’assure que ces récents développements soient appliqués sur le terrain », alors que le conflit a, déjà, fait des milliers de morts depuis cinq ans.
En parallèle, le premier secrétaire de la présidence, Hassan Tukur, a affirmé à l’AFP qu’un accord avait été conclu avec le groupe islamiste, mettant fin aux violences et prévoyant la libération de 219 jeunes filles, toujours, portées disparues. « Ils ont accepté de libérer les jeunes filles de Chibok », a-t-il ajouté, faisant référence aux 219 adolescentes toujours portées disparues depuis leur enlèvement, le 14 avril dernier, de leur lycée de Chibok, au nord-est du Nigeria.
Mais cette annonce a été accueillie avec la plus grande prudence. Tout comme la survie du cessez-le-feu. D'ores et déjà, il a été mis en doute par des témoignages, faisant état d’attaques meurtrières de Boko Haram dans le nord-est du pays. Or, la vérification de ces violences dans le nord-est du Nigeria est extrêmement complexe: en raison de l’état d’urgence instauré dans le nord-est du pays, les liaisons téléphoniques sont difficiles et les déplacements presque impossibles.
Aussi, politiquement parlant, le doute persiste toujours sur ce cessez-le-feu, qui survient alors que le président nigérian, Goodluck Jonathan, est censé annoncer sa candidature à sa propre succession, en février prochain, et alors que les questions de sécurité sont au coeur du débat politique. D’autant que le gouvernement et l’armée nigériane ont déjà annoncé, à plusieurs reprises, la fin de l’insurrection armée qui a fait plus de 10000 morts dans le pays, ces cinq dernières années, et la libération imminente des lycéennes, sans que ces déclarations soient suivies d’effets. « Ce genre d’annonce a déjà été fait (par le gouvernement) de nombreuses fois », relève Shehu Sani, avocat et militant des droits de l’homme, impliqué dans de précédentes tentatives de négociations et cité par l’AFP.
Une autre interrogation porte sur la représentativité de Danladi Ahmadu, présenté comme l’émissaire de Boko Haram. « Danladi Ahmadu ne fait pas partie du commandement de Boko Haram et ne parle pas en leur nom autant que je sache », affirme dans un tweet Ahmad Salkida, un journaliste nigérian réputé pour avoir des contacts de haut niveau au sein de Boko Haram. Un chercheur d’International Crisis Group (ICG), Nnamdi Obasi, renchérit: « On ne sait pas exactement qui est le négociateur de Boko Haram et s’il représente tout le groupe ou bien une seule partie ».
A cela s’ajoute une autre question qui porte sur ce que Boko Haram obtiendrait en échange de la libération des lycéennes. Dans le passé, son chef, Abubakar Shekau, avait demandé une libération massive de ses militants, capturés par l’armée nigérienne. « Nous n’avons pas de détails sur ce que Boko Haram aurait obtenu », constate le chercheur d’ICG. Très sceptique, Ryan Cummings, un chef analyste d’Africa at Risk Consultants Red24 (une société basée en Afrique du Sud spécialisée dans la gestion des risques), estime que, même confirmé, un cessez-le-feu ne serait que temporaire. « Boko Haram n’a pas subi assez de pression pour déposer les armes et il est très improbable que le gouvernement nigérian cède à toutes les demandes de la secte », conclut cet expert .
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