«nous ne pouvons continuer à encourager l’intolérance, la xénophobie et les actes ignobles contre nos frères et soeurs musulmans qui ont toujours vécu dans la plus parfaite harmonie dans le pays avec nous ». C’est ce qu’a annoncé samedi la présidente centrafricaine de transition, Catherine Samba Panza, à l’occasion de la Journée internationale de la femme contre les tueries et exactions qui s’exercent contre les musulmans dans un pays en proie à des violences interreligieuses.
« Les images de ces frères et soeurs, obligés de vivre confinés dans certains quartiers comme des prisonniers, ou de quitter notre pays par milliers, parce que certains ne les y acceptent plus et leur rendent la vie impossible, sont intolérables et ne nous honorent guère », a-t-elle poursuivi. Elue en janvier pour succéder à Michel Djotodia, contraint à la démission pour son incapacité à mettre fin aux tueries interreligieuses, Mme Samba Panza a fait du retour à la paix civile sa première priorité, mais sur le terrain les massacres contre les musulmans passent quotidiennement. Samedi dernier, une source sécuritaire centrafricaine a annoncé que quatre civils musulmans ont encore été assassinés à Bangui la veille par des inconnus armés et leurs corps sauvagement mutilés. Trois de ces victimes ont été attaquées par des individus lorsqu’ils se rendaient à l’aéroport de Bangui M’poko à bord d’un véhicule de la sûreté aéroportuaire armée.
Proche de l’aéroport où sont basées les forces française Sangaris et africaine Misca, le quartier Combattant est l’un des plus dangereux de la capitale centrafricaine. Des bandes de pillards et des miliciens anti-balaka s’attaquent régulièrement aux musulmans qui passent dans le quartier. Le quatrième sujet musulman habitant le quartier Malimaka dans le 5e arrondissement a été attaqué par des individus qui l’ont lynché et découpé à la machette. Certaines parties de son corps, notamment ses mains, ont été portées par des jeunes faisant le tour du quartier, a ajouté la source sécuritaire.
Face à ces massacres, le Haut commissaire de l’Onu pour les réfugiés, Antonio Guterres, a dénoncé un nettoyage ethnique contre les populations musulmanes en Centrafrique. « Depuis début décembre, nous avons effectivement assisté à un nettoyage ethnique de la majorité de la population musulmane vivant dans l’ouest de la RCA », a estimé le responsable, lors d’une réunion du Conseil de sécurité de l’Onu consacrée à la situation dans l’ancienne colonie française. Depuis la chute de l’ancien président François Bozizé, les affrontements qui opposent les rebelles de l’ex-Séléka, qui ont mené le coup d’Etat en 2013, et les milices « anti-balaka », organisées en groupes menant des représailles, ont fait des milliers de morts et blessés surtout les musulmans. Sans compter les déplacements de plusieurs milliers de populations. Certaines ont dû aller se réfugier dans le Cameroun voisin, et affirment ne pas être prêtes à revenir dans le pays.
Problèmes de financement
Pendant ce temps, l’Onu poursuit ses discussions à propos de la proposition du secrétaire général des Nations-Unies, Ban Ki-moon, de déployer d’ici à la mi-septembre 12 000 soldats et policiers en Centrafrique. Une proposition qui a suscité d’intenses discussions au Conseil de sécurité.
Si les membres du Conseil de sécurité de l’Onu s’accordent sur le fait qu’il faut déployer des Casques bleus à Bangui, la question de la taille et du financement de cette opération de maintien de la paix fait l’objet d’intenses pourparlers.
« Ce sera une négociation difficile car pour beaucoup de pays, le coût des opérations de maintien de la paix pose problème », a souligné l’ambassadeur français Gérard Araud à l’issue d’une réunion jeudi 6 mars à New York. Ces discussions étaient les premières du Conseil sur la proposition de Ban Ki-moon de déployer d’ici la mi-septembre 12 000 soldats et policiers en RCA.
« Tous les Etats membres comprennent la nécessité d’une opération de maintien de la paix mais il y a des questions, des nuances sur la nature de la menace », a poursuivi l’ambassadeur français. Il a admis qu’il s’agirait d’une « opération lourde et inscrite dans la durée », qui coûterait plusieurs centaines de millions de dollars par an selon les estimations de l’Onu.
Par ailleurs, la France va proposer dans les semaines qui viennent à ses partenaires d’adopter une résolution autorisant cette opération, qui prendra le relais de la force de l’Union africaine (Misca) déjà sur place aux côtés des 2 000 soldats français de l’opération Sangaris.
Pour sa part, l’ambassadrice américaine à l’Onu, Samantha Power, a affirmé que les Etats-Unis « soutiennent » la demande du secrétaire général de l’Onu et sont prêts à « travailler en collaboration étroite avec leurs partenaires » sur ce projet. « Il est clair qu’une (telle) opération devra être soutenue par des partenaires sur le terrain, y compris par le biais d’une présence militaire continue et solide », a-t-elle déclaré. L’administration Obama devra cependant convaincre le Congrès de financer l’opération.
« Nous sommes d’accord sur l’objectif (...) mais un certain nombre de questions ont été posées », a de son côté expliqué le patron des opérations de maintien de la paix de l’Onu, Hervé Ladsous. Il a fait valoir que l’opération serait « flexible » et sa mise en place progressive afin d’amortir un « coût important », qu’il a chiffré à « des centaines de millions mais pas un milliard » de dollars par an.
Mais « retarder une réponse durable pourrait être encore plus coûteux », a-t-il plaidé en soulignant « l’impact négatif potentiel pour la stabilité de la région, y compris une division du pays et la création d’un terrain propice aux groupes extrémistes ». En attendant l’arrivée des Casques bleus à l’automne, il avait appelé « à apporter d’urgence à la Misca un soutien financier rapide et généreux ». La plupart des futurs Casques bleus viendront des rangs de la Misca.
La patronne des opérations humanitaires de l’Onu, Valerie Amos, a également plaidé pour l’envoi de renforts. « A l’heure où je vous parle, des gens vivent dans la peur d’être attaqués et la communauté internationale semble paralysée », a-t-elle déclaré devant le Conseil .
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