Les élections du 13 avril en Guinée-Bissau se tiendront deux ans après le coup d'Etat d'avril 2012.
Il est totalement inacceptable pour l’Onu, pour le secrétaire général et pour le Conseil de sécurité qu’il y ait des pressions, des menaces et des ingérences dans ce processus démocratique », a réagi le représentant spécial du secrétaire général de l’Onu, José Ramos Horta, après des déclarations agressives de certains candidats aux élections législatives et présidentielle, prévues le 13 avril en Guinée-Bissau. La campagne a débuté le samedi 22 mars sur fond d’inquiétudes, certains responsables politiques proliférant des menaces à peine voilées envers d’autres candidats. Le représentant onusien a du coup menacé d’intervenir. « J’ai déjà avisé le secrétaire général et le Conseil de sécurité de cette question. Si cela est nécessaire, le secrétaire général et le Conseil de sécurité au plus haut niveau prendront les mesures qui s’imposent », dit-il. Par ailleurs, les médias ont reçu des avertissements de l’organe de régulation, de ne pas diffuser des discours appelant à la haine ou de nature à perturber le bon déroulement de la campagne.
Au total, 13 candidats sont en lice pour la présidentielle et 15 partis politiques pour les législatives. Ils sont en campagne pour convaincre 750 000 électeurs. Parmi les candidats figurent José Mario Vaz et Abel Incada, représentant les deux principales formations politiques du pays, le Parti africain pour l’Indépendance de la Guinée-Bissau et du Cap-Vert (PAIGC) et le Parti de la Rénovation Sociale (PRS) de l’ex-président Kumba Yala, qui a abandonné la vie politique. L’ex-premier ministre Carlos Gomes Junior, du PAIGC, arrivé en tête du premier tour de la présidentielle interrompue en avril 2012, vit en exil depuis que son régime eut été renversé. L’un des candidats est Paulo Gomes, indépendant et atypique dans le paysage politique de la Guinée-Bissau jusqu’alors essentiellement dominé par des caciques de la guerre d’indépendance contre le Portugal. Paulo Gomes est un brillant économiste de 50 ans qui a passé la plus grande partie de sa vie à l’étranger, notamment à la Banque mondiale dont il a dirigé la section Afrique subsaharienne. Ces élections auraient dû se tenir un an après le dernier coup d’Etat militaire du 12 avril 2012, mais ont été reportées à de nombreuses reprises. Le putsch mené par le général Antonio Indjai avait renversé le régime du premier ministre, Carlos Gomes Junior, et s’était tenu entre les deux tours d’une présidentielle interrompue de facto. L’instabilité chronique et l’extrême pauvreté de la Guinée-Bissau, ex-colonie portugaise de 1,6 million d’habitants qui ne compte plus les coups d’Etat depuis son indépendance en 1974, ont facilité l’implantation de trafiquants de drogue avec la complicité présumée de hauts responsables de l’armée, dont son chef, le général Indjai. Ce petit pays d’Afrique de l’Ouest coincé entre le Sénégal et la Guinée, est cité par les organisations internationales de lutte anti-drogue comme l’une des principales plaques tournantes du narcotrafic entre l’Amérique du Sud et l’Europe. Loin de ce trafic, l’économie repose sur l’agriculture et la pêche, qui représentent environ 63 % du PIB. L’agriculture assure 80 % des moyens de subsistance et 90 % des exportations. Plus des deux tiers des Bissau-Guinéens vivent en dessous du seuil de pauvreté. Une situation aggravée par la suspension de l’aide de ses partenaires internationaux — dont le principal, l’Union Européenne (UE) — après le coup d’Etat de 2012. Ils n’ont pas reconnu les autorités de transition alors mises en place avec l’aval des militaires auteurs du coup d’Etat.
Selon des observateurs, quel que soit le vainqueur de la présidentielle, il devra composer avec une armée toute puissante et pléthorique, héritage de la guerre de libération contre le Portugal. « Le plus dur en Guinée-Bissau n’est pas toujours de doter le pays d’un président démocratiquement élu, c’est de lui garantir de bonnes chances de survie politique et physique jusqu’à la fin de son mandat, surtout s’il lui venait à l’esprit de toucher aux intérêts des chefs militaires et/ou des alliés locaux des réseaux internationaux de trafic de drogue actifs dans ce pays », conclut Gilles Yabi, analyste politique ouest-africain.
En outre, la Communauté économique des Etats d’Afrique de l’Ouest (Cédéao), à laquelle appartient la Guinée-Bissau et qui a maintenu son aide, sera chargée en grande partie d’assurer la sécurité des élections. Elle a envoyé 750 hommes dans le pays après le putsch de 2012, mais leur nombre devait augmenter à l’approche des élections.
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