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Haro sur Boko Haram

Sabah Sabet, Mardi, 20 mai 2014

Le Nigeria et ses voisins ont adopté, samedi à Paris, un plan de « guerre » contre le groupe extrémiste Boko Haram, qualifié de « secte terroriste » et de « menace majeure » pour l’ensemble de la région.

Nigeria
Le sommet de Paris s'est penché sur la coopération sécuritaire entre les pays de la région. (Photo : AP)

Malgré les attentats et les explosions quasi quotidiennes au Nigeria, c’est l’enlè­vement de 223 lycéennes, il y a un mois, qui a provoqué une mobilisa­tion internationale contre le groupe extrémiste Boko Haram, apparu en 2002 et dont les attaques sanglantes ont fait des milliers de morts depuis 2009.

Réunis autour du président fran­çais François Hollande, le chef de l’Etat nigérian, Goodluck Jonathan, et ses homologues du Tchad, du Cameroun, du Niger et du Bénin ont annoncé, samedi lors d’un sommet, un plan de lutte régionale de grande envergure, auquel les Occidentaux doivent apporter leur soutien. « Boko Haram est devenu une menace majeure pour l’ensemble de l’Afrique de l’Ouest et maintenant pour l’Afrique centrale, ses liens avec Aqmi et d’autres organisations terro­ristes ont été établis », a souligné Hollande lors du sommet auquel les Etats-Unis, la Grande-Bretagne et l’Union européenne ont aussi été conviés.

Le plan prévoit « la coordination du renseignement, l’échange d’infor­mations, le pilotage central des moyens, la surveillance des fron­tières, une présence militaire autour du lac Tchad et une capacité d’inter­vention en cas de danger », selon François Hollande. L’accord prédit notamment des « patrouilles coor­données, ce qui n’était pas le cas, entre les pays limitrophes du Nigeria », a souligné le chef de la diplomatie française, Laurent Fabius.

Selon des experts, ce plan peut réussir si les moyens promis sont bien mobilisés contre l’insurrection extrémiste. « L’accord auquel sont parvenus les dirigeants africains pour construire une coopération militaire régionale dans la guerre contre Boko Haram va changer la donne », juge Dapo Thomas, profes­seur de sciences politiques à l’Uni­versité d’Etat de Lagos, cité par l’AFP. Selon Thomas, la réussite de cette mission nécessite que les lea­ders mettent de côté leurs rivalités individuelles.

Par ailleurs, un des principaux buts du sommet était d’amener les pays de la région à collaborer au plan sécuritaire, ce qui n’est pas toujours le cas notamment entre le Nigeria et le Cameroun, longtemps brouillés pour un différend territorial. « Nous sommes ici pour affirmer notre soli­darité et notre détermination à lutter contre Boko Haram, qui est devenu un problème régional, sinon conti­nental », a déclaré le président came­rounais Paul Biya. Le président nigé­rian Goodluck Jonathan a promis aussi un travail commun « contre Boko Haram».

Les chefs d’Etat se sont également engagés à élaborer dans un second temps une stratégie régionale de lutte contre le terrorisme, dans le cadre de la Commission du Bassin du lac Tchad. « Les dirigeants africains vont devoir surmonter des problèmes de logistique et de partage du rensei­gnement », insiste cependant Nwolise Osisioma, directeur du département des sciences politiques et des relations internationales à l’Université d’Ibada. Il rappelle aussi qu’il ne faut pas exclure le dialogue avec les rebelles: « La crise n’aurait pas atteint un tel point si le gouver­nement avait négocié dès le début de la rébellion en 2009 ».

L’imposition de sanctions interna­tionales à l’encontre de Boko Haram par l’Onu a également été évoquée. Selon le sous-secrétaire du départe­ment d’Etat américain Wendy Sherman, la proposition pourrait être faite dès la semaine prochaine au Conseil de sécurité.

Qui est Boko Haram ?

En haoussa, l’une des langues parlées au Nigeria, boko haram signifie « l’éducation occidentale est un péché ». C’est le surnom donné au groupe par les populations locales du nord-est du pays. Officiellement, Boko Haram se fait appeler « Jamaatu Ahlu El Sunna lil Daawa wel Jihad ». En français, la communauté des sunnites pour la prédication et la guerre sainte. Le groupe a été fondé en 2002 sur le modèle des Talibans afghans. Il prône la stricte application de la charia et s’attaque autant aux cibles gouvernementales qu’aux populations civiles.

Boko Haram s’est engagé dans une escalade de la vio­lence depuis 2009. Le 14 avril, le groupe signe l’attentat le plus meurtrier jamais commis au Nigeria. L’explosion dans une gare routière en périphérie d’Abuja fait 75 morts et une centaine de blessés. Le même jour, 129 lycéennes sont enlevées dans le nord-est. Un mois plus tard, le nombre d’otages s’élève à plus de 220. Dans sa dernière vidéo, postée le 12 mai, le chef de Boko Haram, Abubakar Shekau, se dit prêt à relâcher les lycéennes converties à l’islam contre la libération des membres de Boko Haram qui sont derrière les barreaux. Un chantage refusé par le gouvernement nigérian.

L’un des objectifs politiques du groupe islamiste est d’obtenir une partition du Nigeria. Le nord est à majo­rité musulmane, alors que le sud est peuplé de chrétiens. Le nord souffre de pauvreté chronique quand le sud récolte les fruits de la croissance économique.

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