Mohamed Hag Attaher un haut cadre du MNLA et ayant tenu des négociations à Ouagadougou.(Photos:Reuters)
Convaincre Ansar dine(les défenseurs de l’islam), l’un des groupes islamistes armés occupant le nord du Mali, de rompre avec Al-Qaëda au Maghreb islamique (Aqmi) était la mission essentielle de la médiation burkinabée qui a reçu cette semaine leur délégation à Ouagadougou. Lors de sa rencontre avec les émissaires d’Ansar dine, arrivés vendredi et emmenés par Algabass Ag Intalla, élu du nord du Mali et haut cadre du groupe, le ministre burkinabé des Affaires étrangères, Djibrill Bassolé, a indiqué que la délégation rencontrera également, dans quelques jours, le président Blaise Compaoré, médiateur pour la Communauté Economique Des Etats d’Afrique de l’Ouest (CEDEAO) dans la crise malienne. Le chef de l’Etat burkinabé se chargera de rappeler aux envoyés islamistes « les exigences de la CEDEAO, qui sont qu’Ansar dinese désengage du terrorisme et du crime organisé et rentre dans le processus de dialogue politique », a expliqué Bassolé. Compaoré pousse à une résolution pacifique tandis que se prépare une intervention militaire internationale pour chasser les islamistes armés qui contrôlent le nord du Mali depuis sept mois. Selon le chef de la diplomatie burkinabée, il n’y a là aucune contradiction : « Nous aurons besoin de l’usage de la force pour mettre hors d’état de nuire les groupes terroristes qui opèrent dans la zone ».
Ansar dine, mouvement dirigé par l’ex-rebelle touareg malien Iyad Ag Ghaly, a aussi envoyé vendredi une délégation en Algérie, pays incontournable pour un règlement de la crise et qui soutient aussi que le divorce avec l’Aqmi en est une clé. Selon le quotidien algérien Al-Watan, qui cite un « haut responsable algérien », Ansar dine qui, avec ses alliés, applique avec brutalité la charia (loi islamique) dans le nord du Mali, serait prêt à faire des concessions : « Iyad Ag Ghaly, qui a toujours maintenu des liens avec Alger, devrait faire une déclaration dans les tous prochains jours dans laquelle il prendra officiellement ses distances avec l’Aqmi et acceptera de jouer le jeu de la démocratie ». Pour Al-Watan, « sous réserve de la concrétisation de cet engagement d’Ansar dine, l’Algérie aura réussi son pari de faire changer son fusil d’épaule à un mouvement qu’elle était la seule à considérer comme récupérable ». La secrétaire d’Etat américaine, Hillary Clinton, aurait ainsi accordé, lors de ses entretiens le 30 octobre à Alger, une sorte de sursis à l’Algérie dans ce sens, avant de lancer l’assaut.
Par ailleurs, l’Algérie et le Burkina Faso cherchent depuis des mois à faire participer Ansar dine à une solution négociée et à l’éloigner d’Aqmi, jugé infréquentable pour ses activités terroristes, de même que l’est le Mouvement pour l’unicité et le djihad en Afrique de l’Ouest (Mujao), le troisième groupe islamiste du nord du Mali. Dans ce cadre, Djibrill Bassolé s’est rendu en août dans les villes du nord du Mali, Gao et Kidal, toutes deux contrôlées par les islamistes. A Kidal, le ministre burkinabé a rencontré Iyad Ag Ghaly, et l’a appelé à prendre ses distances avec les autres groupes terroristes et fondamentalistes, opérant dans le nord du Mali. Par ailleurs, des émissaires d’Ansar dine s’étaient déjà rendus en septembre à Alger où ils avaient notamment rencontré un officiel malien.
Force de 3 000 hommes
L’accélération des discussions survient alors que l’intervention militaire dans le nord du Mali est en pleine préparation. Depuis le 29 octobre, des experts africains, y compris algériens, européens et onusiens, étudient à Bamako le « concept opérationnel » de celle-ci. Le Conseil de sécurité de l’Onu a adopté le 12 octobre une résolution autorisant le déploiement d’une force de quelque 3 000 hommes au Mali, soutenue sur le plan logistique par la France et les Etats-Unis, et a donné jusqu’au 26 novembre à la CEDEAO pour préciser son plan d’intervention. L’Onu a aussi invité Bamako et les rebelles touareg — Ansar dine et le Mouvement National de Libération de l’Azawad (MNLA), mouvement indépendantiste et laïque qui a été supplanté par les islamistes — à s’impliquer dès que possible dans un processus de négociations crédibles. Ses essais de rapprochement n’interfèrent toutefois pas dans les préparatifs de l’intervention. « Un tel dialogue n’interdit pas l’usage de la force. Il a plutôt pour but de permettre le regroupement de certains groupes armés composés essentiellement de touareg, Ansar dineet le MNLA »a, en effet, affirmé,mi-octobre à Bamako, un haut dirigeant de l’Onu qui ajoutait que « moins il y aura de groupes armés, plus il sera facile d’intervenir militairement ».
Il reste absolument hors de question pour la communauté internationale de négocier, ni avec l’Aqmi, ni avec le Mujao, qui sont par ailleurs essentiellement composés d’étrangers.
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