Selon des observateurs, l'application de l'accord entre les deux rivaux sud-soudanais n'est pas certaine.
(Photo:Reuters)
Suite aux intenses pressions diplomatiques, aux menaces américaines et à celles de l’Onu, un accord de cessez-le-feu a été signé vendredi dernier à Addis-Abeba entre le président sud-soudanais, Salva Kiir, et son ancien vice-président, Riek Machar.
Mais, deux jours à peine après la signature de l’accord, son application n’est pas certaine. Les rebelles du Soudan du Sud ont, en effet, accusé dimanche les forces gouvernementales de multiples violations sur plusieurs fronts. En revanche, le ministre de la Défense, Kuol Manyang, a déclaré que la situation était « calme, et nous n’avons été l’objet d’aucune attaque ».
Rien ne garantit donc que l’accord tienne. En effet, un cessez-le-feu avait déjà été signé en janvier, mais aucun des deux côtés ne l’a respecté. Selon des observateurs, l’engagement d’un tel accord n’est pas facile. « Bien sûr, c’est une question très difficile. Certains commandants cherchent à agir selon leur bon vouloir, sans instructions. Donc, nous pouvons nous attendre à des routes pleines d’obstacles », a dit Simon Monoja Lubang, chercheur à l’Université de Juba. Car à la rivalité politique à la tête du régime entre Kiir et Machar, se sont greffées de vieilles rancunes entre peuples Dinka et Nuer, les deux principales communautés du pays dont sont issus les deux hommes. Les Nations-Unies et des ONG ont dénoncé des crimes de guerre et des massacres ethniques des deux camps.
Malgré les obstacles, la communauté internationale intensifie la pression pour éviter le pire. Outre la cessation des hostilités, l’accord signé sous les auspices internationales stipule la formation d’un « gouvernement de transition » qui « offre les meilleures chances au peuple du Soudan du Sud » avant les prochaines élections, dont la date n’a pas été précisée, selon Seyoum Mesfin, de l’Autorité intergouvernementale pour le développement (Igad). L’organisation sous-régionale est-africaine ayant assuré la médiation dans les pourparlers. Le secrétaire général de l’Onu, Ban Ki-moon, qui s’était rendu dans le pays la semaine dernière, s’est félicité de l’accord et a invité les deux protagonistes à « immédiatement traduire leurs engagements en actes sur le terrain ». Quant au secrétaire d’Etat américain John Kerry, récemment en visite au Soudan du Sud, il a jugé que l’accord « pourrait constituer une avancée majeure ». Dans un communiqué, il a appelé les deux leaders à s’assurer que « cet accord soit totalement appliqué et que les groupes armés des deux côtés » y adhèrent.
Catastrophe humanitaire
A cela s’ajoutent les difficultés humanitaires. L’Organisation de l’Onu pour l’alimentation et l’agriculture (FAO) a estimé samedi que le pays est au bord de la famine, et qu'un « niveau exceptionnel d’insécurité alimentaire » touche un tiers des 11,5 millions de Sud-Soudanais. Le Programme Alimentaire Mondial (PAM) a indiqué qu’une « catastrophe alimentaire pouvait encore être évitée, à condition que les ONG alimentaires soient autorisées à atteindre les dizaines de milliers de personnes dans le besoin avant qu’il ne soit trop tard ». C’est ainsi qu’une clause essentielle dans l’accord prévoit l’ouverture de couloirs humanitaires (...) et la coopération avec les agences humanitaires et de l’Onu, afin que l’aide humanitaire atteigne toutes les zones du Soudan du Sud.
D’autre part, le Haut Commissaire de l’Onu aux droits de l’homme, Navi Pillay — ex-juge au Tribunal pénal international ayant jugé le génocide du Rwanda — a dit avoir reconnu « de nombreux éléments précurseurs d’un génocide » dans un rapport de l’Onu publié jeudi dernier sur les atrocités sud-soudanaises. Selon ce document, « les deux camps ont commis, dès le début du conflit, des violations particulièrement graves des droits de l’homme et du droit humanitaire international à grande échelle ». « Les civils n’ont pas seulement été pris dans les violences, mais délibérément visés sur des critères ethniques », a affirmé la Mission de l’Onu au Soudan du Sud (Minuss), précisant que toutes les parties au conflit ont commis des viols et des violences sexuelles contre des femmes de groupes ethniques différents. Plus de 78 000 civils sont actuellement protégés par des Casques bleus dans 8 camps de l’Onu à travers le pays, craignant d’être tués s’ils risquent d'en sortir.
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