Les candidats de l’opposition et le président sortant n’ont pas attendu la publication des résultats officiels pour féliciter Bassirou Diomaye Faye.
C’est au terme d’une série de rebondissements et d’une période de tensions que l’élection présidentielle s’est finalement tenue dimanche 24 mars au Sénégal. Et ce n’est pas sans surprise que le candidat antisystème du parti PASTEF, Bassirou Diomaye Faye, a été annoncé vainqueur le lendemain, bien avant l’annonce officielle des résultats de l’élection. Amadou Ba, le candidat du pouvoir, l’a félicité et a reconnu sa défaite, mettant fin au suspense, même si la commission électorale nationale a jusqu’à vendredi pour publier des résultats provisoires, avant leur validation par le Conseil constitutionnel.
Sorti de prison il y a à peine dix jours — il y était détenu depuis avril 2023 pour insurrection, une manigance politique, selon lui —, Bassirou Diomaye Faye est considéré comme un candidat de la rupture, qui prône un changement radical du système. Son avènement annonce potentiellement une transformation significative de la gouvernance du pays. L’ancien inspecteur des impôts a franchi discrètement les étapes dans l’ombre de son mentor Ousmane Sonko, troisième de la présidentielle en 2019 et frappé d’inéligibilité en 2024, après trois ans de bras de fer avec le pouvoir. Sonko l’a désigné comme son remplaçant dans la course présidentielle. Il n’a jamais exercé le moindre mandat d’élu auparavant. C’est aussi la première fois qu’un opposant l’emporte au premier tour au Sénégal.
Réconciliation nationale et refondation des institutions
A 44 ans, Bassirou Diomaye Faye s’affiche comme l’incarnation d’une nouvelle génération de politiciens, mettant en avant ses valeurs panafricaines, sa volonté de préserver la souveraineté de son pays, de répartir plus justement les richesses et de réformer une justice qu’il juge corrompue. Dans la soirée de lundi, le futur président du Sénégal s’est adressé aux Sénégalais depuis un hôtel huppé de Dakar. Sur le plan intérieur, il a indiqué que ses « chantiers prioritaires » seraient « la réconciliation nationale », « la refondation des institutions » et « l’allègement sensible du coût de la vie ». « En m’élisant président de la République, le peuple sénégalais a fait le choix de la rupture pour donner corps à l’immense espoir que notre projet de société a suscité et a donné corps à ses aspirations », a-t-il indiqué. Dans son allocution, il s’est engagé à gouverner avec « humilité, dans la transparence, à combattre la corruption à toutes les échelles » et à « se consacrer pleinement à la refondation de nos institutions et au renforcement des fondements du vivre ensemble ». « Je lance un appel à nos frères et soeurs africains pour qu’ensemble, nous consolidions les acquis obtenus dans le processus de l’intégration de la CEDEAO », a-t-il également lancé.
Malgré les tensions pré-électorales, le scrutin s’est passé dans le calme. Pourtant, le report de l’élection avait donné lieu à de sérieux troubles. Alors que les élections étaient initialement prévues le 25 février, le président Macky Sall a décidé d’annuler le scrutin, déclenchant d’importantes manifestations, d’autant plus que l’annonce a été à quelques heures du début de la campagne. Au sein de la classe politique sénégalaise, certains y ont vu une manoeuvre, voire un « coup d’Etat constitutionnel » visant à prolonger le mandat du président sortant Macky Sall. Ce dernier a proposé la tenue d’un « dialogue national » pour garantir des élections libres et transparentes, tout en confirmant qu’il ne briguerait pas un nouveau mandat. Cependant, ces propositions ont davantage alimenté le climat d’incertitude et de méfiance.
Une véritable crise politique s’ensuivit. Le scrutin a par la suite été reporté de dix mois par un vote de l’Assemblée nationale. Après un mois de confusion qui a alarmé l’opinion nationale et une partie de la communauté internationale, la date de la présidentielle a finalement été fixée au 24 mars après une décision du Conseil constitutionnel.
Ces semaines de confusion ont mis à l’épreuve la pratique démocratique du Sénégal et ont largement été suivies au-delà des frontières du pays, le Sénégal étant considéré comme l’un des pays les plus stables d’une Afrique de l’Ouest secouée par des putschs.
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