
Malgré les tentatives de médiation, les combats se poursuivent.
(Photo : Reuters)
La menace du déclenchement d’une guerre civile dans le plus jeune Etat du monde a poussé plusieurs médiateurs à intervenir. Sous l’égide de l’Igad, (Autorité intergouvernementale pour le développement), bloc régional des pays d’Afrique de l’Est, des négociations directes sur un cessez-le-feu ont démarré dimanche dernier à Addis-Abeba, entre la délégation du président sud-soudanais Salva Kiir et celle des rebelles de Riek Machar. Des négociations, censées mettre fin à près de trois semaines de combats ayant fait des milliers de morts au Soudan du Sud. Le ministre éthiopien des Affaires étrangères, Tedros Adhanom, déclarait à Addis-Abeba que le «
souhait de tous » était que «
les négociations directes vers la paix au Soudan du Sud soient un succès ».
« Le Soudan du Sud mérite la paix et le développement, et non la guerre. Nous sommes reconnaissants envers les membres des deux équipes de négociations pour les progrès accomplis aujourd’hui », a-t-il ajouté. « Le gouvernement sud-soudanais et l’opposition se sont engagés à régler leurs différends politiques par le dialogue », a déclaré Seyoum Mesfin, ex-ministre des Affaires étrangères éthiopien et envoyé spécial de l’Igad.
De son côté, l’Union européenne a « salué » samedi la tenue de ces « pourparlers ». « Nous demandons au gouvernement de créer les conditions d’un débat politique ouvert qui passe par la libération accélérée de tous les dirigeants politiques détenus à Juba », a indiqué un porte-parole de la chef de la diplomatie européenne, Catherine Ashton.
Le secrétaire d’Etat américain John Kerry insiste sur la nécessité de prendre ces négociations au sérieux. « Les deux parties doivent placer l’intérêt du Soudan du Sud au-dessus du leur. Il faut que les négociations soient sérieuses, elles ne peuvent pas être une manière de gagner du temps, un stratagème pour prendre l’avantage militaire », a-t-il insisté. En fait, ces pourparlers ont eu lieu après une première rencontre samedi dernier qui n’a pas fait cesser la violence sur le terrain. Les affrontements les plus intenses ont eu lieu samedi, où l’armée sud-soudanaise a combattu pour reprendre le contrôle de la ville stratégique de Bor— 200 km au nord de la capitale du Soudan du Sud —, capitale de l’Etat de Jonglei, l’un des plus grands Etats du pays.
A forces égales
D’intenses batailles impliquant des chars et l’artillerie ont été signalées aux alentours de la ville qui a changé de mains à trois reprises en près de trois semaines de conflit. Le conflit au Soudan du Sud — dont l’économie repose entièrement sur l’exploitation du pétrole —, qui a démarré le 15 décembre entre les unités de l’armée fidèles à Kiir et la rébellion soutenant Machar, aurait déjà fait des milliers de morts et 200 000 déplacés. L’Igad, qui comprend l’Ethiopie, le Kenya et l’Ouganda, trois puissants soutiens du gouvernement du président Kiir, a joué un rôle-clé dans l’accord de 2005 mettant fin à deux décennies de guerre civile au Soudan. L’Ouganda avait déployé des troupes à l’intérieur du pays pour évacuer les habitants et renforcer le soutien au gouvernement de Kiir.
Les combats ont commencé quand M. Kiir a accusé M. Machar — limogé de son poste en juillet 2013 — d’avoir tenté un coup d’Etat. M. Machar a rejeté cette accusation, reprochant au président d’avoir voulu éliminer ses rivaux. La rivalité politique se double d’un conflit entre ethnies. Des violences ont éclaté à travers le pays, les rebelles prenant le contrôle de plusieurs régions du nord, riches en pétrole.
Les combats revêtent une dimension tribale, exacerbant les antagonismes entre Dinka, tribu de M. Kiir, et Nuer, celle de M. Machar. En outre, certains observateurs pensent que le président Kiir voulait vraiment éliminer ses rivaux. Le dimanche 14 décembre, le président Salva Kiir a déclenché une vaste opération armée visant à arrêter les différents représentants de l’opposition politique du pays. Selon Gérard Prunier, consultant indépendant et ancien directeur du Centre français des études éthiopiennes, il n’existe pas un vrai coup d’Etat, mais c’est une tentative du président Kiir pour finir avec ses rivaux. « Devant faire face à une contestation croissante de sa politique, il commençait à avoir l’impression — correcte d’ailleurs — qu’il n’avait plus beaucoup de chance de remporter l’élection présidentielle prévue pour 2015 », explique Prunier.
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