Patrouille de l’armée malienne au centre du Mali. (Photo : AFP)
Rien ne va plus au Mali. Alors que l’attention de la communauté internationale se tourne vers le Soudan et l’Ukraine, la menace terroriste qui y sévit semble passer presque inaperçue. Samedi 22 avril, 10 civils et 3 soldats ont été tués et une soixantaine de civils ont été blessés lors d’une attaque à la voiture piégée dans la zone de l’aéroport de Sévaré. Des djihadistes présumés ont attaqué la zone de l’aéroport de Sévaré, dans la région centrale de Mopti, en faisant exploser des voitures piégées. Les explosions ont détruit quelques maisons dans les environs de l’aéroport, qui abrite un camp militaire malien. Deux élus locaux et une source diplomatique cités par l’AFP ont désigné le lieu de l’attaque comme étant un camp abritant des troupes russes. Aussi, selon un élu local, des militaires sénégalais de la Minusma, la mission de l’Onu au Mali, sont intervenus. La Minusma, dont le camp s’étend sur quatre hectares de terrain à côté de l’aéroport et du camp de l’armée malienne qui abrite les Russes, s’est refusée à tout commentaire quant à son implication, se contentant de condamner les attaques et d’affirmer que des coups de feu ont été tirés en direction de son camp.
Côté officiel, une source militaire malienne à Sévaré a simplement évoqué « une attaque terroriste » ; une autre a dit qu’il s’agissait d’« une attaque complexe qui a nécessité un véhicule piégé et des techniques de guérilla ». Quant au gouvernement, il a annoncé que 88 djihadistes avaient été « neutralisés » dans une vague d’effusions de sang qu’il a décrite comme une résurgence des « incidents terroristes ». Des incidents terroristes synchronisés, visant à « annihiler la volonté des Autorités de la transition de poursuivre la refondation et la sécurisation du Mali », a déclaré le gouvernement. En effet, le même jour, 3 soldats sont morts alors que leur hélicoptère s’est écrasé dans un quartier résidentiel de la capitale Bamako, a annoncé le gouvernement, sans préciser la raison de l’accident. Et, quelques jours plus tôt, le 18 avril, Oumar Traoré, chef du cabinet du colonel Assimi Goïta, président de la transition, a été tué dans une embuscade près de la localité de Nara, dans une région en proie aux attaques djihadistes. Trois autres personnes sont mortes dans cette embuscade revendiquée par la Jamaat Nasr Al-Islam wal Muslimin (JNIM), liée à Al-Qaëda.
Une attaque contre un officiel de si haut rang est aussi rare que significative au Mali. Un pays où la tourmente sécuritaire va de pair avec une profonde crise humanitaire et politique. Les autorités se sont certes engagées sous la pression internationale à céder la place à des civils d’ici à mars 2024, il n’en demeure pas moins que la transition traîne en longueur, d’autant plus que le référendum sur le projet de Constitution validé en mars par Assimi Goïta a été reporté sine die. Ce qui inquiète le secrétaire général de l’Onu, Antonio Guterres, qui a récemment déclaré : « Du retard a été pris dans l’exécution de certaines activités essentielles. A moins d’un an de la fin prévue de la transition, il incombe aux autorités maliennes de faire tout ce qui est en leur pouvoir pour accélérer ce processus de sorte que l’ordre constitutionnel soit rétabli dans les délais convenus ».
La zone des trois frontières sous tension
Or, comment imaginer un passage du pouvoir aux civils dans un pays plongé dans l’insécurité ? Comment même organiser un référendum dans de telles conditions sécuritaires ? Dirigé depuis 2020 par une junte militaire qui a rompu une alliance de longue date avec la France et d’autres partenaires occidentaux associés à la lutte contre le djihadisme et qui s’est tournée militairement et politiquement vers la Russie, le Mali voit une résurgence du terrorisme ces derniers mois, alors que le pays est déjà en proie à la propagation djihadiste et aux violences de toutes sortes depuis le déclenchement de rébellions dans le nord du pays en 2012.
Moins d’un an après le départ des derniers soldats français en août 2022, le groupe EIS (Etat Islamique au Sahel, anciennement nommé Etat islamique au Grand Sahara) a, selon les observateurs, étendu sa présence dans la zone dite des trois frontières, entre le Mali, le Niger et le Burkina Faso. Début avril, la commune de Tidermène (nordest du Mali, près de la frontière avec le Niger) est tombée entre les mains de Daech, selon plusieurs sources locales, sécuritaires et communautaires citées par des agences de presse. Alors que la ville de Ménaka, sécurisée par l’armée malienne, soutenue par le groupe paramilitaire russe Wagner, est encerclée par les djihadistes de Daech qui ont progressivement pris le dessus sur leurs rivaux du JNIM. Lundi 24 avril, l’armée malienne a affirmé avoir mené une opération dans la région de Ménaka. Douze « terroristes » ont été interpellés et du matériel a été saisi dimanche, a assuré l’armée dans un communiqué, en assurant que la situation sécuritaire reste calme.
Cependant, selon les analystes, Daech peut utiliser les zones sous son contrôle autour de Ménaka comme base pour accroître ses opérations dans la région. L’organisation s’étend en effet vers le nord du Mali et le nord-est du Burkina Faso. Une extension qui menace également le centre du Niger.
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